samedi 29 août 2009

Temps, Patience et Personnalité

La majeure partie des occidentaux n'est plus dans une situation de survie quotidienne qui permet d'oublier les maladies de l'Ame. Ayant du temps dans un confort matériel relatif, nous observons ce petit bruit au fond de nous qui rappelle à ce que nous n'avons pas réglé : ce vide intérieur que nous cherchons parfois à combler par l'accumulation extérieure. Une séparation profonde entre "moi" et "je", entre nous et notre nature profonde. Cette sensation est une souffrance, une douleur souvent sourde, parfois violente, qui est là.

Nous allons vers des pratiques, des voies, qui nous promettent des solutions plus ou moins miracles. Mais que choisir ?

De nos jours, dans une surinformation qui nous baigne dans une certaine confusion, nous ne savons plus exactement que choisir. Nous allons vers la voyance pour nous connaître, les arts de combat pour la santé et vers l'aïkido pour se défendre dans la rue, nous apprenons la méditation transcendantale pour la souplesse et la musculation pour la détente… autant regarder la télévision pour la culture !

Ne sachant pas vraiment ce que nous faisons, nous ne pouvons aller que vers le n'importe quoi. Les maîtres apparaissent comme les gurus et tout le monde sait tout faire : ce savoir "horizontal", comparable à une fine couche de confiture sur une tartine trop grosse, ne peut répondre à nos questionnements.Tout doit aller vite, tout doit être rapide, nous nous devons de nous transformer et de tout comprendre dans l'urgence pour ne pas rater les autres choses à faire… plus ! vite !

Nous sommes étonné de ne pas être une nouvelle entité vivante dans les quinze jours et que l'Essence du savoir ne soit pas intégrée à notre âme en un mois : il faut des années pour nous mettre dans l'état douloureux que nous cherchons à modifier, il sera de même dans l'autre sens.

Dans les pratiques qui sont disponibles, nous avons besoin de faire notre choix.

Comment faire un choix qui correspond à ce que nous cherchons ? Bien souvent nous sommes attiré par le costume, le chapeau ou le sourire d'un vendeur de spiritualité et nous oublions de regarder à deux fois. Nous sommes séduit par l'emballage, comme dans le supermarché, mais nous ne regardons pas l'étiquette (et c'est dommage !).

La forme occultant le fond, le brillant aveuglant la recherche, nous allons où la télévision nous dit d'aller ; c'est ainsi nous avons constaté la mode du yoga, du karaté, du bouddhisme tibétain (merci Richard Gere), de l'aïkido, du tai chi (si les gens savaient que c'est une boxe…) et toutes les autres merveilleuses choses pré mâchées par les Etats Unis et recrachées, par réflexe boulimique, sur l'Europe.

Mais que voulons nous ? Que cherchons nous ? (et qui sommes nous, au fait ?)

Si nous prenons le temps de discuter, de chercher et de choisir, nous allons vers ce que nous voulons. Il vaut souvent mieux investiguer et croire en soi que suivre les conseils des magazines féminins. Est ce que le corps "sait" ? Peut être, mais encore faut il être sûr de ne pas prêter attention à un corps "malade". Par nos habitudes nourries par nos pensées compulsives et réactives, par nos frustrations et nos tensions, notre corps n'est plus cette entité corps/esprit détendu de notre origine. Nous réagissons et nous défendons contre un monde que nous ne comprenons pas. Il nous faut revenir à une certaine quiétude pour pouvoir nous écouter.

Sans une bonne santé, mentale et physique, comment prendre nos compulsions internes comme connaissance et ressenti justes ?

Un alcoolique le matin au réveil, sent très précisément qu'il a besoin d'un verre… mais doit il suivre son envie pour autant ?

Dans une dérive new age très prononcée, nous avons vu beaucoup de pratiques qui demandent de suivre ses pulsions et envies, sous prétexte que le corps "sait" tout… oui et non.

Si le corps, par une pratique et des introspections répétées, est détendu et que la circulation énergétique est fluide, alors il doit être pris très au sérieux. L'écoute de son corps est, dans ce cas là, toujours une priorité pour savoir l'état réel de soi, de ce que l'on pense vraiment. Dans ce cas là encore, il est plus sage de croire en ses émotions qu'en ses pensées. Il est possible de se mentir avec le mental, l'ego ; alors que les émotions sont viscérales, dans le corps.

L'idée d'une pratique, si elle existe réellement dans une tradition, est de nous guider vers un but. Ce but peut être spirituel, psychologique, physique ou autre. Mais si nous ne connaissons pas l'idée directrice de la voie, le besoin et la tradition, il est difficile de s'engager. C'est aussi une bonne raison pour ne pas s'engager…

Un entraînement va toujours chercher à développer des qualités qui sont nécessaires au but du style : par exemple la force du mental pour le combat, le cardiovasculaire pour le sport et la paix de l'esprit pour le spirituel. Encore une fois, il faut faire attention à ne pas développer des qualités qui ne vont pas dans le sens de notre pratique (les capacités cardiovasculaires dans une voie spirituelle aux dépend de la paix de l'esprit par exemple) sinon nous sortons des priorités de notre voie et nous perdons du temps.

Nous consommons les voies comme des hamburgers, parfois "bios", mais nous n'allons que rarement au fond d'une voie. Une tradition demande du temps et du courage. Nous savons à quel point nous sommes impatients de "changer" et à quel point les changements nous font fuir. Un paradoxe très taoïste.

La pratique nous rapproche trop de ce que nous ne voulons pas voir : cette différence entre "qui nous sommes" et "la personne que nous cherchons à "vendre" au monde".

Ce personnage fictif, qui prend source dans nos nom et prénom, nous le façonnons depuis des années et nous sommes fiers de ce polissage présentable. Ce "faux soi" est nourrit par notre rumination mentale et nos pensées compulsives, "nous sommes parce que nous pensons" (merci à Descartes !). Ce personnage, cette personnalité, (du latin "persona", le masque !) nous est insupportable quand nous devons regarder au travers. Dans la voie nous passons au-delà, lâchant le masque nous allons vers le "naturel", le spontané.

Si nous allons vers dix voies en même temps, on accumule au lieu de réduire et on finit par éviter avec un soin méticuleux tout ce qui peut nous aider, nous ne bougeons pas de notre condition.

Notre souffrance nous permet de nous sentir vivants, de nous prendre pour une forte individualité (personnage) qui se détache du tout, une illusion de bonheur dans une poursuite de renforcement de son ego, une séparation.

Poussé entre épisodes dépressifs et anxieux, entre passé et futur, nous répétons continuellement des cycles sans fin, pavés de soubresauts plaisir/souffrance qui n'en finissent plus.

Il est évident que la paix ne peut se trouver dans cette alternance maladive qui nous épuise et nous fait nous questionner sur le sérieux de la vie ; doit on faire cela pour le restant de nos jours ? Existe-t-il une autre façon de vivre sa vie pour toucher une paix réelle ? Oui, dans une pratique spirituelle, dans une "alchimie interne" nous allons "transmuter" et "sublimer" dans une recherche de paix et de silence.

C'est un processus long, mais qui porte ses fruits… "si on le fait ça marche, si on ne le fait pas ça ne marche pas".

A travers cette fuite vers le futur, où "tout va aller mieux", ou dans le rappel constant de notre passé, où "tout allait si mal", nous oublions la réalité : le temps n'existe pas !

Notre perception du temps est faussée par notre mental emporté dans une danse folle, une divagation dans un espace irréel.

Nous n'avons et ne vivrons que des instants présents dans une inconscience plus ou moins épaisse. Je me répète : vous n'avez et ne vivrez que des moments présents plus ou moins dans l'inconscience, dans la présence, il est impossible de spéculer sur celle-ci. Nous ne pouvons réaliser que notre inconscience, nos moments de présence sont des instants qui sont "invisibles", dans les changements du monde, des moments où nous "disparaissons". Une partie (nous) du conscient ne peut réaliser le tout (conscience globale).

Nous ne sommes conscients que de nos inconsciences… hummmm.

Plus nous sommes inconscient et plus les changements du monde seront projetés dans un futur angoissant ou un passé dépressif. Plus nous sommes dans cette dissociation nous/monde, plus notre inconfort est grand. Plus nous sommes dans la trame du temps, moins nous sommes heureux.

Dans ce refus du présent, nous devons nous occuper suffisamment pour ne jamais être conscient : chaque moment de présence nous rappelle que nous sommes séparé de cette union recherchée.

Dans l'instant, un présent accepté, nous ne pouvons être malheureux.

Si le présent est submergé par l'émotions ou la pensée, il n'est pas possible d'être dans l'instant.

La pratique nous remet dans cette présence de l'instant, la voie nous sort de la trame du temps. Les cycles ne peuvent se répéter, nous allons vers un non-choix conscient.

Pour poser les bases de notre pratique nous devons aller dans le sens des initiations d'avant, des rites de passages oubliés. "Poser la base" représente dans la voie taoïste une période de 300 jours ou nous entrons dans la voie. Cette entrée est un changement important dans la vie qui peut provoquer des phénomènes. Tout changement provoque des "frictions", des mouvements qui vont produirent des sensations (souvent désagréables). Souvent nous préférons fuir la voie pour nous réfugier dans ce que nous connaissons : notre personnage et nos habitudes malades mais connues qui nous rassurent. Nous trouvons excuses et plaintes diverses qui vont nous affirmer dans notre fuite.

Certaines souffrances sont réelles, moyens de défense de notre ego en péril. Plus nous allons vers cette union avec les changements du monde, plus notre ego perd ses limites, sa sécurité. Mais si nous continuons sans prêter trop d'attention à ces phénomènes ponctuels, nous verrons ceux-ci perdre de leur force pour disparaître finalement.

La solution la plus évidente après une fuite est une répétition du processus : on trouve une nouvelle voie, un nouveau maître, une nouvelle tenue et un parfum d'encens différent. Coincé dans nos cycles temporels qui se répètent sans cesse, sortie de la réalité de l'instant, nous errons dans une hypocrisie spirituelle et une passivité déguisée. Bizarrement, la souffrance, adoucie par une satisfaction de l'ego, est toujours là.

Dans la connaissance du processus, dans l'acceptation d'une volonté de "retour", nous devons nous engager pour travailler dans un sens unique. Les moments de présence vont se densifier, se répéter et s'enraciner dans notre quotidien. Nous allons doucement nous envelopper dans une acceptation du présent, qui n'a rien à voir avec une résignation emprunte de sensiblerie, et nous glisser dans les changements du monde.

Cette union aux mouvements de l'énergie universelle, capacité à aller "avec" et non "contre", cette détente qui en résulte, tout cela est la Voie.

Mais avant et pour ce résultat, il faut s'astreindre à ses exercices chaque jour, sans fioritures, dans une découverte de l'enthousiasme de la pratique.

lundi 17 août 2009

Détendu...pas Mou

Il est très important de ne pas confondre détendu et mou. Dans les arts de combat internes, nous devons acquérir une certaine force (car on ne fait ni couture, ni ping pong), mais sans tension musculaire. Les pratiquants doivent passer par une force "réelle" et manifestée avant de pouvoir "digérer" cette force et la rendre douce (autant que peut l'être une frappe). L'idée d'une frappe interne, pénétrante ou vibrante, est douce pour celui qui la donne, pas pour celui qui la reçoit.

Comment définir cette différence entre "détendu" et "mou" ?

Détente : action de détendre

La détente musculaire apporte cinq intérêts directs pour tout pratiquant :

La disponibilité du muscle pour une utilisation immédiate dans une action volontaire (vitesse)
Une utilisation minimale des muscles antagonistes qui freinent l'action (puissance)
Une récupération optimale des efforts musculaires (récupération)
Une économie de mouvement qui réduit la consommation d'énergie (endurance)
Une possibilité de "faire passer la force" (pénétration).
Le stade de "xin yi", la "forme pensée", est la possibilité de faire ce que l'on veut faire et de comprendre ce que l'on fait. Nous allons créer une liaison entre notre corps et notre esprit, ce qui va apporter la possibilité d’agir sans être paralysé par nos pensées compulsives. L'inverse, c’est-à-dire avoir un esprit calme et disponible, est également nécessaire… mais ce n'est pas le sujet de ce texte.

Un muscle contracté doit se détendre avant d'être disponible pour une nouvelle action. Et détendre ce muscle demande un délai dans l'action qui ralentit celle-ci. En revanche, si on atteint une détente optimale, le muscle est toujours disponible pour l’action. Cela nous permet d'obtenir une plus grande capacité d'étirement et de contraction des muscles, tendons et ligaments qui participent au mouvement : on acquiert donc plus de vitesse.

Malgré la détente musculaire, tout mouvement entraîne une action protectrice des muscles antagonistes. Ces muscles protègent les articulations de mouvements brusques qui pourraient les blesser. Dans une action du poing vers l'avant par exemple, si nous ne regardons que le bras et l'avant-bras, on s'aperçoit que le triceps est ralenti par le biceps. Si le biceps est très tendu, très contracté, il freine l'action du coup de poing. Etant détendu, la vitesse et la puissance sont augmentées (sachant que pour ce faire, les tendons doivent êtres renforcés).

Les entraînements réguliers peuvent fatiguer les muscles. Les exercices spécifiques "tirent" sur les chaînes musculaires. Dans les deux cas, si une tension existe, elle ira à l'encontre du résultat cherché. Les explosions de mouvements brefs, qui sont souhaitables dans les arts de combat, sont des répétitions d'effort "anaérobie". Cela veut dire que le muscle ne peut prendre ses ressources énergétiques par la voie oxydative (oxygène). Pour toutes ces raisons, la décontraction est importante, grâce à la détente musculaire la poursuite du travail dans l'effort se fait plus facilement, avec une production réduite de "déchets" biochimiques (évitant les blessures, la tétanie musculaire et les courbatures).

Les muscles antagonistes ne se contractant presque pas, les muscles pour l'action étant libres de tension jusqu'à leur utilisation et la récupération de cycles en cycles se faisant facilement, nous consommons moins d'énergie. Cette énergie interne sera par conséquent disponible en cas d'urgence. De plus, toute action prolongée et "forcée" se déroule dans de meilleures conditions. Notre corps/machine reste en meilleur état plus longtemps.

La force pénétrante, la force vibratoire, et toutes les "petites gourmandises" des arts internes demandent une détente certaine pour "traverser le corps". Nous n'explorerons pas aujourd'hui ce sujet complexe.

Il faut aussi noter que tout le monde, chinois du passé et physiologistes d'aujourd'hui, s'accordent à dire qu'une musculature contractée va de pair avec une certaine tension psychique et inversement. La détente musculaire ne provoque pas uniquement une disponibilité du corps, mais aussi une forme de psychorégulation.

Mollesse : "Qui cède facilement à la pression"

Par excellence, nous ne devons pas céder à la pression. Dans une vision très "new age" des arts martiaux internes, les gens ont tendance à se transformer en mous. De même, ils basculent souvent dans une sensation "fantasmatique" de l'énergie. Dans ce dilettante illusoire, le pratiquant "new age" oublie souvent qu'une frappe relève du niveau de la réalité, il lui faut donc de la force "réelle et détendu" pour s'adapter et éviter un départ prématuré pour le "l'Autre Coté". il est plus sage de rien pratiquer plutot que d'être dans des illusions dangereuses.

Travail sans tension musculaire

Tous les exercices de renforcement, toutes les techniques, doivent se faire sans tension musculaire. Cela dit, il n'est pas question d'être mou ou même doux. Il s'agit tout de même d'arts de combat qui demandent de rendre hors d'état de nuire les assaillants éventuels. Dans un entraînement réaliste et bien conçu, les pratiquants vont souvent aller assez loin dans l'exploration des différentes douleurs liées aux frappes internes. C'est un processus douloureux et souvent amer, mais cela doit se faire dans une relaxation la plus totale possible. Il est étonnant et parfois incroyable, de voir les dégâts qu'une frappe relâchée mais pas molle peut provoquer.

Travail répété : musculature "tenue mais pas molle"

Dans un travail quotidien sérieux de son art, la musculature va se développer. Ce ne sera pas une musculation similaire à celle des culturistes. Les muscles sont toujours détendus mais toniques. Le volume va se déterminer suivant son corps et la fréquence de la pratique. Dans mon école, on garde la masse musculaire jusqu'à 45 ans, pour la laisser décroître doucement jusqu'à ses dernières années. Si nous sommes dans un moment intense de travail des exercices, nous allons gagner de la masse musculaire longue et détendue. Le contact de ces muscles est très similaire au caoutchouc, tendre mais incompressible. Si on s'entraîne tous les jours correctement, il n'est pas possible d'être "sans muscle" ou "faible".

Les exercices de renforcement : sans tension

Les exercices se répètent longuement sans tension, jamais. La vitesse d'exécution augmente pour certains, parfois c'est la lenteur qui se travaille. Les muscles s'épaississent au début, puis se stabilisent. Les muscles ne sont pas secs, le corps n'est pas celui d'un sportif. Nous pouvons décrire trois sortes d'exercices principaux :

Le travail de la vitesse,
Le travail de la technique,
Le travail de puissance.
Pour la vitesse, il est clair que le travail sur la détente du corps et de l'esprit est prioritaire. Il est habituel de "bâcler" les exercices de coordination, pourtant c'est un des secrets de la vitesse. La vitesse demande d'aller rapidement d'un point à un autre. Le relâchement ne peut pallier à la gaucherie. Nous devons avoir un lien intime entre ce que nous voulons faire et ce que nous réalisons. Cette liaison interne est le sous-produit d'un corps coordonné. Ces exercices sont difficiles et douloureux, ils contribuent à renforcer le corps. Nous pouvons distinguer plusieurs types de vitesse à travailler : vitesse d'action, vitesse de déplacement, vitesse de réaction, vitesse de décision, vitesse d'anticipation et vitesse de perception.

Les techniques martiales sont au coeur du travail à deux. Seul, le pratiquant va préparer son corps, mais pendant les cours, il va s'entraîner aux techniques avec un partenaire. Dans le travail à deux, les coups s'échangent dans une acceptation et des limites qui dépendent de son engagement et son but. Ceux qui travaillent dans l'idée d'être en meilleure santé peuvent goûter aux arts de combat sans aller dans les profondeurs de cette discipline. Pour ceux qui choisissent la voix du guerrier, dans le respect de son corps, il faut aller "tester" ce que l'on apprend. C'est sans doute l'entraînement le plus utile, mais aussi le plus difficile. Il inclut toutes les facettes de la pratique, c'est le moment où l'on va se confronter à la peur et vérifier sa "présence". Nous pouvons distinguer trois étapes qui vont bâtir les gestes "justes" : une préparation générale qui s'occupe des qualités nécessaires pour acquérir les techniques (motivation, attention, latéralisation, capacité d'apprentissage…), une préparation spécifique des gestes dans un but défini (parades, déplacements, distance, impact…) et une base de développement polyvalent où la priorité est donnée à l'élargissement de la capacité de coordination. Les blocages dans l'apprentissage de techniques viennent souvent de la coordination de base qui est trop restreinte.

La puissance est développée d'une façon prioritaire dans les styles de combat. Qu'elle soit pour la défense ou pour l'attaque, que ce soit pour enrouler ou pour briser la force adverse, il faut de la puissance. Les exercices de puissance sont absolument nécessaires pour une confrontation physique. Tous ces exercices se font dans une détente musculaire totale, ou du moins de la manière la plus relâchée possible. Il n'y a pas de tension dans les exercices internes de notre école, une prise de conscience sans contraction. Les types de force travaillés sont :

la force maximale (possibilité d'unir tout le corps pour une force globale),
la force explosive (capacité de réaliser le plus grand accroissement de force dans le temps le plus court possible),
la force initiale (capacité de force explosive au début de la contraction musculaire),
la force vitesse (possibilité neuro-musculaire de surmonter des résistances avec la plus grande vitesse de réaction possible).
Coordination : gérer l'imprévisible
La capacité de coordination est un processus de connaissance du geste et du mouvement qui permet de réaliser des actions justes dans des situations prévisibles (stéréotypes) ou imprévisibles (adaptation). La coordination n'est pas l'habileté. L'habileté se rapporte à des actes concrets et partiellement automatisés qui n'ont pas de liberté propre, ce sont des gestes stéréotypés. Par exemple, un très bon karatéka pourra bloquer avec brio des attaques puissantes de la part d'un autre karatéka d'un très bon niveau. Il connaît les gestes précis et propres à son style et en connaît les parades (habileté). Ce même bon pratiquant de karaté peut se retrouver en difficulté devant une bonne "beigne de voyou", jetée n'importe comment par un teigneux. Il n'est plus dans le cadre des gestes qu'il connaît et son habileté doit s'adapter à l'aide de sa coordination pour correspondre à l'inconnu.

La coordination se nourrit et se développe de toute une série de capacités :

Dissociation et union du corps,
Capacité d'analyse,
Équilibre,
Sens de l'espace,
Rythmicité,
Réactivité,
Adaptation.
La dissociation et l'union du corps sont une nécessité pour parvenir à la force maximale. Pour le chi kung, les arts de combat et la vie quotidienne, il est bénéfique de travailler avec tout le corps sur un effort. Cet effort, parce qu'il est réparti sur l'ensemble de la structure, ne sera pas "difficile". La dépense énergétique est minimum et la détente maximale. De même, dans une action qui ne demande qu'une partie de la structure, il est inutile d'entraîner une contraction dans l'ensemble du corps. Pour cela, une écoute du système interne permet d'identifier et d'utiliser ce qui doit l'être sans stresser le reste du corps/esprit. Tout le corps va aller dans une cohérence qui simplifie l'action. Par expérience, nous verrons qu'il est plus facile dans l'apprentissage de dissocier pour unir plutôt que l'inverse.

La capacité d'analyse est une harmonisation entre les différentes phases du mouvement et les mouvements des différentes parties du corps. Cette harmonisation se traduit par une grande précision et une grande économie dans l'exécution du mouvement. Plus la détente est grande et plus nous pouvons écouter et entendre le corps dans l'optique d'un geste parfaitement en accord avec notre intention.

L'équilibre est une capacité complexe qui comprend plusieurs types :

- Équilibre statique (alignement),
- Équilibre dynamique en translation (ligne droite),
- Équilibre dynamique en rotation (cercles et courbes).
Non seulement l'équilibre permet de pouvoir réaliser les entraînements dans une détente profonde, mais c'est aussi le secret de la pérennité de la pratique. En effet, plus l'équilibre est profondément ancré en nous et moins nous seront confrontés à une détérioration de notre niveau technique et gestuel. Le principe d'équilibre est un des grand principes de notre système.

Le "sens de l'espace" permet de déterminer et de modifier sa position et ses mouvements dans l'espace et dans le temps. Cela se fait en fonction d'un champ d'action (dojo, pièce, ring, métro) et des objets dans ce champ d'action (meuble, adversaire, témoin). Le sens de l'espace est lié à la vision, et plus particulièrement la vision périphérique, et à la proprioception (sensation de soi dans l'espace gérée par la kinesthésie, le toucher). Elle permet d'évaluer la distance et l'évolution du geste dans le temps et l'espace. Le sens du temps est ce que l'on nomme le "timming", c'est un élément déterminant dans la réussite de l'action.

Ce que l'on entend par rythmicité est la capacité à saisir un rythme donné par l'extérieur et de le reproduire à l'identique ou le changer suivant un schéma interne. Comprendre le rythme de son adversaire permet de le perturber, par ailleurs, créer un rythme permet également de se positionner pour un geste juste. La détente est nécessaire pour une activité immédiate, en réponse avec l'instant de la perception. Une tension produit un temps mort qui désynchronise la perception et l'action.

La réaction permet d'intervenir le plus rapidement possible sur un signal donné. Dans une prise de choix conscient, nous devons avoir le temps le plus court possible entre la perception de cette volonté et l'action elle-même. Dans l'action, nous devons pouvoir unir le plus de qualités possible : force, vitesse…

Il est envisageable qu'un pratiquant ait toutes les qualités requises mais pas la réactivité développée : il est par conséquent incapable d'agir en réponse aux stimuli externes. Cette qualité est une des plus importantes, elle est liée au travail de coordination.

L'adaptation est la capacité de transformer l'action motrice en cours d'exécution pour l'adapter à une nouvelle situation ou la poursuivre sous une forme différente. Ce "changement" dans l'action se doit d'être détendu mais tenu pour pouvoir garder les qualités de force et de vitesse du geste d'origine. L'adaptation est étroitement liée aux capacités de réaction et d'anticipation qui l'influencent de façon déterminante.

Le travail de développement de la coordination se fait sur trois composantes majeures qui influencent et déterminent les capacités dont nous venons de discuter. Nous aurons donc :

- le contrôle moteur (distinguer sa droite de sa gauche, le haut du bas),
- la capacité d'apprentissage (mettre la droite devant la gauche, en suivant un exemple),
- l'adaptation motrice (inverser, unir ou modifier une action connue).
L'illusion de la détente

Cette illusion se constate dans la non coordination et la raideur mentale. L'impossibilité à adapter son geste, à se déplacer tout en accomplissement une action, sont des signes de tension. La santé du corps sur le long terme dépend de cette détente. Les articulations, la santé des muscles et la colonne vertébrale vont vieillir dans de bonnes conditions si nous restons détendus. Tous les abus, les excès, se payent au fur et à mesure des années. Rien n'est gratuit : alors si vous n'avez pas besoin de défendre votre vie tous les jours, il est inutile de détruire votre corps avec un entraînement rude pour une confrontation qui n'aura peut-être jamais lieu. Le conditionnement de répétition est suffisant, un conditionnement dur et spécialisé est souvent dangereux. Il est plus utile de vivre en bonne santé longtemps plutôt que faire le malin pendant quelques années et, boiter le reste de sa vie ou ne plus pouvoir se servir de ses mains.

Il est impossible de rester faible physiquement si on suit un entraînement quotidien et cela sans jamais de tensions musculaires. Cet entraînement peut se faire sur une longue durée où les années n'amènent pas une régression technique. C'est une pratique de vie pour toute la durée de celle-ci. La détente est l'élément clé de cette pérennité.

dimanche 9 août 2009

Retour au "Un"


Dans le système taoïste que je pratique, le but ultime est le retour à cette Union avec l'Univers, l'ensemble des choses et phénomènes qui ne sont pas soi.

Les étapes que je vais décrire ne sont pas à prendre au pied de la lettre, mais comme des indications possibles sur les étapes d'évolution de l'être.

Avant notre naissance, mais après notre conception, nous sommes dans une non dualité totale et dans ce que les taoïstes nomment "le ciel antérieur". Cette union totale au monde dans la fusion avec la mère nous baigne dans le Taiji, union dynamique du yin et du yang.
Après notre naissance, jusqu'au moment du sevrage, nous sommes encore dans une fusion non duelle mais avec une manifestation dans le monde du "ciel postérieur". 

Sans être indépendants, nous avons une existence propre qui ne nous est pas encore révélée, nous ne sommes pas encore vraiment conscients de nous en tant qu'entité séparée.

Dans l'enfance, nous atteignons ce que l'on appelle en alchimie interne "la culmination du grand". Il s'agit d'un yang absolu où nous touchons encore à la non dualité du monde, nous prenons des décisions discriminatoires et nous sommes à 100% présents à nos émotions et nos actions. 

Nous touchons les deux extrémités du même monde sans être parasités par le monde des pensées.

Puis, comme après toute culmination, nous basculons du yang vers le yin.

L'adolescence est une période où nous avons le souvenir nostalgique de cette union perdue, ce monde complet et sans choix, et en même temps nous cherchons à nous affirmer dans le monde "banal".


Nous allons augmenter la part de conditionné, d'adaptation au monde "réel", et nous allons oublier la réalité de la spontanéité naturelle qui est la source de notre Etre.


Rapidement, le monde "banal" du commun et du mondain a entièrement recouvert le monde de l'uni dont nous sommes issus.


Le travail taoïste d'alchimie interne réside dans le processus inverse.

La première étape demande de se "réveiller", de se souvenir, de ce que nous sommes vraiment. 


Cela peut se faire par des rencontres, des lectures, des "signes"…

Par un travail que nous allons décrire, il va être possible de doucement "revenir" vers le spontané et le naturel au détriment du mondain et du banal.

Sans rentrer dans des détails terriblement conceptuels, il suffit de 2 principes pour y parvenir :

  • l'attention consciente,
  • la détente.
La détente est une qualité qui demande un travail sur 5 domaines différents mais étroitement liés :
  • la détente du corps,
  • la détente de la respiration,
  • la détente dans l'activité émotionnelle,
  • la détente devant les phénomènes énergétiques,
  • la détente de l'esprit dans l'apaisement de l'activité des pensées.
Voilà en fait tout le programme de notre "transformation" résumé en quelques lignes.

Avant de pouvoir comprendre et expérimenter ces états de détente qui nous conduisent à un retour vers la simplicité et l'union, il nous faut être présents à ce travail de chaque seconde, il nous faut acquérir la possibilité de focaliser notre attention.

Pour cela nous travaillons l'attention consciente, quotidiennement et dans tous les domaines de notre vie.


Le travail du corps
Nous allons chercher 3 qualités dans notre pratique corporelle :
  • la force,
  • la souplesse,
  • l'enracinement.
La force nous permet de pouvoir pratiquer tout simplement. En effet, si nous sommes trop faibles, sans énergie ou malades, la pratique n'est pas possible. Le corps, pour être détendu, doit devenir souple et coordonné dans ses actions. Ce qui est perçu et compris dans l'esprit doit pouvoir se faire physiquement dans l'espace. L'enracinement nous permet de trouver notre équilibre, notre centre et ce rapport si particulier qu'a l'homme entre le Ciel et la Terre.

Le travail de la respiration
Dans le travail respiratoire, il est donné 3 différentes façons d'apprivoiser son souffle :
  • le rythme,
  • la sensation,
  • la focalisation.
La compréhension par l'expérience du rythme respiratoire va nous donner une première approche simple et ludique. Ce phénomène dont nous ne pouvons nous passer plus d'une minute, est notre premier échange avec le monde et le plus fréquent. La sensation de l'air est paradoxale. Nous percevons le passage de l'air sans vraiment "sentir" celui-ci. Ce "suivi" de l'air à l'inspiration et à l'expiration est dynamisant. Quand les deux premiers stades sont suffisamment expérimentés, il convient de les cumuler dans une pratique totale qui demande une focalisation plus précise : c'est la troisième pratique.

Le travail de l'activité émotionnelle
Une fois le corps détendu, enraciné et fort, la respiration fluide et consciente, on peut enfin avoir un rapport différent avec notre activité émotionnelle. Loin de nous l'idée de supprimer ou de réprimer les émotions, nous désirons les vivre pleinement sans en être les victimes. 

Ce processus demande 3 étapes :
  • l'identification du changement corporel,
  • la conscience du développement émotionnel,
  • l'identification énergétique du processus.
Quand une émotion se "construit", avant même qu'elle soit ce qu'elle est, elle se manifeste comme un changement énergétique dans le corps. Si nous sommes conscient de notre respiration, de notre corps et de notre énergie, nous sommes capables de sentir cela et de passer à l'étape suivante.

Etre conscient de se qui se passe à l'intérieur de notre corps, nous permet d'accéder à l'application du non agir, du principe de non résistance. Nous allons pouvoir vivre nos émotions sans être attachés à nos activités mentales. Par une pratique régulière et naturelle de ces principes, nous allons voir que cela procure une vitalité particulière, liée aux organes, et toujours grâce à ces exercices, nous allons apprendre à développer notre intention attentive.


Le travail énergétique
Seulement dans le cas où nous serons familiarisés avec les pratiques décrites précédemment, nous allons pouvoir évoluer vers une vision énergétique de notre voie. Parler d'énergie avant d'avoir décontracté son corps, apaisé son souffle et régulé l'activité émotionnelle reste du domaine du phantasme. 

Pour cette étape, nous aurons encore une fois 3 chapitres :
  • la circulation dans les vaisseaux protecteurs et nourriciers,
  • l'expansion de notre énergie vers les limites de notre corps,
  • l'échange naturel de l'énergie entre soi et l'extérieur.
Dans toutes les pratiques énergétiques, il nous est conseillé d'augmenter la quantité d'énergie que nous possédons. La circulation "naturelle" dans les vaisseaux Conception et Gouverneur nous permet cela. 

Ce surplus d'énergie va nourrir notre principe vital et nous donner la possibilité d'étendre notre sphère énergétique de notre centre vers l'extérieur de notre corps. La connexion entre ce centre et l'extrémité des membres nous permet une relation privilégiée avec le Ciel et la Terre. 

C'est l'objet de la seconde pratique, souvent appelée "respiration des cinq portes". Par l'expérimentation quotidienne de ces échanges, nous développons une facilité à faire circuler le souffle entre notre intérieur et l'extérieur. 

Petit à petit, tout se fait tout seul ; c'est le retour au naturel.

Travail sur l'esprit
Le "shen", l'esprit en chinois, regroupe toutes les parties psychologiques et cognitives du monde des pensées. Nous y retrouvons l'idéation, la mémoire, l'imagination…tout je vous dis…

Il est illusoire de penser qu'il est possible de "contrôler" son esprit sans aller gravement à l'encontre du naturel. En revanche, comme nous apprivoisons un animal sauvage, il nous est possible d'apprivoiser notre propre esprit. Il faut pour cela le connaître et le comprendre sans jamais le brusquer mais sans arrêter de se familiariser avec lui.

Il est important de pouvoir utiliser la première partie de l'entraînement de l'esprit, c'est la base des arts de combat, de la méditation et du chi kong. Cette partie de l'entraînement s'appelle "l'écran blanc", c'est une des appellations de ce qui se nomme aussi "pacifier l'esprit".

La deuxième phase est le travail sur les rêves. Si nous cherchons à demeurer conscient tout le temps, il est dommage de sombrer dans le trou noir du sommeil tous les jours. C'est dans cette optique que le travail du rêve se déroule, pour toucher à la conscience dans le sommeil et avoir un endormissement conscient.

La dernière phase ne peut se discuter sans que l'on ait expérimenté une bonne partie de l'entraînement.

Voilà de façon simple et grossière, une vue globale dans un langage facile de toute notre pratique. 

Il faut comprendre que tout est simple mais demande d'être fait, pas d'être discuté. 



Les concepts sont sans valeur s'ils ne sont pas directement liés à une pratique, 
une expérimentation personnelle




Les Formes d'Entrainement

Dans tous les arts martiaux traditionnels on retrouve l'idée de faire des mouvements chorégraphiés prédéfinis qui symbolisent souvent un combat dans le vide ou une boxe avec son ombre. A part pour les styles de sabre et quelques styles plus rares, les formes sont une pratique solitaire qui vise à affiner sa technique et à mieux comprendre les mouvements qui caractérisent son art.

Les formes sont pratiquées à mains nues ou avec une arme et sont censées aider à maîtriser sa technique, son mouvement, sa respiration et à changer sa façon de bouger. Dans le concept c'est très intéressant ; pouvoir pratiquer exactement les mouvements que l'on va utiliser dans la vie peut être très utile pour renforcer les schémas neuromusculaires. Mais en réalité les formes n'ont que peu d'utilité. Elles sont importantes pour la compétition et pour les démonstrations, pas vraiment pour le combat ni pour le travail énergétique.

Je ne m'étendrai pas sur les détails de la compétition ni des démonstrations puisque ce n'est pas ce qui nous intéresse ici. Par ailleurs comme le travail énergétique demande une grande concentration, il est recommandé d'utiliser des mouvements plus simples que ceux que l'on peut trouver dans les formes. Du point de vue du combat, l'idée de travailler des combinaisons de frappes est intéressante pour délier les articulations et faire travailler les muscles. En revanche, c'est une pratique néfaste dans le cas où l'on cherche à appliquer les mêmes combinaisons lors de vrais combats.

L'idée du combat est proche de l'idée du chaos, rien n'est planifié et rien n'est déterminé.

Si on s'oblige à faire des mouvements prédéfinis on va rapidement contre son instinct qui reste la valeur la plus sûre en combat. Il y a pourtant plusieurs intérêts évidents à pratiquer des formes quotidiennement. D'abord, il est important de s'assouplir en utilisant des formes complexes qui feront également travailler la coordination du corps.

Répéter une forme régulièrement aide à mieux positionner son corps dans l'espace. Ensuite, si les formes sont longues et dynamiques elle permettent aux pratiquants de développer une meilleure condition physique. Mais on retrouve les intérêts que je viens d'énumérer dans la gymnastique. Si cette dernière nous offre les mêmes possibilités que les arts de combat, pourquoi s'embêterait-on à pratiquer des arts de combat ?

Il faut savoir qu'aujourd'hui 95 % des formes que l'on connaît datent de 200 ans à peu près, ce qui correspond à une période où les arts martiaux sont sortis du secret pour devenir un business. Ce ne sont plus des formes qui montrent l'Essence d'un art mais des formes adaptées pour la démonstration. De plus elles représentent une manière de se battre et des concepts de combat qui ne sont plus du tout d'actualité.

Pour n'en citer que trois : certains coups de pieds sautés que l'on employait contre les cavaliers, des mouvements complexes visant à dénuder le cou d'un adversaire qui portait une armure où les techniques de désarmement contre un guerrier munit d'une lance.

Les formes qui ont un intérêt profond sont des formes comportant des mouvements très simples et répétitifs. Pourquoi faire une forme et pas directement répéter ces mouvements me direz-vous ? Si on regarde les progrès qu'ont fait les sportifs (pour prendre cet exemple) en entraînant la course sur 100 m, on s'aperçoit qu'un athlète olympique du début du siècle et un athlète de l'année dernière n'ont pas du tout les mêmes performances. La raison en est qu'aujourd'hui on a une bien meilleure compréhension des entraînements physiques et des méthodes qu'autrefois. La meilleure façon de former le corps sera de respecter un ordre dans la manière de s'entraîner: on commencera par le corps, on essaiera de coordonner la respiration avec les mouvements, c'est seulement ensuite que l'on abordera les techniques méditatives qui ont pour but de calmer les émotions négatives et décupler l'intention. Là se trouve le début du travail énergétique.

Voyons déjà comment former le corps.

Ce dernier se compose de plusieurs segments et la logique veut que l'on entraîne chaque segment séparément des autres et que l'on unifie ensuite tout le corps dans chaque mouvement. Pour suivre la logique des arts taoïstes mais également pour éviter de transformer sa pratique en gymnastique de la mémoire, ces mouvements physiques serviront aussi bien à la méditation, qu'au chi kung, qu'aux arts de combat.

Pour commencer on prendra les groupes musculaires attachés aux articulations les plus statiques et les plus tendues du corps (les épaules et les hanches semblent être de celles-ci). On passera ainsi en revue chaque groupe musculaire et chaque articulation pour aboutir sur des parties plus fines telles que les doigts où les orteils. Chaque série d'exercices sera répétée chaque jour sur une période allant de deux à trois mois (on pourra toutefois allonger cette période en cas de résultats insuffisants).

On aura ensuite d'autres exercices adaptés aux segments les plus importants toujours sur un laps de temps défini. La pratique sera ensuite enrichie par différents exercices complémentaires s'accompagnant d'aides comme des objets, des élastiques ou des poids. On insistera sur la qualité de l'entraînement plutôt que sur la quantité. Pour cela, les exercices doivent être exécutés lentement afin d'être ressentis complètement et analysés.

Les membres sollicités doivent être en torsion/rotation pour obtenir l'effet " d'éponge ". Ils doivent être contrôlés à chaque instant pour que les schémas neuromusculaires s'inscrivent précisément dans la mémoire sensorielle du corps et bien sûr, pour être acquis, les exercices doivent être répétés chaque jour pendant une période donnée. La lenteur des exercices que l'on retrouve dans tous les arts internes chinois et dans certains yogas a pour utilité d'amener le pratiquant vers un contrôle total du mouvement. Effectuer les exercices trop rapidement nous empêche de laisser apparaître les imperfections qui se verraient si on effectuait le geste lentement.

On cherche les mouvements justes qui soient parfaitement alignés avec les articulations et qui respectent les lignes de force du corps. C'est seulement quand ce mouvement sera parfaitement intégré dans la lenteur puis dans la rapidité, que l'on pourra avoir un geste juste qui ne s'accompagne plus d'une concentration consciente. A ce stade on peut envisager de passer à des choses plus importantes comme déplacer l'énergie, réguler la respiration ou encore travailler sur les émotions. De plus, dans les conditions difficiles d'une confrontation physique (je parle ici des arts de combat) ou une période de maladie grave ( ce qui rejoint le chi kung), l'esprit est troublé.

Lorsque l'esprit ne peut plus se concentrer parfaitement, sans interférence, il faut alors pouvoir s'en remettre au corps qui lui ne se laisse pas perturber. C'est le principe de l'habitude: il faut des mois pour réussir à faire un trajet ou un geste sans y penser. En revanche, il est très difficile de faire varier ce geste ou de changer son trajet une fois que l'habitude est ancrée dans le corps. C'est la différence entre une répétition intellectuelle ou mentale et une habitude imprégnée dans les cellules du corps.

La torsion/rotation des muscles se retrouve dans tous les exercices de yoga et de stretching : l'idée est de vider le sang d'une zone musculaire précise par des mouvements " d'essorage " et de torsion (c'est le principe de l'éponge que l'on vide de son eau), puis de laisser le sang remplir le muscle de nouveau quand on relâche la pression. La répétition de ces mouvements va permettre d'augmenter la vascularisation de la zone visée. Dans les textes chinois traditionnels on dit que là où il y a le sang il y a l'énergie et là où il y a l'énergie il y a le sang. Donc augmentation de circulation sanguine est synonyme d'augmentation de circulation énergétique.

A la différence des formes dont nous avons parlées plus haut, on peut déjà voir que ce n'est plus de gymnastique dont il s'agit mais bien de chi Kung. L'association de toutes ces sensations, ces respirations, du déplacement de l'énergie et de la régulation des émotions permet d'avoir un style de chi kung en tous points similaire (extérieurement) aux mouvements des arts de combat. Ces derniers sont des mouvements simples et précis qui solliciteront peu la mémoire puisque chaque déplacement du corps et chaque geste sont des enchaînements fluides et logiques. Il est évident que les mouvements pour le combat seront ancrés dans le corps comme le seront les mouvements de chi kung.

C'est ainsi qu'un mouvement de chi kung très avancé peut sembler simple extérieurement, de même qu'un petit mouvement martial pourra développer une grande puissance au moment de l'impact. Plus on avance dans les arts taoïstes et plus on réalise que tous les mouvements extérieurs prennent les mêmes directions dans les trois dimensions.

Chaque geste évolue dans l'espace dans une des six directions.

Que l'on fasse "séparer la queue de l'oiseau" ou "la grue blanche déploie ses ailes" en tai chi, "la forme du cheval" en hsing yi, "le sixième changement de paume" en pa kua, cela reste dans tous les cas un uppercut à 45 degrés et rien de plus. Si au lieu de perdre son temps à effectuer toutes ces formes sans vraiment savoir pourquoi, on travaillait directement la direction qui nous intéresse (diagonale remontant ) on irait plus facilement droit au but. Si on développait des méthodes d'entraînement pour que ce déplacement dans ces différentes dimensions soit plus précis et fasse participer tout le corps, on gagnerait du temps.

Ce temps gagné on pourrait alors l'utiliser pour des choses plus importantes que les mouvements physiques. On pourrait l'employer pour le travail mental, émotionnel et énergétique. On réduirait ainsi le nombre des mouvements pratiqués en augmentant la qualité et la compréhension de ceux-ci. Avec l'habitude de travailler sur les concepts, les trois dimensions et les six directions, il n'y aura plus aucune limite au nombre de techniques que l'on peut expliquer ou utiliser sans pour autant perdre son temps à pratiquer des formes sans intérêt que l'on ne sait pas appliquer dans les arts de combat ou dans les arts de santé.

Ces entraînements permettent de faire travailler tout le corps et à chaque fois de progresser en utilisant les mêmes gestes quel que soit le travail intérieur. Chaque partie du corps sera plus forte et la totalité de celui-ci sera en meilleure santé. Chaque mouvement naturel sera une technique efficace pour les arts de combat et pour les arts de santé. Jamais on ne se demandera plus : "s'il me fait la grue blanche qui mange les feuilles, puis-je faire le tamarin volant ou devrais-je opter pour le tourniquet mortel?".

Développer la Coordination pour un Corps Uni


Il est important de comprendre que la coordination qui nous intéresse c'est celle d'une union totale pour un mouvement global. Pour ce faire, nous allons dissocier toutes les parties du corps pour pouvoir les unir plus tard. Dans cette dissection des mouvements et des possibilités du corps, nous allons découper notre travail en cinq étapes :

- dissociation des articulations
- isolement du travail des muscles
- identification des chaînes musculaires
- renforcement des muscles profonds
- travail de la proprioception


La recherche de force, de mouvements complexes ou de coordination n'a pas de sens sans une détente générale de la structure. Pour que cet ensemble cohérent soit détendu il faut qu'il soit "enraciné". Nous allons chercher avant tout un alignement postural qui nous trouver cette structure. L'alignement de cette structure va nous "poser" sur la terre pour trouver notre centre. Dans cette condition nous pouvons aller dans une recherche plus pointue. Sans cette structure, il sera difficile de faire quoique ce soit.


Les membres supérieurs possèdent plusieurs articulations qui ont chacun leurs fonctions. Si chaque segment est utilisé pour sa fonction, tout ira bien. Mais souvent, pour une action donnée, nous utilisons trop de force à cause de notre tension et du manque d'écoute de notre structure. Il peut arriver aussi qu'à cause d'un déséquilibre ou d'une faiblesse, nous compensions avec des muscles qui devraient rester au repos à ce moment là. C'est la magie de l'adaptabilité de notre corps mais c'est aussi source de nos tensions physiques et émotionnelles. Pour comprendre par le ressenti et l'expérience "qui fait quoi" dans notre corps, nous allons dissocier chaque partie importante pour reconnaître l'action faite par chaque segment. C'est une étape amusante, bien que parfois déprimante, ou nous découvrons les limites de nos sensations ainsi que les raideurs et les faiblesses de notre corps.


Pour les membres cela se passe sans trop de problèmes mais tout change quand nous allons à la découverte de notre colonne vertébrale qui est en fait mobile…oui, votre dos a une mobilité incroyable qui peut faire nombre de chose que vous ne pouvez imaginer. Je citerai pour exemple, la possibilité de bouger chaque segment vertébraux et celle d'émettre une "vague" du sacrum vers le haut.


Ces exercices permettent une détente par un rapport plus intime avec votre corps.
Quand nous avons expérimenté les différentes parties mobiles de notre corps, il est temps de voir quels sont les muscles qui font un travail de traction, d'extension et de contraction pour nos mouvements quotidiens. Encore une fois, une force souvent mal appropriée nous fatigue sans raison valable. Par des exercices d'identification des muscles actifs dans des mouvements courants, nous identifions ce qui doit être utilisé et ce qui est inutile. Par cette expérience personnelle et directe nous comprenons par le corps, sous la direction d'un professeur. La sensation d'avoir plus d'énergie qui se manifeste alors n'est pas celle d'un gain de force. En fait, à ce stade, nous dépensons moins d'énergie pour des efforts inutiles, nous sommes donc moins fatigué.


Pour un mouvement donné, nous savons à ce stade, quel segment est utilisé et quels muscles participent. Si nous allons vers de gestes plus complexes, en mouvement dans l'espace, nous allons voir quelque chose de très important : l'ensemble des mouvements peut s'améliorer dans une synergie globale. Chaque mouvement, bien compris et dans une détente attentive, peut être perfectionné par l'union de tous les segments qui peuvent aider cette action. Ces chaînes musculaires dans des directions données vont transformer une action locale en une action unie. Dans la médecine chinoise, nous connaissons ces lignes, nous les nommons les méridiens tendino musculaires. Ces lignes de forces sont liées de façon à unir tout le corps dans une globalité. Il existe des lignes de force pour tous les mouvements des six directions de l'espace et leurs utilisations potentialise grandement nos gestes. C'est un premier pas sur l'union du corps dans le mouvement.


Quand le corps agit, des muscles moins "évidents" sont à l'ouvrage. Ce sont les muscles qui ne peuvent se contrôler sans une écoute profonde de notre mécanique corporelle. Leur étude et leur mise en action consciente sont plus complexes. Souvent parmi les plus puissants du corps, ces muscles sont enfouie au cœur de notre structure et sont source de grande puissance d'action. Des exercices spécifiques vont réveiller le potentiel pour une union plus profonde de la globalité du geste.


L'union du corps n'aura de possibilité de réalisation que si celui-ci peut exister dans un déplacement stable. Pour ce déplacement, il faut savoir ou on est et ou on va, il est nécessaire d'identifier son centre. La proprioception permet de se repérer dans l'espace par la sensation kinesthésique. Si il est possible de se repérer par la sensation, en apprenant à se situer à chaque instant, toute liberté de mouvement est possible. Le corps va amplifier de manière exponentielle son efficacité dans un mouvement uni au geste. Si le déplacement est tendu, instable ou opposé au geste, aucune union n'est possible.


La coordination pour un mouvement uni demande des pratiques précises mais qui peuvent prendre des formes diverses. Toute approche est juste si elle amène à cette union et si elle ne demande pas d'accomplissement sportif qui limite le résultat à une jeunesse éphémère.