vendredi 23 août 2013

L’entrée du Paradis a deux Portes vers l’Enfer

« Parcere subjectis et debellare superbos »

Dans le taoïsme classique, il est souvent fait référence au « Un », à ce retour préconisé dans le chapitre 40 du Daodejing.

Le retour à l’unité demande un travail spécifique, diversifié et faussement progressif.

Nous pouvons cependant dégager trois aspects principaux aux diverses progressions sur la Voie : un travail sur soi, sur le Monde et sur le mystérieux du Ciel.

Cette Voie entre Ciel et Terre est la spécificité taoïste.

Ce retour vers l’unité demande de disséquer notre être, notre vie, nos façons de faire et nos illusions, mais aussi de transmuter ce grossier en lumineux, c’est une Alchimie Globale.

L’entrainement sur la Voie demande de réaliser deux « Alchimies » :

  • Une de l’intérieur vers l’extérieur
  • Une autre de l’extérieur vers l’intérieur

Parlons de ce que nous connaissons bien, dans les différentes écoles de développement spirituel, et qui est le plus pratiqué : le travail de l’intérieur vers l’extérieur.

Par introspection, par recherche sur nous, nous développons une meilleure connaissance de soi.

Cette connaissance nous permet de travailler sur les différentes composantes comprises et nous allons développer tous les aspects qui font de nous des êtres humains, pour arriver à faire jaillir le « Zhen Ren 真人», l’être humain vrai, accompli.

Les dangers de cette étape, c’est d’en oublier la finalité, le monde, les autres…

Cet entrainement est censé nous permettre de mieux nous intégrer au monde, de mieux vivre avec les autres…sauf si nous sommes dans une pratique de retraite du monde (ce qui n’est pas le cas de notre École).

Encore une fois, cette partie de la Voie est d’aller de l’intérieur, notre travail sur nous, vers l’extérieur, le monde et les autres.

Le piège, c’est que dans le développement de soi, on laisse notre ego « exploser », notre individualité regarde le monde avec dédain, nous nous sentons supérieurs… Nous laissons une partie de la Voie mourir, nous nous arrêtons au point de contact avec le monde, à la limite de nos perceptions.

Il est vrai que le travail sur soi permet de mieux se connaitre, de mieux fonctionner dans le monde, d’avoir une vie plus facile, plus fluide.

Regardant ceux qui restent dans le mondain, il est parfois facile de critiquer et de juger : l’inverse de ce que nous dicte la Pratique.

Cet aspect de la Voie nous demande de faire transpirer les qualités de la Pratique dans le monde, avec les autres, pour illuminer notre monde, le rendre plus agréable.

Ce n’est donc pas un développement de l’intérieur vers l’ego, mais de soi au monde, de l’intérieur vers l’extérieur : c’est la voie de l’alchimie interne, ce travail de résolutions de mes soucis avec moi-même pour arriver à régler mes contrariétés avec les autres.

L’alchimie interne est donc une voie qui nous fait sortir de notre ego, pour que notre individualité raffinée puisse donner l’exemple dans le monde.

Les techniques partent du centre du corps pour monter au milieu de notre être et sortir vers le monde : le test n’est donc pas sur nous même, mais sur notre rapport au monde.

Le souci n’est pas vraiment le temps de pratique passé niaisement assis sur ses fondements, mais beaucoup plus la façon dont mon souffle permet une meilleure interaction avec mes voisins.

Le souffle est l’énergie, l’énergie qui m’est demandée pour accepter les avis différents, mais le souffle est aussi lié aux émotions, les émotions qui se doivent d’être stables pour accueillir la balourdise des incultes.

C’est donc vraiment un travail de l’intérieur vers l’extérieur.

Mais il y a l’autre voie, l’autre porte.

Négligée et dénaturée, souvent secrète, l’alchimie externe taoïste permet de se changer de l’extérieur vers l’intérieur.

Par les manipulations et les transformations qui se déroulent devant nos yeux, par les « miracles » qui se réalisent en grappe, par le temps passé à regarder le monde se transformer, nous arrivons à radicalement changer ce qui était « moi ».

Les prodiges de l’alchimie externe ont plusieurs aspects :

  • Les élixirs
  • La recherche de Jing
  • La cuisine
  • La médecine taoïste
  • La contemplation
  • La dissolution

Cette pratique nous oblige à constater avec amertume que nous ne sommes pas parfait et que le travail va être long : elle expose notre besoin d’être rassuré, notre incapacité à la Présence, l’impossibilité de notre égo à suivre des instructions ou encore notre supériorité assumée.

Mais voilà, si parfois on peut se cacher dans sa pratique interne, en filtrant avec ruse nos mensonges les plus gras, la pratique externe ne trompe pas : ça marche pas !

En effet, en suivant les instructions, en se laissant aller à une bonne dose d’attention, en faisant comme on nous a dit : ça marche, le résultat est devant nos yeux, réalisé.

Encore une fois, quand nous essayons les premiers coups, ayant fait fi de nombreuses instructions, mal comprises ou trop simples pour nous, mal écoutées parfois, nous sommes devant une réalité écrasante et intraitable, une évidence flagrante et vraie, une certitude qui prend racine dans la matérialité : « ben, ça marche pas ! »

Quel que soient les croyances les plus grandioses que l’on puisse avoir sur son évolution, quel que soient les mythes majestueux que l’on ai construit sur sa grandeur d’âme : le résultat n’est pas là.

C’est la force de la voie externe, elle nous ramène au réel.

Que cette voie soit première ou en support de la voie interne, les deux aspects de la Pratique nous aident à ne pas succomber au matérialisme spirituel et à nous garder la tête hors d’endroits où elle ne devrait pas être.

Ces deux aspects révélés de la Voie nous donnent une intégralité de Pratique qui nous sauve des aspirations grandioses et de la stupidité obscène : nous ne pouvons succomber au médiocre avec autant de garde-fou.

Quel joie de savoir que nous sommes obligé de contempler notre incompétence pour aller vers une sublimation consciente : deux Portes pour équilibrer notre Recherche.

jeudi 15 août 2013

Trois Portes pour Scruter la Trame de l’Existence

« Ab uno disce omnes »

Dans le taoïsme traditionnel, la chance est un sujet complexe, qui peut demander une étude.

On parle d’une chance qui nous est donnée, d’une qu’il faut comprendre et d’une dernière qu’il faut cultiver.

Le fait est que l’ensemble peut être un travail profond de compréhension du monde et de son existence.

Pourquoi « travailler » la chance alors que dans notre occident brillant « on en a, ou pas » ?

La vision taoïste de l’être humain entre ciel est terre est claire, elle demande de regarder le ciel, la terre et nous autres, la garniture du « sandwich cosmique ».

Nous allons voir que même si la vision de la chance peut paraitre inégale ou figée, chaque aspect compris peut être utilisé pour mieux vivre son quotidien : encore une fois, nous sommes responsables de nos vies.

Rien ne sert de se cacher ou de mentir, de tirer au flanc ou de bouder, de tricher ou de prétendre…notre vie et sa complexité reste la même, notre travail pour être heureux aussi.

La seule manière d’être vraiment heureux vient de l’intérieur, de notre regard et nos perceptions du monde, mais il est possible de donner un sens à tout cela, d’utiliser la Chance sous ces trois aspects.

Le concept de chance dans le taoïsme est triple :

  • La chance du Ciel
  • La chance de l’Humain
  • La chance de la Terre

La chance du Ciel représente ce qui nous a été donné, un subtil mélange d’un choix oublié, de mélanges familiaux et de destin céleste.

Cette chance là, nous pouvons la comprendre par la remise de son Mandat céleste et son discernement.

L’apprentissage du calcul de son mandat céleste permet de voir les mécanismes de ce qui nous à été donné, ainsi que les moyens d’interagir avec cet acquis.

De ce travail, il est possible de dégager une meilleure coordination avec l’Univers et un meilleur timing pour nos actions…le calcul des dates bénéfiques, les Prévisions et autres travaux pratiques.

C’est la compréhension ultime de la non résistance, Wu Wei, cette possibilité d’œuvrer activement à la fluidité de son existence dans les changements du monde.

Ce qui nous incombe de par sa famille, tout ce que l’on porte sans l’avoir choisi, c’est un des aspects de notre « chance » du Ciel : en effet, nous ne pouvons mériter une incarnation qu’en acceptant d’en porter la charge.

Il est souvent difficile d’accepter ce qui nous est contraint, mais c’est la voie la plus juste et la plus parfaite pour notre vie : ce qui ne veut pas dire que c’est la fête tous les jours…

Dépasser notre fardeau inné familial est la base d’un travail sur notre mandat céleste : comment pourrai-je prétendre à comprendre la voie du Ciel si je ne peux même pas en dépasser les manifestations terrestres ?

La remise du Mandat Céleste est un moment important, qui peut se faire plusieurs fois, et qui demande une longue réflexion et une bonne dose d’acceptation.

Il est possible ensuite de calculer ou de demander la Rectification de celui-ci, une série de conseils traditionnels très précis, en fonction de la structure de sa personnalité, pour aller confronter directement les déceptions de son incarnation.

Cette Rectification est un brouillon provisoire de ce que le Juge du Feng Du va nous présenter devant le Miroir de la Contemplation : un travail pointu à faire maintenant ou plus tard dans les ateliers prévus à cet effet…

Le choix oublié ne nous concerne pas vraiment ici.

La chance de la terre représente le Feng Shui et les attributs complexes des « veines du dragon ».

Dans la compréhension de la circulation de l’énergie, de l’harmonie des formes et de la relation de certaines personnes avec certains endroits, nous pouvons apprendre à vivre dans les lieux qui nous conviennent et à aménager ceux qui nous fâchent.

L’aspect classique et minutieux de la science du Xuan Kan Yu, feng shui classique, va nous permettre d’étudier les 4 aspects de la géomancie traditionnelle :

  • La boussole et ses conseils
  • Le temps et l’espace en fonction de son mandat
  • L’adaptation face aux formes naturelles
  • La circulation du Qi en fonction de ces trois autres aspects.

Cela va nous expliquer pourquoi on s’entraine toujours au même endroit, pourquoi on se dispute toujours dans certains lieux et comment certaines personnes doivent éviter de vivre ensemble.

Cette chance de la Terre nous immerge dans les changements du monde, cycle post natal, dans une acceptation des imperfections de ce que nous vivons, mais vers une tentative d’unification des discernements.

Ce travail sur le monde qui nous entoure, c’est de loin le plus complexe, mais aussi le plus systématique et le plus structuré : en appliquant juste les règles, c’est étonnamment faisable.

Mais ce qui reste le plus à notre portée, c’est évidemment la chance de l’Humain, elle représente notre pratique, notre recherche de la connaissance de nous-même.

Cette pratique, elle doit être globale et se révèle parfaitement en adéquation avec les deux autres chances, céleste et terrestre.

La vision intégrale de notre présence dans le monde, des facettes de notre incarnation, de ce monde qui nous entoure, de la complexité des changements du monde et de l’ombre portée de notre immortalité, tout cela est le sujet de notre étude.

C’est un souffle de pérennité qui nous porte dans ce travail titanesque, une volonté de dépasser notre simplicité mondaine et d’aspirer à autre chose que du brillant et du sucré.

Ce travail, c’est la rencontre avec ce qui est plus grand, avec ce qui fait que le monde fonctionne, avec l’origine de notre volonté.

Cette vision traditionnelle est vraiment adaptée au monde d’aujourd’hui, elle demande juste de rester l’esprit ouvert et disponible aux enseignements et aux recherches.

Plus ma compréhension de mes différentes chances est assimilée, plus je saisis ce que je dois faire, plus ma rectification est active dans cette vie, plus mon quotidien est fluide : je vais consciemment vers mon propre bonheur et il m’est possible d’irradier cela sur mes proches.

Ces chances sont des potentiels qu’il m’est possible de débloquer, de dépasser et de profiter.

Encore une fois, responsable de mon bonheur et de celui des miens, il est possible de façonner son monde : plus lumineux et plus libre.

« Agissez en hommes libres, non pas en hommes qui font de la liberté un voile sur leur malice »
Épitre de St Pierre