mercredi 24 février 2010

Immortalité Taoïste



«L’Immortalité c’est de travailler à une Oeuvre Eternelle.»

Joseph Ernest Renan


Les Huit Lois pour Vivre Bien


Dans notre Tradition, il existe bien des règles et des conseils pour tous les aspects de la vie. Il existe aussi de grands concepts, dont nous ne parlons pas beaucoup, mais vers lesquels nous tendons.


Parmi ces grandes idées, il y a l’immortalité.


Elle ne concerne pas la volonté de vivre vieux, mais elle rappelle trois éléments importants vis à vis du rapport à son âge :


  • La Voie est un enseignement vaste qui demande du temps pour une exploration optimum,
  • La pratique demande d’être en forme pour pratiquer,
  • L’idée est de vivre au maximum de son potentiel, que ce soit 66 ans ou 118...


Il existe donc une série de concepts simples pour vivre vieux, ou au moins le plus vieux possible pour notre génétique et surtout avec le moins d'inconvénients possible.


Les recherches modernes se sont penchées sur les gens qui vivaient plus vieux que les autres, il y a même eu des études qui ont duré des années sur une population mondiale.


À la fin, elles en viennent toutes à quelques règles simples pour vivre le mieux possible, le plus vieux possible... et ces règles sont en tous points similaires à celles de notre tradition.


Voyons ensemble ces règles de longue vie, elles sont au nombre de Huit : trois principes d’hygiène de vie, trois règles alimentaires et deux principes philosophiques ou spirituels :


1 - Bouger,

2 - Lâcher,

3 - S’occuper,

4 - Boire,

5 - Mâcher,

6 - Sentir,

7 - Partager,

8 - S’engager.



1 - Bouger Naturellement


Une activité physique et consciente quotidienne est très importante.


Cela n’a rien à voir avec le fait de s’agiter dans son quotidien, c’est une dépense physique avec l’intention portée sur son ressenti corporel.


Il est important aussi de constater qu'il n'y avait aucun sportif dans aucun des groupes de centenaires. Les mouvements pratiqués étaient une marche, une gymnastique douce et quotidienne, pas de sport à proprement parlé.


La différence est que dans le sport, le corps est poussé trop loin, trop fort.

C’est bien un temps, mais la pratique sportive vue par les occidentaux fatigue le corps, l’use.


Les exercices de qi gong sont bien supérieurs pour obtenir une bonne santé qui perdure.



2 - Lâcher Prise : savoir se détendre chaque jour


C’est une règle simple d’équilibre entre le travail et le repos.


De plus, c’est le fait de s'aménager des espaces de détente, dans sa journée... tous les jours. Ce sont des moments qui peuvent être assez courts, mais qui s’amplifient en fonction du stress développé.


En général, plus on est sous pression, moins on s’occupe de soi, de sa détente. Cette règle nous demande de faire l’inverse : plus on est sous pression, plus il faut savoir s’aménager des zones de détente dans la journée.


Sans technique avancée, c’est juste la capacité à s’assoir pour respirer deux à dix fois par jour, sur quelques minutes.


Ces minutes «perdues» permettent de ne pas tomber malade, de ne pas faire de dépression ou de ne pas détester son travail... c’est en fait un gain de temps sur le long terme.


Dans la pratique, c’est le Shen Gong (méditation) et l’habitude d’équilibrer son travail et son repos.



3 - S’Occuper : s’Enthousiasmer devant les Merveilles du Monde


Une recherche honnête sur des sujets choisis, voilà ce qui motive à vivre de longues années.


La stimulation de son système nerveux, de ses sens et de son intellect permet de rester jeune dans son esprit et dans son corps.


L’ennui est une source de tension et de stagnation d’énergie, une origine de grand stress.


L’enthousiasme est un stimulant du processus vital, de l’envie de faire.


De plus, dans aucune des traditions de centenaires, les gens ne prenaient de retraite. Le travail et les occupations ne s’arrêtent jamais, tout en évoluant au fil des années.


En ne prenant jamais de retraite, on est évidemment obligé d'adapter sa manière de travailler selon que l'on ait 20 ans ou 90.


Dans l’étude d’un enseignement, d’une tradition, l’être humain s’épanouit dans une recherche de soi et de son monde.


S’occuper c’est aussi s’engager, c’est aller à la recherche de soi, quelque soit la tradition, en rapport avec la huitième règle.


Dans notre tradition, l’immensité des connaissances à acquérir permet de rechercher toute sa vie.



4 - Boire : Pour Stimuler le Corps, les Traitements Saisonniers


Dans toutes les traditions où il y a des centenaires plus qu'ailleurs dans le monde, les gens prennent des préparations d’herboristerie aux changements de saison.


On retrouve dans ces traditions des vins aux herbes, des préparations traditionnelles et des pilules de "longue vie".


Le travail d’adaptation aux saisons est allégé par la prise régulière de produits naturels.

Bien des gens commencent à prendre des produits quand ils sont malades, alors qu’il faudrait les prendre avant que son corps soit trop fatigué.


À chaque saison, il est recommandé de prendre des produits qui aident le système à s’adapter avec le moindre effort... c’est une petite action à effectuer tous les trois ou quatre mois et qui peut vraiment tout changer pour sa santé.


Dans notre tradition, les produits de changement de saison sont sous la forme de gouttes de préparation de plantes ou d’huiles essentielles.



5 - Mâcher : Des Légumes avec peu de Viandes


Quand le pratiquant est au moment de sa construction physique, il est important de manger de tout et de ne pas manger trop peu.


Les protéines animales sont bénéfiques pour la construction du corps et la «yinisation» de celui-ci.


Quand le corps est construit ou quand on arrive aux alentours de 45 ans, il faut freiner la prise de protéines animales pour un régime plus léger.


Les légumes et les fruits doivent être la majorité du régime alimentaire.


Il ne faut pas faire de régime strict, mais des phases de contrôle tous les trois mois, favorisant ainsi un organisme toujours détendu qui ne s’épuise pas.


Dans toutes les études, le principe d’un régime équilibré et riche en légumes est au centre d’une bonne santé générale et d’une absence de maladies graves en liaison avec le système digestif ou excrétoire.


La forte proportion de légumes frais oblige la mastication et le peu de viandes simplifie le travail des intestins.


Dans notre tradition, les phases de régime taoïste et les règles de diététique suivent ce principe.



6 - Sentir : Ne pas trop Manger et pas trop Tard


Il y a une réelle importance à ne pas manger trop tard le soir.


Un repas non digéré va être un poison pour l’organisme si on va se coucher alors que la digestion est en cours.


Il faut aller se coucher détendu et la digestion doit être finie ou sur la fin.


Cela n’est pas possible en se couchant avant minuit et en dinant à 22h...


De plus, il est important de ne pas trop manger, laissant ainsi une chance au système digestif de ne pas s’épuiser.


Il est bon de manger en une fois, sans trainer mais sans se presser, autour de 19h30.


Il est préférable de ne pas faire plusieurs plats ou plusieurs pauses, la digestion étant un processus qui demande un début et une fin et qui se complique plus il y a de phases.


Il faut aussi savoir que l’estomac ne va prévenir l’individu de sa satiété qu'autour de 30mn après l’avoir ressenti... ce qui veut dire qu’en mangeant vite et trop, on peu se goinfrer une demi-heure sans en avoir le besoin.


Il est bon d’évaluer par expérience ses besoins et de les satisfaire sans céder à ses névroses alimentaires.


Dans notre tradition, nous parlons de se coucher tôt et donc de se nourrir de même.


Il est important de comprendre qu’aujourd’hui pour un occidental qui vit dans un pays privilégié, nous mangeons toujours trop... alors apprenons à manger un peu moins, nous ne risquons pas la malnutrition...



7 - S’engager : Vivre selon des Valeurs


Dans les raisons qui aident à vivre mieux et plus vieux, nous avons la croyance en des valeurs. Ces valeurs peuvent être religieuses, spirituelles, philosophiques.


Ces croyances vont permettre de trouver un sens à sa vie et de répondre aux questions qu’on peut se poser.


Les religions et les traditions religieuses vont aider les gens à trouver de justes valeurs pour vivre leurs vies et agir avec les autres.


La capacité de trouver un sens à sa vie, une Voie est une partie essentielle pour vivre bien.


Cet engagement peut être social ou moral, il n’est pas besoin d’être religieux ou spirituel.


La compréhension personnelle du monde, de ses changements et de l’intégration de soi dans tout ceci permet de vivre mieux et dans une certaine sécurité. Cette assurance va aider à vivre plus longtemps, sans crainte.


Le sens de sa vie et sa place dans le monde sont deux moteurs pour une longévité heureuse.


La pratique, par son étude quotidienne, permet une compréhension de soi et des autres, dans une réalité mieux perçue.



8 - Partager : Vivre avec une famille ou un clan avant tout


La croyance dans des valeurs est importante, mais la capacité d’échanger avec des gens qui ont les mêmes est tout aussi importante.


Les groupes humains qui vivent les plus vieux ont tous cette habitude de se côtoyer, de parler et partager chaque semaine.


Ce lien social primordial prend toute sa valeur quand il réunit des gens autour de valeurs partagées, et en a moins quand on est là uniquement pour rencontrer des gens.


La pratique est une façon de se retrouver au sein d’un groupe fraternel qui cherche dans une même direction.


Cette optique de recherche amène une ambiance fraternelle qui accompagne tout au long de sa vie... une des grandes raisons de longévité.


Nous voyons que la sagesse de la tradition taoïste clanique, basée sur des textes anciens et précis datant du 4ème au 7ème siècle, est en accord avec les études les plus récentes (la dernière datant de 2009).


Voilà.


samedi 6 février 2010

Pour marcher avec le Monde, il faut apprendre à marcher Seul



Voyons ensemble, un petit résumé de notre Pratique.

La Méthode de l’enseignement et ses pièges.



Les cinq facteurs de la Pratique :
Pour commencer une pratique personnelle, les textes anciens nous citent plusieurs critères à remplir : il faut en effet trouver une Voie, un Professeur, un Groupe et cela dans un temps et un espace qui convient à notre état d’évolution.

Nous devons déjà aller vers un enseignement que nous choisissons. Que ce choix soit le fruit d’une rencontre ou d’une recherche, il faut qu’il corresponde à notre besoin.

Il est par exemple utile de connaitre l’origine d’une voie spirituelle avant de s’y engager.

Si cette voie est une voie de renoncement et d’isolement religieux, elle sera peu compatible avec une vie citadine d’une personne qui travaille.

Cela peut paraitre anecdotique, mais des techniques d’apaisement du mental d’une pratique de retraite du monde ne seront pas efficaces dans une confrontation urbaine.

Il est important de trouver une Voie qui soit cohérente avec sa façon de vivre.

On dira ce qu’on veut, il n’est pas pratique de devoir porter des vêtements orange tous les jours...

Ayant choisi la voie, il faut trouver l’enseignant.

Un professeur qui est un lettré peut surement discourir et enseigner les textes de la voie, mais il ne doit pas seulement être un savant...il faut qu’il ait pratiqué ce qu’il enseigne, ou qu’il pratique encore (c’est souvent mieux).

Si vous allez un jour en montagne dans un endroit sauvage, vous serez plus enclin à choisir un guide du coin qui connaît le terrain plutôt qu’un érudit qui a écrit un livre sur la région...

Un professeur ne doit pas être seulement un pratiquant accompli, car si c’est très bien pour lui, cela ne veut pas dire que c’est un bon enseignant, qu’il peut passer son savoir.

Le professeur doit dans l’idéal être un être humain heureux qui a suivi l’enseignement qu’il donne et qui vit comme sa Voie le recommande. Il est préférable qu’il soit toujours un pratiquant actif.

Il est important aussi que dans la voie, les frères et soeurs de pratique s’entendent bien et que la dynamique du groupe soit dans l’échange et non dans la compétitivité.

Il est impossible que tout le monde soit amis, mais au moins que l'entente cordiale soit réelle. Un membre qui ne s’intègre pas au groupe ne pourra être bien, un groupe qui subit des éléments perturbateurs non plus.

Nous avons maintenant la trilogie nécessaire pour une pratique personnelle saine.

Il faut rajouter à cela la composante espace/temps : il faut que ce soit le bon moment et le bon endroit.

Mais si ces conditions sont là, il faut plonger, s’engager et s’investir.

Il est important de considérer la chance de trouver une pratique de découverte de soi qui nous plait, il est irresponsable de ne pas le prendre au sérieux


La chance de se questionner : une voie vers le Réel
Le questionnement de sa condition Humaine, le refus de se contenter de peu et l’envie de connaitre sa vraie place dans le monde sont de bonnes façons de commencer une voie.

En fait, toutes les attentes les plus malades sont de bonnes façons de rentrer dans une recherche personnelle.

L’attente première, toujours fantasque, doit être dépassée par l’entrée dans une pratique sérieuse. On rentre toujours pour une mauvaise raison dans l’enseignement, toujours. Cette vérité se dévoile au fil de sa pratique.

La pratique quotidienne permet de faire disparaitre les illusions et de gagner une meilleure perception du réel.

Les perceptions que nous avons sont toujours teintées de nos préjugés et de nos émotions : il n’y a pas de perceptions externes.

Toutes stimulations de nos sens, interprétées par notre intérieur, ne sont pas le réel : elles ne sont que ce que nous acceptons de voir.

Regardez à quel point notre humeur et nos émotions vont changer la façon dont nous recevons un compliment, une injure ou une nouvelle.

Par une pratique équilibrée, nous pouvons éliminer une bonne partie des préjugés et ainsi percevoir plus justement le monde réel.

Cette rencontre de la réalité ne peut être qu’un voyage seul, puisque les sensations ne sont qu’internes.

La pratique est un apprentissage à s’entrainer
Il est important de comprendre que la pratique est une voie de discipline, mais une discipline joyeuse et enthousiaste.

Cette discipline n’est pas forcée, elle se découvre par les bénéfices gagnés par expérience directe, dans le quotidien de sa Voie.

C’est la voie de la connaissance de soi qui amène vers l’autre, vers le monde et le partage, mais le travail interne est un travail seul.

Le rapport à l’autre va jouer énormément sur notre rapport à nous même.

Ce qui est le plus important, c’est de s’enthousiasmer pour son entrainement quotidien, dans toutes ses déclinaisons : corps, énergie et esprit.

Le travail d’apprentissage n’est pas la pratique : il faut entrainer ce qui a été appris, rechercher une intimité avec chaque domaine de la Voie.

Le cumul d’apprentissage sans un travail d’assimilation par une pratique quotidienne n’est rien : seule l’expérience directe, liée au passage à l’acte, a une valeur pour le pratiquant.

Il faut le faire...et seulement là : « ça marche » !


Le professeur montre la voie, le pratiquant fait tout le reste
Il est évident que le rolle du maitre, du professeur, est très important : il donne les informations qui montrent la méthode et donne les corrections qui aident à pratiquer correctement.

De plus, si le professeur est un « bon » professeur, il a toujours réponse aux questions de ses élèves.

Le professeur n’est pas un lettré de la pratique, mais il peut aimer se cultiver sur le domaine de la Voie. Le professeur n’est pas juste un bon pratiquant, mais il doit avoir passé les étapes de son enseignement.

L’intérêt d’un enseignement ancien, c’est qu’il cumule des informations et des réponses adaptées à tous.

Le professeur donnera toujours en fonction de la demande, c’est dans le principe d’équilibre.

Mais attention au rôle que vous donnez au professeur, il ne retire pas l’importance de votre bon sens ou les responsabilités que vous avez envers le quotidien.

Tout en étant disponible, il n’est pas là pour porter vos fardeaux ou organiser une garderie hebdomadaire.

De même, si le professeur ne vous connait pas, comment peut-il vous aider ?

Le Fantasme des Trois Paresses
Nous parlons dans notre tradition de 3 Paresses : « Chouiner, Flâner et Prétendre »

Chouiner, c’est se plaindre, commenter, alors qu’il serai surement plus sage de pratiquer.

Attention, ce n’est pas le fait de tout garder pour soi et de ne pas communiquer avec ses frères et soeurs d’école ou avec son professeur...c’est le fait de se plaindre en boucle à propos de faux problème qui permet de se faire rassurer.

La vie n’est pas une expérience rassurante, la Voie non plus.

Flâner est en fait une gentille façon de dire « Glander ».

Malgré une assurance que la pratique c’est très bien ou dans l’assurance de sa supériorité intellectuelle et physique, on ne pratique pas.

Pas de soucis, nous sommes tous libres de faire ce qui nous plait...Mais...

Mais si l’on ne pratique pas, ça ne marche pas.

On se retrouve tôt ou tard dans une fosse profonde et sombre, englué dans nos fantasmes de grandeur et sans réponse aux mouvements du monde.

Et puis il y a prétendre...

C’est la paresse la plus fourbe : on cherche venir plus en cours pour essayer de « prendre » plus d’information (peut être un secret qui glisse de la bouche du Professeur qui est un peu distrait), c’est aussi chercher à lire sur le sujet de la pratique, se renseigner sur ce que font les autres et si ce n’est pas mieux que ce qu’on fait chez nous, discuter et tergiverser, supputer et corrompre la Voie en perdant du temps, mais de façon subtile.

Tellement subtil que parfois on ne se rend compte de rien et si l’on ne discute pas avec son professeur, il est possible de faire ça tout le long de sa Voie...qui de ce fait n’est qu’un savoir horizontal.

Un des concepts fondateurs de notre tradition est celui des cycles naturels.
Laisser le temps au temps.

Avec le meilleur professeur du monde et avec les qualités idéales d’un élève parfait...il faut du temps aussi.

Sans digestion des informations, pas de pratique : le temps d’apprentissage permet de passer à la pratique réelle, mais il faut s’approprier ce qui a été appris.


La voie est un chemin de vie qui nous permet de nous comprendre, de rencontrer l’autre avec ouverture et de pouvoir nous fondre dans les changements du monde.

Il faut accepter que personne ne puisse faire le travail à notre place.

Comme on dit dans le Daozhang :

« Ne pas pratiquer en connaissant la voie est sot ;
Trop s’entrainer est une manière de fuir sa vie et ses responsabilités ;
Chercher sur 50 voies est l’assurance de l’échec. »

Et pour conclure :

Usus Magister Est Optimus