jeudi 28 février 2013

Choisir une direction

Une petite souris dans un trou, sous terre, devait creuser pour sortir de ce mauvais pas. Elle creusa vers le sud pendant trois jours, puis se ravisa et creusa vers le nord. Au bout d'un temps, elle heurta des difficultés et elle choisit de revenir et de creuser vers l'ouest. En creusant dans cette nouvelle direction, elle se demanda si vers l'est ne serait pas plus juste. Elle alla donc creuser vers l'est. Épuisée et toujours au même point, la petite souris est morte sans sortir de son trou.

Aujourd'hui, avec trop d'informations nous allons vers des voies multiples et des enseignements rafistolés. Les styles "complets" et traditionnels ne sont pas assez brillants et démonstratifs, donnant naissance à des "nouveaux styles" bien pauvres, mais plus jolis…
Les voies anciennes couvraient tous les aspects de la pratique et souvent bien des aspects de la vie. Pour que ces voies se perpétuent, il fallait rester avec le même professeur ou maître pendant de longues années. Il fallait "plonger" dans la pratique comme dans un précipice, dans un abandon total. Aujourd'hui, si un dvd d'un professeur vous plait, vous allez le rencontrer et lui "acheter" son savoir. Vous pouvez aussi acheter ses livres et ses vcd et apprendre chez vous dans votre canapé entre deux épisodes de "opération séduction"…

Cette simplicité apparente de la transmission du savoir des arts internes soulève quelques problèmes:
- la plupart des professeurs actuels sont des chercheurs ou des pratiquants, pas des experts, mais il faut bien gagner son argent…
- tout le monde peut prétendre tout ce qu'il lui plait à partir du moment ou il a une collection assez grande de dvd, vcd ou K7 vidéos.
- les sparrings, compétitions et fantasmes colportés par les films, dénaturent les concepts du combat martial.

  "Une seule vie, une seule voie", disait mon professeur. Il est important de prendre son temps pour décider si oui ou non on va faire ce plongeon, mais après il faut creuser jusqu'au bout pour ne pas finir comme le pauvre rongeur de l'histoire contée plus haut.

Dans les styles traditionnels, toutes les facettes du combat, de la santé et de l'énergie étaient incluses. On connaissait les limites de son style et les dangers des pratiques. Le cumul de plusieurs pratiques qui viennent de traditions et avec leurs effets divers ne peut être sain pour le corps et l'esprit. Faire de "l'externe pour la santé et de l'interne pour la santé" est une phrase idiote, on ne peut pas faire un peu de ci ou de ça, ce n'est pas possible. Les méthodes de développement des qualités du pratiquant demandent trop de temps et d'investissement pour pouvoir être réparties selon les jours de la semaine.

Certaines voies sont identiques mais portent des noms différents, à cause de leur délocalisation ou du maître ayant choisit de renommer leur pratique. Dans ces cas là, il est évident qu'il n'y a pas de problème.

Piocher à droite ou à gauche, chercher plus que pratiquer, être toujours dans l'apprentissage et jamais dans la pratique (voir l'attente), voilà les dangers de notre époque pour les pratiquants sincères. Il ne faut pas se mentir et être clair sur ses besoins et ses buts… finalement, que veut on?
 
Prendre son temps et aller au fond de sa voie, si on a la chance d'avoir un maître compétent, est je crois la meilleure solution. Pratiquer un peu de sport dans un esprit ludique est aussi très intéressant mais hors sujet ici. Dans le cas où nous sommes à la recherche d'un professeur, la vie saura nous amener vers la voie, mais encore faut il ne pas être trop occupé à creuser…

vendredi 22 février 2013

Détente : le geste expliqué


Détente et mollesse


Il est très important de ne pas confondre détendu et mou. Dans les arts de combat internes, nous devons acquérir une certaine force (car on ne fait ni couture, ni ping pong), mais sans tension musculaire. Les pratiquants doivent passer par une force "réelle" et manifestée avant de pouvoir "digérer" cette force et la rendre douce (autant que peut l'être une frappe). L'idée d'une frappe interne, pénétrante ou vibrante, est douce pour celui qui la donne, pas pour celui qui la reçoit.

 Comment définir cette différence entre "détendu" et "mou" ?

Détente : action de détendre


La détente musculaire apporte cinq intérêts directs pour tout pratiquant :

- La disponibilité du muscle pour une utilisation immédiate dans une action volontaire (vitesse),
- Une utilisation minimale des muscles antagonistes qui freinent l'action (puissance),
- Une récupération optimale des efforts musculaires (récupération),
- Une économie de mouvement qui réduit la consommation d'énergie (endurance),
- Une possibilité de "faire passer la force" (pénétration).

 Le stade de "xin yi", la "forme pensée", est la possibilité de faire ce que l'on veut faire et de comprendre ce que l'on fait. Nous allons créer une liaison entre notre corps et notre esprit, ce qui va apporter la possibilité d’agir sans être paralysé par nos pensées compulsives. L'inverse, c’est-à-dire avoir un esprit calme et disponible, est également nécessaire… mais ce n'est pas le sujet de ce texte.

 Un muscle contracté doit se détendre avant d'être disponible pour une nouvelle action. Et détendre ce muscle demande un délai dans l'action qui ralentit celle-ci. En revanche, si on atteint une détente optimale, le muscle est toujours disponible pour l’action. Cela nous permet d'obtenir une plus grande capacité d'étirement et de contraction des muscles, tendons et ligaments qui participent au mouvement : on acquiert donc plus de vitesse.

 Malgré la détente musculaire, tout mouvement entraîne une action protectrice des muscles antagonistes. Ces muscles protègent les articulations de mouvements brusques qui pourraient les blesser. Dans une action du poing vers l'avant par exemple, si nous ne regardons que le bras et l'avant-bras, on s'aperçoit que le triceps est ralenti par le biceps. Si le biceps est très tendu, très contracté, il freine l'action du coup de poing. Etant détendu, la vitesse et la puissance sont augmentées (sachant que pour ce faire, les tendons doivent êtres renforcés).

 Les entraînements réguliers peuvent fatiguer les muscles. Les exercices spécifiques "tirent" sur les chaînes musculaires. Dans les deux cas, si une tension existe, elle ira à l'encontre du résultat cherché. Les explosions de mouvements brefs, qui sont souhaitables dans les arts de combat, sont des répétitions d'effort "anaérobie". Cela veut dire que le muscle ne peut prendre ses ressources énergétiques par la voie oxydative (oxygène). Pour toutes ces raisons, la décontraction est importante, grâce à la détente musculaire la poursuite du travail dans l'effort se fait plus facilement, avec une production réduite de "déchets" biochimiques (évitant les blessures, la tétanie musculaire et les courbatures).

 Les muscles antagonistes ne se contractant presque pas, les muscles pour l'action étant libres de tension jusqu'à leur utilisation et la récupération de cycles en cycles se faisant facilement, nous consommons moins d'énergie. Cette énergie interne sera par conséquent disponible en cas d'urgence. De plus, toute action prolongée et "forcée" se déroule dans de meilleures conditions. Notre corps/machine reste en meilleur état plus longtemps.

 La force pénétrante, la force vibratoire, et toutes les "petites gourmandises" des arts internes demandent une détente certaine pour "traverser le corps". Nous n'explorerons pas aujourd'hui ce sujet complexe.

Il faut aussi noter que tout le monde, chinois du passé et physiologistes d'aujourd'hui, s'accordent à dire qu'une musculature contractée va de pair avec une certaine tension psychique et inversement. La détente musculaire ne provoque pas uniquement une disponibilité du corps, mais aussi une forme de psychorégulation.

Mollesse : "Qui cède facilement à la pression"


Par excellence, nous ne devons pas céder à la pression. Dans une vision très "new age" des arts martiaux internes, les gens ont tendance à se transformer en mous. De même, ils basculent souvent dans une sensation "fantasmatique" de l'énergie. Dans ce dilettante illusoire, le pratiquant "new age" oublie souvent qu'une frappe relève du niveau de la réalité, il lui faut donc de la force "réelle et détendu" pour s'adapter et éviter un départ prématuré pour le "l'Autre Coté". il est plus sage de rien pratiquer plutot que d'être dans des illusions dangereuses.

Travail sans tension musculaire


Tous les exercices de renforcement, toutes les techniques, doivent se faire sans tension musculaire. Cela dit, il n'est pas question d'être mou ou même doux. Il s'agit tout de même d'arts de combat qui demandent de rendre hors d'état de nuire les assaillants éventuels. Dans un entraînement réaliste et bien conçu, les pratiquants vont souvent aller assez loin dans l'exploration des différentes douleurs liées aux frappes internes. C'est un processus douloureux et souvent amer, mais cela doit se faire dans une relaxation la plus totale possible. Il est étonnant et parfois incroyable, de voir les dégâts qu'une frappe relâchée mais pas molle peut provoquer.

Travail répété : musculature "tenue mais pas molle"


Dans un travail quotidien sérieux de son art, la musculature va se développer. Ce ne sera pas une musculation similaire à celle des culturistes. Les muscles sont toujours détendus mais toniques. Le volume va se déterminer suivant son corps et la fréquence de la pratique. Dans mon école, on garde la masse musculaire jusqu'à 45 ans, pour la laisser décroître doucement jusqu'à ses dernières années. Si nous sommes dans un moment intense de travail des exercices, nous allons gagner de la masse musculaire longue et détendue. Le contact de ces muscles est très similaire au caoutchouc, tendre mais incompressible. Si on s'entraîne tous les jours correctement, il n'est pas possible d'être "sans muscle" ou "faible".

Les exercices de renforcement : sans tension


Les exercices se répètent longuement sans tension, jamais. La vitesse d'exécution augmente pour certains, parfois c'est la lenteur qui se travaille. Les muscles s'épaississent au début, puis se stabilisent. Les muscles ne sont pas secs, le corps n'est pas celui d'un sportif. Nous pouvons décrire trois sortes d'exercices principaux :

-  Le travail de la vitesse,
-  Le travail de la technique,
-  Le travail de puissance.

 Pour la vitesse, il est clair que le travail sur la détente du corps et de l'esprit est prioritaire. Il est habituel de "bâcler" les exercices de coordination, pourtant c'est un des secrets de la vitesse. La vitesse demande d'aller rapidement d'un point à un autre. Le relâchement ne peut pallier à la gaucherie. Nous devons avoir un lien intime entre ce que nous voulons faire et ce que nous réalisons. Cette liaison interne est le sous-produit d'un corps coordonné. Ces exercices sont difficiles et douloureux, ils contribuent à renforcer le corps. Nous pouvons distinguer plusieurs types de vitesse à travailler : vitesse d'action, vitesse de déplacement, vitesse de réaction, vitesse de décision, vitesse d'anticipation et vitesse de perception.

 Les techniques martiales sont au coeur du travail à deux. Seul, le pratiquant va préparer son corps, mais pendant les cours, il va s'entraîner aux techniques avec un partenaire. Dans le travail à deux, les coups s'échangent dans une acceptation et des limites qui dépendent de son engagement et son but. Ceux qui travaillent dans l'idée d'être en meilleure santé peuvent goûter aux arts de combat sans aller dans les profondeurs de cette discipline. Pour ceux qui choisissent la voix du guerrier, dans le respect de son corps, il faut aller "tester" ce que l'on apprend. C'est sans doute l'entraînement le plus utile, mais aussi le plus difficile. Il inclut toutes les facettes de la pratique, c'est le moment où l'on va se confronter à la peur et vérifier sa "présence". Nous pouvons distinguer trois étapes qui vont bâtir les gestes "justes" : une préparation générale qui s'occupe des qualités nécessaires pour acquérir les techniques (motivation, attention, latéralisation, capacité d'apprentissage…), une préparation spécifique des gestes dans un but défini (parades, déplacements, distance, impact…) et une base de développement polyvalent où la priorité est donnée à l'élargissement de la capacité de coordination. Les blocages dans l'apprentissage de techniques viennent souvent de la coordination de base qui est trop restreinte.

 La puissance est développée d'une façon prioritaire dans les styles de combat. Qu'elle soit pour la défense ou pour l'attaque, que ce soit pour enrouler ou pour briser la force adverse, il faut de la puissance. Les exercices de puissance sont absolument nécessaires pour une confrontation physique. Tous ces exercices se font dans une détente musculaire totale, ou du moins de la manière la plus relâchée possible. Il n'y a pas de tension dans les exercices internes de notre école, une prise de conscience sans contraction. Les types de force travaillés sont :

- la force maximale (possibilité d'unir tout le corps pour une force globale),
- la force explosive (capacité de réaliser le plus grand accroissement de force dans le temps le plus court possible),
- la force initiale (capacité de force explosive au début de la contraction musculaire),
- la force vitesse (possibilité neuro-musculaire de surmonter des résistances avec la plus grande vitesse de réaction possible).

 Coordination : gérer l'imprévisible


La capacité de coordination est un processus de connaissance du geste et du mouvement qui permet de réaliser des actions justes dans des situations prévisibles (stéréotypes) ou imprévisibles (adaptation). La coordination n'est pas l'habileté. L'habileté se rapporte à des actes concrets et partiellement automatisés qui n'ont pas de liberté propre, ce sont des gestes stéréotypés. Par exemple, un très bon karatéka pourra bloquer avec brio des attaques puissantes de la part d'un autre karatéka d'un très bon niveau. Il connaît les gestes précis et propres à son style et en connaît les parades (habileté). Ce même bon pratiquant de karaté peut se retrouver en difficulté devant une bonne "beigne de voyou", jetée n'importe comment par un teigneux. Il n'est plus dans le cadre des gestes qu'il connaît et son habileté doit s'adapter à l'aide de sa coordination pour correspondre à l'inconnu.

La coordination se nourrit et se développe de toute une série de capacités :

- Dissociation et union du corps,
- Capacité d'analyse,
- Équilibre,
- Sens de l'espace,
- Rythmicité,
- Réactivité,
- Adaptation.

 La dissociation et l'union du corps sont une nécessité pour parvenir à la force maximale. Pour le chi kung, les arts de combat et la vie quotidienne, il est bénéfique de travailler avec tout le corps sur un effort. Cet effort, parce qu'il est réparti sur l'ensemble de la structure, ne sera pas "difficile". La dépense énergétique est minimum et la détente maximale. De même, dans une action qui ne demande qu'une partie de la structure, il est inutile d'entraîner une contraction dans l'ensemble du corps. Pour cela, une écoute du système interne permet d'identifier et d'utiliser ce qui doit l'être sans stresser le reste du corps/esprit. Tout le corps va aller dans une cohérence qui simplifie l'action. Par expérience, nous verrons qu'il est plus facile dans l'apprentissage de dissocier pour unir plutôt que l'inverse.

 La capacité d'analyse est une harmonisation entre les différentes phases du mouvement et les mouvements des différentes parties du corps. Cette harmonisation se traduit par une grande précision et une grande économie dans l'exécution du mouvement. Plus la détente est grande et plus nous pouvons écouter et entendre le corps dans l'optique d'un geste parfaitement en accord avec notre intention.

 L'équilibre est une capacité complexe qui comprend plusieurs types :
- Équilibre statique (alignement),
- Équilibre dynamique en translation (ligne droite),
- Équilibre dynamique en rotation (cercles et courbes).

Non seulement l'équilibre permet de pouvoir réaliser les entraînements dans une détente profonde, mais c'est aussi le secret de la pérennité de la pratique. En effet, plus l'équilibre est profondément ancré en nous et moins nous seront confrontés à une détérioration de notre niveau technique et gestuel. Le principe d'équilibre est un des grand principes de notre système.

 Le "sens de l'espace" permet de déterminer et de modifier sa position et ses mouvements dans l'espace et dans le temps. Cela se fait en fonction d'un champ d'action (dojo, pièce, ring, métro) et des objets dans ce champ d'action (meuble, adversaire, témoin). Le sens de l'espace est lié à la vision, et plus particulièrement la vision périphérique, et à la proprioception (sensation de soi dans l'espace gérée par la kinesthésie, le toucher). Elle permet d'évaluer la distance et l'évolution du geste dans le temps et l'espace. Le sens du temps est ce que l'on nomme le "timing", c'est un élément déterminant dans la réussite de l'action.

 Ce que l'on entend par rythmicité est la capacité à saisir un rythme donné par l'extérieur et de le reproduire à l'identique ou le changer suivant un schéma interne. Comprendre le rythme de son adversaire permet de le perturber, par ailleurs, créer un rythme permet également de se positionner pour un geste juste. La détente est nécessaire pour une activité immédiate, en réponse avec l'instant de la perception. Une tension produit un temps mort qui désynchronise la perception et l'action.

 La réaction permet d'intervenir le plus rapidement possible sur un signal donné. Dans une prise de choix conscient, nous devons avoir le temps le plus court possible entre la perception de cette volonté et l'action elle-même. Dans l'action, nous devons pouvoir unir le plus de qualités possible : force, vitesse…

Il est envisageable qu'un pratiquant ait toutes les qualités requises mais pas la réactivité développée : il est par conséquent incapable d'agir en réponse aux stimuli externes. Cette qualité est une des plus importantes, elle est liée au travail de coordination.

 L'adaptation est la capacité de transformer l'action motrice en cours d'exécution pour l'adapter à une nouvelle situation ou la poursuivre sous une forme différente. Ce "changement" dans l'action se doit d'être détendu mais tenu pour pouvoir garder les qualités de force et de vitesse du geste d'origine. L'adaptation est étroitement liée aux capacités de réaction et d'anticipation qui l'influencent de façon déterminante.

 Le travail de développement de la coordination se fait sur trois composantes majeures qui influencent et déterminent les capacités dont nous venons de discuter. Nous aurons donc :

- le contrôle moteur (distinguer sa droite de sa gauche, le haut du bas),
- la capacité d'apprentissage (mettre la droite devant la gauche, en suivant un exemple),
- l'adaptation motrice (inverser, unir ou modifier une action connue).

L'illusion de la détente


Cette illusion se constate dans la non coordination et la raideur mentale. L'impossibilité à adapter son geste, à se déplacer tout en accomplissement une action, sont des signes de tension. La santé du corps sur le long terme dépend de cette détente. Les articulations, la santé des muscles et la colonne vertébrale vont vieillir dans de bonnes conditions si nous restons détendus. Tous les abus, les excès, se payent au fur et à mesure des années. Rien n'est gratuit : alors si vous n'avez pas besoin de défendre votre vie tous les jours, il est inutile de détruire votre corps avec un entraînement rude pour une confrontation qui n'aura peut-être jamais lieu. Le conditionnement de répétition est suffisant, un conditionnement dur et spécialisé est souvent dangereux. Il est plus utile de vivre en bonne santé longtemps plutôt que faire le malin pendant quelques années et, boiter le reste de sa vie ou ne plus pouvoir se servir de ses mains.

 Il est impossible de rester faible physiquement si on suit un entraînement quotidien et cela sans jamais de tensions musculaires. Cet entraînement peut se faire sur une longue durée où les années n'amènent pas une régression technique. C'est une pratique de vie pour toute la durée de celle-ci. La détente est l'élément clé de cette pérennité.

vendredi 1 février 2013

Beaucoup de bruit pour rien

Nous les occidentaux, nous avons l'habitude de discuter. Nous discutons et débattons entre nous sur des sujets divers, nous aimons ces joutes verbales par plaisir de s'écouter parler.

Notre société "administrative" se complait à discuter des discussions que nous avons eu, et de celles que nous devons avoir pour "clarifier" les choses... Mais au fond, s'il y a une chose que nous aimons, c'est bien souvent le bruit de notre propre voix.

Trop souvent nous défendons nos idées comme nous défendrions notre vie, en fait, nous défendons nos idées comme la vie de notre ego. Pour notre mental, nos opinions sont des remparts de défense, des structures d'existence pour notre ego. Chaque fois que nous avons un autre mental qui va contre nos idées, il faut avoir raison pour "survivre", pour que notre propre ego ne soit pas en danger. Dans une discussion, avoir raison c'est vivre et se renforcer, avoir tort c'est mourir et disparaître. Cela explique notre emportement et la violence des émotions quand nous nous disputons... souvent pour des sottises.

Dans les voies spirituelles, il est très important de discuter avec son professeur tout en ne perdant pas de vue plusieurs choses:
- Nous n'obtiendrons pas de changement par la discussion,
- L'intérêt est dans le contact pas dans les mots,
- Pour échanger par les mots, il faut savoir de quoi on parle,
- Il faut écouter les mots pour comprendre les concepts.

Quels que soient les secrets géniaux que vous pourrez soutirer à votre professeur, en prenant en compte le génie de celui-ci et le vôtre, les changements ne seront possibles que par la pratique et le temps. Le fait de trop discuter et de trop "préciser" sont des moyens d'échapper à la pratique. Le professeur peut s'en rendre compte et vous raconter n'importe quoi, juste pour nourrir votre soif de mots ; il sera toujours temps de rectifier plus tard. Quand on est en manque de mots, dans le besoin de concepts, il est impossible d'entendre, et parfois même d'écouter. Parfois, on est tellement dans le verbiage et dans ses pensées qu'il n'est pas possible d'assimiler la pratique.

 Le premier but de l'échange avec son professeur n'est pas dans les mots. Si le maître est dans son enseignement, s'il n'y a pas de différences entre ce qui est dit et ce qui est fait, alors l'exemple sera plus fort que le verbe. Par sa présence, le professeur guide plus que par les idées. La voie est un chemin que connaît le professeur, il peut nous guider. Si le professeur ne connaît pas la voie par expérience, il n'a pas de valeur en tant que tel ; il doit rester un érudit, un historien de la pratique, pas un guide. Dans le cas du lettré, ce sont les mots qui importent, pas l'homme.

Il faut discuter avec son professeur, demander et questionner, mais cela n'est possible que si la pratique est présente. Sans expérience de la pratique, sans connaissance de ce qu'elle est, il n'est pas possible de discuter.
Est il utile de discuter de points grammaticaux précis de dialectes chinois avec quelqu'un qui ne comprend pas cette langue ? Comment parler de "hyfglzayf"" ou chercher un "lihgzqfeuj" ? Ce n'est possible que si nous savons ce que c'est.

Par l'expérience et l'engagement dans la pratique, nous pouvons en discuter avec le professeur ; sans pratique, le discours est inutile. Dans l'empressement, dans une fringale de pratique, nous nous lançons parfois sans écouter ce que dit le professeur. Autant des concepts demandent du temps pour être compris, autant il y a des moments d'inattention. Il n'est pas acceptable dans une pratique de ne pas écouter le professeur : autant rester chez soi.

Dans l'ancien temps, il existait la loi des "trois fois".

La première fois, le maître donne les concepts d'une pratique et demande à l'élève de lui montrer ce qu'il a compris. Si le fond est là, mais que la forme demande du travail, le temps et l'assiduité du pratiquant l'amèneront au succès. S'il est évident que l'élève n'a rien compris et qu'il n'y arrivera pas, alors nous allons vers le numéro deux.

La deuxième fois, le maître va détailler jusqu'à ce que l'élève lui affirme qu'il a compris et qu'il lui démontre. Le professeur sera donc témoin da la compréhension de son disciple. Normalement, l'étudiant va sur sa voie jusqu'au nouvel exercice. Parfois il revient vers le professeur avec des questionnements et des demandes de précisions, le professeur est alors là pour lui. Mais dans d'autres cas, l'élève n'a rien pratiqué et il le démontre devant le professeur, ayant "oublié" ce qu'il lui a été enseigné. Dans ce cas, dans les temps reculés de la Chine cruelle, le professeur passait rapidement à la troisième étape.

La troisième fois est un moment où le disciple a démontré son inattention et son incompétence sur un sujet expliqué et compris à un moment. Il montre sa désinvolture et la légèreté de son engagement dans la voie... c'est l'étape du "c'est bien !".
Voilà le jeune étourdi dans une longue phase où tout ce qu'il fera sera "bien", et sans corrections de son professeur. Qu'il fasse ou qu'il ne fasse pas, que cela soit juste ou pas, qu'il vienne s'entraîner ou pas, "c'est bien".

C'était la dure loi de l'enseignement à l'ancienne... Heureusement, c'est du passé !

Trop de mots épuisent,
Rien n’est mieux que de Pratiquer »
Tao Te King, chapitre 5

Voilà. Nous devons nous poser des questions, les partager avec le professeur, mais sans utiliser cela pour échapper à notre pratique. Les paroles sont des moments sans pratique et les questionnements souvent des lacunes dans l'engagement.