samedi 21 septembre 2013

La voie Taoiste: une architecture Traditionnelle

La globalité des théories taoïstes permet de pouvoir faire des rapprochements entre des domaines apparemment très différents : l'astronomie et la physiologie, les arts de combat et la cuisine, la médecine et la décoration d'intérieur, etc…

Nous allons voir maintenant une comparaison entre l'architecture et l'aménagement de l'espace d'une maison traditionnelle et la structure d'une voie traditionnelle taoïste (plutôt clanique et familiale que religieuse).
Pour ceux qui ont déjà lu les textes présentés dans ce site, il sera clair de voir les différents niveaux de compréhension. Pour les autres, ce sera une invitation à lire les autres textes.

Une demeure traditionnelle est entièrement fermée, elle n'a pas d'ouverture sur le monde… En apparence. Les habitants de la maison vivent dans le monde parce que la maison reprend la cosmologie taoïste : c'est un univers dans l'Univers dont les limites ne sont qu'irréelles.


1 - La porte d'entrée


Sans entrer, il n'est pas possible de juger de l'étendu de la maison, de sa beauté ou de sa complexité. Ceux qui restent à l'extérieur ne peuvent que supputer quant au contenu de l'intérieur.

La vision de l'extérieur ne peut amener que des jugements basés sur l'ignorance de la réalité ou des commentaires fondés sur des ouï-dire : seuls ceux qui ont pénétré dans la demeure peuvent parler justement de celle-ci.

2 - Les dépendances


Dans un temple, ceux qui dorment avec "un mur dos à la porte" (le seul de la maison) sont les serviteurs et les aspirants moines. Dans une habitation de gens riche, le personnel de maison occupe cette partie de la demeure. Dans une école d'arts martiaux, ce sont les jeunes aspirants et les serviteurs qui demeurent dans cette partie de la maison. Pour résumer, tous ceux qui ont pénétré dans les limites de la maison mais qui ne font pas encore partie de la "famille" sont là ; c'est-à-dire, tous ceux qui rentrent pour une durée trop courte pour êtres connus ou ceux qui ne veulent pas être connus. C'est une partie qui est autonome : il y a des cours, des cuisines, des chambres mais aussi un accès à l'eau. On peut très bien passer toute sa vie dans cette partie de la maison sans jamais avoir besoin de quoique ce soit d'autre…

Il y a une rupture assez importante entre la porte, les dépendances et la partie "publique" de la maison. Dans les règles de l'hospitalité, certains voyageurs peuvent dormir dans cette partie de la maison sans jamais "entrer" vraiment. De même, des serviteurs, des cuisiniers, peuvent y travailler toute une vie sans jamais voir l'intérieur de la première cour.

3 - La première cour


Dans la maison traditionnelle, la cour est un espace de vie important : il y fait chaud une bonne partie de l'année, les activités se déroulent en extérieur. Il y a deux cours : celle qui accueille tout le monde et celle qui est réservée à la "famille" ou à ceux qui sont "connus". La première cour est dépouillée et adaptable pour toute activité, la deuxième est fleurie et personnalisée à l'image du maître de la demeure : il est impossible de connaître l'esprit du lieu par la première cour comme il est aisé de comprendre qui est le propriétaire par la vision de la seconde cour. Il est important de voir que chaque partie de la maison est séparée des autres parties par des portes. La porte, les passages et leurs accès sont très importants dans le symbolisme chinois. Les portes sont souvent fermées, et, par conséquent, pour les passer il faut les ouvrir.

4 - Les chambres des fils ou des invités


Il y a toujours deux emplacements pour les chambres des invités (ou des fils si c'est une maison familiale) : un qui donne dans la première cour et un qui donne dans "la partie haute". Seuls les invités qui sont des intimes sont reçus dans la seconde cour. Il est important de savoir que parfois des invités de la cour inférieure sont reçus dans la partie supérieure comme l'inverse peut être également vrai.

Ces changements sont des manifestations d'une évolution de la relation entre l'invité et le maître de la demeure mais aussi un aspect pratique : seul un intime acceptera de céder sa place habituelle à un visiteur de passage sans en prendre ombrage. Les changements de place dans la demeure peuvent prendre une multitude de significations.

Dans une école d'arts martiaux, seuls ceux qui peuvent assister à tous les entraînements peuvent être dans la partie "interne". Les chambres du haut leur seront donc uniquement réservées. Le maître s'entraînera le matin avec ses élèves dans la deuxième cour et plus tard seul dans son espace réservé : il ne doit pas confondre son enseignement et sa pratique personnelle, comme il l'enseigne à ses élèves.

5 - Le hall pour recevoir


Dans le cadre des relations sociales, pour les audiences importantes et pour certains enseignements "ouverts" ce hall est un peu le "faux" centre de la maison : c'est une réalité pour le visiteur mais juste la partie émergée de l'iceberg pour celui qui connaît la maison. Pour la plupart des visiteurs, il n'y aura jamais plus à voir. C'est la limite très importante entre ce qui se partage et ce qui reste dans "le secret". Si les réceptions ou les discours publics se donnent dans la première cour, les audiences personnelles et les "négociations" se déroulent dans ce cadre privé et "fermé".

C'est aussi l'emplacement de la porte qui sépare la première cour de la seconde…

Il y a maintenant une rupture plus grande encore entre ce qui est public et ce qui est du domaine privé du maître de la demeure et de ses disciples ou de sa famille. Nous entrons maintenant dans la partie cachée, qui est le cœur de la maison. Les gens qui rentrent dans cette partie sont "les disciples intérieurs", la famille proche, les invités de marque. Il y a toujours eu une différence importante entre les gens intéressés, les pratiquants, les disciples "de la première cour" et les disciples "intérieurs".

5 bis - La deuxième cour


La deuxième cour se doit de ressembler à l'esprit de la tradition du maître et de la pratique (dans le cas d'une école). Elle est très personnalisée et doit avoir un goût "unique". Elle dénote fortement de l'adaptabilité et de la neutralité de la première cour. Elle se découpe traditionnellement en plusieurs parties qui sont des "symboles de la pratique". Il doit y avoir de l'eau (mare ou cours d'eau), des plantes (fleurs et arbres) mais aussi des pierres et un pont si possible. Tout dans cette partie de la maison doit être en fonctions des concepts de la tradition.

6 et 7 - Les appartements du maître


Dans ce lieu, il y a les possessions du maître de la demeure et son lieu privé de pratique. Il y a non seulement sa chambre mais aussi sa salle d'entraînement, son temple et son armurerie. Selon qu'il soit laïque, moine ou maître d'arts martiaux, l'aménagement sera très différent. Ce qui est central sera le plus important : le temple ou la salle d'entraînement pour le pratiquant, un salon de réception privé pour un autre. Il possède deux espaces extérieurs, deux jardins qui peuvent aussi faire office de "temples" ou d'espaces d'entraînement.

On trouve également une place de choix pour celui qui doit succéder au maître : une des deux chambres peut être pour lui. Il est coutume de prendre un disciple ou son fils aîné pour un enseignement 100% du temps. Il va donc vivre auprès du maître au cours de sa fin de sa vie : le disciple ne peut, par conséquent, qu'être choisi tardivement.

Une autre maison : les mêmes symboles


Il se peut que la demeure soit plus modeste, moins étendue. Mais nous retrouverons dans les étages les séparations initiales. Si la deuxièmes cour est plus modeste et la première cour plus accessible, nous retrouvons la même symbolique

Voilà pour une vision de la maison Taoïste… de la tradition chinoise.

jeudi 5 septembre 2013

Age quod agis

« Puisqu'il en est ainsi, nous devons prendre encore plus au sérieux les enseignements que nous avons reçus afin de ne pas être entrainés à la dérive. »

Que sa recherche soit sur le souffle, « l’énergie » ou l’esprit, que sa voie soit globale ou non, la qualité première au centre des religions comme des mouvements d’évolution spirituelle est l’Attention.

Une attention à Dieu et à son œuvre dans les religions de dévotion, à la nature et à ses manifestations pour les animistes et une « présence à l’attention » pour les voies de non-dualité.

Dans le taoïsme des origines, loin des croyances populaires et pittoresques de la chine moderne, nous allons vers « le retour » ou le « un ».

Cette recherche de l’Unité, de l‘union des fonctionnements humains vers une compréhension intégrale, cette recherche demande une vision de la pratique des différents aspects de notre humanité : corps, souffle et esprit.

Mais quel que soit la facette que l’on veut développer, il y a trois qualités indispensables pour un pratiquant : l’attention, la compréhension et l’étude.

L’esprit, outil de la perception et de l’assimilation des conseils et des enseignements, est au centre des qualités requises : si l’enseignement n’est pas compris, il est impossible de le suivre.

La recherche de l’équilibre des facettes de l’esprit (planification, action, intuitif et instinctif), est un des « retour » qui nous guide vers le Retour global.

Plus l’esprit est « centré », clair et actif, plus il est possible de percevoir juste, de comprendre clairement.

L’esprit est l’outil de préhension du monde, il doit être fiable: c’est la qualité de compréhension.

Quand les questions et les pratiques sont posées pour l’esprit, il faut impérativement le tenir actif et à la limite de ses possibilités : il doit en permanence être dans un chalenge intellectuel qui l’oblige à « courir » après la connaissance, toujours un peu en retard…

Ainsi, dans notre tradition, on parle de garder l’esprit dans l’état de jeunesse de l’enfant. Les dernières recherches sur le cerveau tendent à supporter cette attitude.

Cela ne veut pas dire de ne rien faire, cela veut dire d’avoir trop à faire: C’est la qualité d’étude.

Mais avant tout, plus important que la compréhension et l’étude, il y a la source de tout cela, l’Attention. Il n’y a rien de plus important que l’attention.

L’étude correspond au Jing (l’aspect Yin), la compréhension au Qi (l’énergie) et l’attention au Shen (l’aspect Yang).

Par l’attention soutenue en permanence ( :-) ) nous pouvons rendre Yang, spirituel, tous les aspects de notre vie.

Mais quelles sont les composantes de l’Attention ?

L’attention est la qualité première du Zhen Ren, « l’être humain vrai » et c’est ce qui conduit au Zi Ran (naturel).

Elle demande trois choses : un corps fort, une vitalité débordante et un esprit centré.

Mais c’est cette attention qui est censée nous offrir ces bénéfices…comment faire alors ?

Le travail de l’attention demande avant tout trois choses que nous possédons tous :
  • La puissance de l’effort
  • La répétition de l’action
  • Le sens de l’humour
Nous devons comprendre ce que c’est d’être attentif, en faire le test, puis répéter cette action jusqu’à ce que l’attention soit stable.

Et le sens de l’humour ?

C’est ce qui nous sert le plus, sachant que nous n’allons pas réussir tout de suite…

Être attentif, c’est rechercher l’état de pleine conscience, cet état est un moment qui échappe à l’espace-temps et qui nous reconnecte à l’infini, au divin.

Cet état de pleine conscience, il échappe au mental, il est donc sans souvenir (espace) et sans durée consciente (temps), c’est un moment d’extase bénéfique qui nous connecte un temps à la Source, qui nous baigne de lumière.

Il peut arriver naturellement devant un paysage qui nous parle, avec une présence particulière, devant une œuvre d’art… Ou par une pratique consciente.

Il n’est pas possible de vivre ainsi, dans cet état excessif : il reste un moment particulier de liaison au plus grand, réservé à un moment de la pratique, c’est aussi un état de grâce.

Pour aller vers cet état salvateur, il faut rechercher une qualité première : l’Attention.

L’attention, c’est avoir à l’esprit ce que nous faisons, ce que nous percevons, sans (ou avec le moins possible) de commentaire du mental égotique : c’est être ancré dans le moment présent, vivant sa vie réellement.

Il suffit pour cela de rendre conscient notre action du moment, nos perceptions de l’instant…sans commenter, bien sûr !

Je mange un fruit et toute mon attention est sur le goût, sur la texture et sur la mastication, sans juger, sans commenter… Pouvez-vous faire cela ?

Sûrement quelques secondes, mais ensuite nous cherchons à commenter ce que nous faisons, comparons à des expériences similaires, partons sur des souvenirs réveillés par les sens stimulés… En gros, nous disparaissons de notre instant présent pour nous embourber dans les méandres crasseux de notre mental gluant.

Il suffit, et ce genre de phrase « il suffit » sont toujours traîtresses, il suffit donc de rester là, sans partir dans son esprit.

Comprenez-vous le souci ?

Voyez-vous votre commentaire interne quand je vous dis « Comprenez-vous le souci? »

Voyez-vous votre commentaire interne quand je vous dis « Voyez-vous votre commentaire interne? »

Vous percevez maintenant ce qui va poser problème.

Notre esprit n’aime pas ce qui est de l’ordre de la perception libre, naturelle, car elle échappe au contrôle du mental égotique: il lui faut donc s’approprier l’expérience en attachant au moment un commentaire superflu.

Pour aller vers l’absolu, il nous faut couper les amarres avec les limites de notre égo, il faut le baigner dans l’attention et l’instant présent jusqu’à ce qu’il déborde de conscience, nous donnant la permission de profiter de l’infini.

La répétition nous donne accès à la liberté.

Il est donc nécessaire de comprendre tout cela, de tester ces moments de conscience simples de l’instant et de chercher à répéter l’expérience le plus souvent possible : vous voilà embarqué dans le voyage le plus extrême que vous ferez dans votre existence, une porte vers les étoiles.

L’attention est ce qui fait le plus défaut chez un pratiquant et chez les gens en général, elle demande un travail laborieux et peu rétribuant, mais c’est la clé, le point de contact, vers une voie totale.

Heureusement, il existe nombre de pratiques, d’enseignements et de secrets qui vont cultiver cette attention, pour nous délivrer des chaines de l’égo.

Pour ceux qui ont eu la chance de faire leur initiation dans les secrets de l’alchimie externe taoïste, vous savez de quoi je parle…