samedi 23 janvier 2010

La Trilogie Nécessaire du Pratiquant

De quoi avons-nous besoin pour allez plus loin dans notre démarche martiale/spirituelle ?
  • de l'envie de cette recherche,
  • d'un formateur/expert/maître,
  • de trouver l'enthousiasme dans cette recherche.

L'envie d'une pratique ou d'une introspection n'est pas du goût de tous. Ceux d'entre vous qui ont essayé de parler de leurs pratiques à des gens peu ou pas intéressés, voient de quoi je parle.

A l'occasion de dîners ou de rencontres, on a tous rencontré une fois celui qui ne comprend pas ce que l'on raconte. Quand on passe des heures à taper sur un mannequin de bois, à se battre ou à jouer avec une épée ; les gens vous regarde comme une bête curieuse. Si vous rajoutez quelques discussions sur le chi kung, la méditation ou la rétention séminale… " ils " sortent l'appareil photo et appelle leur compagne… " viens voir le monsieur, Micheline, il est bizarre… ".

Dans les campagnes, on peut trouver des gens du terroir qui rigolent de toutes ces choses " chinoises ". Méditer, calmer l'esprit, faire un avec la nature… ils connaissent, ce n'est pas un secret pour eux.
C'est comme parler des " arts martiaux " à un vétéran, il va trouver ça étrange, ces questions sur " s'il fait ça, tu fais ça… et puis tu lui fais une clef de bras… ", il les a pratiquées réellement.
L'envie d'une recherche viens toujours du désir de retrouver quelque chose que l'on connaît déjà. RE-trouver, RE-cherche… c'est un retour sur une partie de nous même, qui est là depuis toujours, mais qu'il faut juste allez " dépoussiérer ".

Les enfants emmagasinent des tonnes d'informations qui structurent leur personnalité. Il y a, à ce moment là, des chemins qui s'ouvrent et d'autres qui se ferment. Nombres d'enfants ont des expériences " d'éveil ", de totalité, qu'ils rechercheront plus tard. La peur de l'environnement familial, du rapport aux autres, peut amener un goût pour la sécurité, le besoin de se protéger. D'autres encore, vont avoir besoin de plus exprimer leur agressivité pour se faire entendre. D'ailleurs, cette agressivité peut trouver une expression dans la violence. Le mimétisme et l'envie d'être " grand " peut motiver l'enfant pour copier les adultes.
Tout ça pour dire que l'envie de pratiquer est plus profonde que l'on croit. De plus, si on ne comprend pas ses motivations premières (violence, protection, imitation…), il ne sera pas possible de faire les bons choix. Un violent qui fait de la self défense sera frustré, car il a juste besoin de se défouler. Celui qui a besoin de protection, s'il fait du sport de combat, aura un sentiment de doute et d'insécurité constamment. Ces exemples sont typiquement des choix qui ne conviennent pas aux motivations de départ, ni à qui on est.

Donc on a l'envie.

Pour satisfaire cette envie, il faut quelqu'un qui connaisse le sujet, qui l'a vécu, pour nous l'apprendre. Il faut donc une personne avec qui l'étudiant pourra avoir des connaissances et un échange " de cœur à cœur ". Autant dire qu'il faut oublier les K7 et les livres, VCD et DVD… C'est ce que les chinois appellent un " jing mort ", pas de vitalité, pas d'échange.
Le professeur doit il être un maître ???

Cela va dépendre des " phantasmes " de l'étudiant. Celui qui rêve d'un vieux sage chinois ne pourra apprendre d'un jeune expert saoulard. Mais si on est focalisé sur l'enseignement, le maître ne doit posséder que peu de qualités :

  • il doit avoir traversé les étapes des pratiques qu'il enseigne,
  • il doit vivre selon ses pratiques, selon les principes de l'enseignement qu'il e reçu,
  • il doit pratiquer, l'action doit être plus importante que la discussion.

De nombreux jeunes pratiquants, ivres d'images hollywoodiennes, gardent ces concepts creux du maître parfait. Un maître indien, dont j'apprécie les écrits, comme Nisargadatta était connu pour ses colères. Nombre des maîtres d'arts martiaux très qualifiés que j'ai rencontrés étaient de " mauvaises personnes "…

Donc, maintenant qu'on a le maître… il faut se bouger les fesses !

Se forcer ne sert pas très longtemps, c'est utile le temps de trouver l'enthousiasme. Dans les systèmes taoïstes que je connais, on se donne 300 jours.
Cette durée est suffisante pour que le corps change, que l'esprit goûte à un peu de paix et pour sentir ce qui se passe " dedans ".
Mais comme disait mon grand sage de Professeur " si tu pratiques, ça marche, si tu pratiques pas, ça marche pas… ", il était très sage.

De là, apparaît la vraie difficulté : le doute, l'engagement.
Cette période de 300 jours peut amener les réponses aux questions que l'on se pose et aux besoins qu'on a. On peut se " transformer " pour retourner à ce qu'on est vraiment… mais il faut " y aller " !

Le doute est intéressant, il est l'ami de tout chercheur… mais un chercheur est un érudit, par conséquent quelqu'un qui a fait de longues études.
Aujourd'hui, le doute s'installe dans la phase d'enseignement de base, avant de savoir, on doute.
Le doute, qui est né de l'ignorance et de la peur de faire, n'est pas l'ami du chercheur, il est l'ennemi de la construction de l'être.
Avant de douter de la valeur de certains textes, d'une pratique ou de certaines idées, on doit connaître le travail et avoir des points de repères, une expérience personnelle concernant le sujet en question.

Celui qui n'a rien fait dans un domaine, prenons la méditation par exemple, ne peut douter de la valeur de celle-ci puisqu'il est ignorant dans ce domaine. Il doit le reconnaître et éventuellement ensuite déclarer qu'il n'est pas intéressé, mais pas clamer que ce n'est pas bon car il ne sait pas.
Juger d'un enseignement ou d'un style demande d'être soi même dans une pratique en rapport avec cela… mais aussi d'avoir travaillé suffisamment pour savoir dans " son corps " ce que représente cet engagement.

Douter dans la phase de formation et d'apprentissage revient à ne pas encore commencer. Ce n'est pas gênant, car en n'allant nulle part on ne peut pas se perdre. Je ne fais que reprendre là les détails de mes enseignements, j'ai une vision très personnelle de tout ça.

Il est absolument impératif de prendre son temps pour décider de savoir si, oui ou non, on veut se lancer dans une pratique. Mais après, il faut " plonger ".
Quand on plonge, il y a trois étapes qui sont les mêmes que dans " l'immersion " dans une pratique :

  • on se prépare à plonger (on regarde l'eau est trop froide, s'il n'y a pas assez de fond…),
  • on saute, on plonge, on " tombe ",
  • on est dedans, dans l'eau ou la pratique.

Celui qui change d'avis ou de direction entre la deuxième et la troisième étape va se blesser et ne pas profiter du bain !

Celui qui en a envie, qui " trouve " un enseignant, ne doit pas se faire piéger par les peurs et les doutes de son esprit inquiet. Il faut plonger, accepter de goûter vraiment pour savoir si c'est notre voie.
Aujourd'hui il y a une dose de surinformation qui donne une tendance " horizontale " au savoir. Tout le monde connaît un peu de tout.
Mais il y a une très forte tendance à la disparition du savoir vertical, de la profondeur dans un savoir. Plus rien n'est profond.
C'est en partie à cause du doute et à la difficulté que l'on rencontre à s'engager.

L'Attente

Celui qui commence à pratiquer attend quelque chose. C'est parce que dans son quotidien, dans l'écoute de son corps et de ses émotions, il y a quelque chose qui ne va pas. Il est difficile de déterminer ce "quelque chose", il n'est pas définit, il n'est pas précis mais il est toujours là.

Nous pouvons croire que tout va très bien et que nous allons vers une pratique pour "raffiner" la perfection latente de notre être parfait… mais en fait non, si tout allait bien, si nous étions en phase avec la vie, les phénomènes et les changements, nous ne chercherions pas une pratique.

Nous tentons d'oublier et de couvrir cette sensation de "vide" par le biais d'une activité fiévreuse, de relations sexuelles nombreuses, du shopping, de la boisson et de la nourriture, mais on trouve uniquement des relations amoureuses pathologiques et de dépendance ou encore la télévision. Ce "remplissage" externe ne peut pallier à notre vide interne.

La découverte d'une possibilité d'aller vers autre chose, de rencontrer un enseignement qui devrait nous "aider", nous crée une nouvelle maladie : l'attente.

Maintenant que nous avons trouvé la solution dans une pratique spirituelle ou énergétique (c'est la même chose !), nous voulons du résultat ! Comme au marché, on investit 10 euros dans des carottes et on veut son lot de légumes… malheureusement c'est un peu différent en ce qui concerne la pratique.

Cette dernière doit passer par trois stades bien distincts que nous avons tendance à mélanger et qui amènent dans une confusion bien réelle (il ne faut pas confondre !).

Ces trois stades sont :

  • l'apprentissage,
  • la pratique intentionnelle ou studieuse,
  • la pratique naturelle.

Dans la phase d'apprentissage nous allons travailler les exercices ou pratique qui ne sont pas l'Essence elle-même. Par exemple, dans les exercices de méditation nous apprenons des exercices pour toucher "l'état méditatif", mais il n'existe pas d'exercices qui soient la méditation (voir "il ne faut pas confondre"). Il faut comprendre que dans la phase d'apprentissage, nous ne pratiquons pas, nous apprenons à pratiquer. Nous cherchons à intégrer intellectuellement des exercices pour qu'ils deviennent "habitudes" et soient utilisables avec le minimum d'intention et d'imagination. Prenons l'exemple du métro ; quand vous allez pour la première fois de votre vie à une destination qui va devenir quotidienne, comme un nouveau travail ou un nouvel appartement, vous faites très attention au trajet. A chaque station vous regardez où vous êtes par rapport à la destination, le trajet qu'il vous reste et chaque étape est une découverte. Vous restez sur un mode alerte et mental : "suis-je au bon endroit ?", "Est ce que ça va être encore long ?"…

Après deux trajets, deux cents ou deux mille, vous êtes assis, détendu, connaissant chaque partie de la progression du train, et vous pouvez même avoir une activité autre, comme la lecture ou du travail, sans rater votre arrêt. Ceci est comparable à la fin de la phase d'apprentissage, qui est plus ou moins long selon les gens.

Nous sortons de la phase d'apprentissage quand nous pouvons faire notre exercice sans y penser, sans faire appel à la mémoire (ou très peu) et dans une intention douce et presque silencieuse. "Mais je ne suis jamais sorti de la phase d'apprentissage !" me direz-vous… ben oui ! D'où l'immobilisme de la pratique que vous entreprenez !

Ce qui empêche de passer de l'apprentissage à la pratique, c'est la prise de conscience de ces deux étapes. Quand on apprend, on ne pratique pas vraiment, il ne faut donc rien attendre. Dans cette absence d'attente, vous allez glisser dans la pratique. Voilà !

Quand on commence à pratiquer, après une phase d'apprentissage plus ou moins laborieuse, des phénomènes peuvent se manifester. Ces changements perçus sont un autre blocage possible à l'accomplissement de vos enseignements. Dans les phénomènes, qui n'ont pas d'importance, nous avons la fâcheuse habitude de les attacher à une brochette de pensées inutiles. Cet attachement aux moments de perception de notre pratique nous rappelle que nous "attendons" quelque chose, des résultats…"Suis je en train de sentir ceci ou cela ?", "Suis-je sur la bonne voie ?", "Est ce un signe d'accomplissement ?"… autant de questions sur des phénomènes qui n'ont pas d'importance, qui nous ramènent à cette attente, ce besoin de savoir que ça va aller mieux, que nous sommes de bons élèves.

Dans la pratique, quotidienne et intégrée à notre vie, nous ne devons chercher qu'elle-même. Il est en fait beaucoup plus simple, en théorie, de pratiquer pour rien que de pratiquer dans un but quelconque, mais l'inverse se révèle en fait être la réalité.

Nos pratiques nous ramènent vers une perte des structures de notre mental, notre structure dissociée du monde, notre ego. Cette perte de structure est mortelle pour notre mental, elle nous fond dans le reste de l'Univers et nous fait perdre notre particularité. Dans nos pratiques quotidiennes, notre ego va survivre en se fondant de nouvelles limites dans le cadre de notre enseignement : de là vient notre volonté de défendre nos certitudes sur notre pratique et notre professeur, notre attente pour aller mieux et devenir meilleur et toutes ces dernières défenses de survie de notre activité discriminatrice mentale.

Nous pouvons donc pratiquer en renforçant notre mental et notre imagination, allant à l'inverse de ce qui va nous libérer et amplifiant la sensation de malaise liée à notre "moi déterminé et unique" ; ce qui va décupler notre attente puisque que ça va de plus en plus mal, sous couvert de mystico-énergético-spirituel confus et destructeur. Comme exemple, nous pouvons citer les faux "non violents" de certaines voies qui sont en fait prêts à tuer des "mangeurs de viande" ou dépecer ceux qui on insulté leur guru…

Pour aller dans le sens d'une pratique sereine, la pratique est le but de la pratique. Ca va bien se passer !

Quand la pratique s'installe, rien ne change. Nous n'allons pas nous transformer en quoi que se soit. Il est inutile de se faire pousser les cheveux et de manger de l'encens, nous allons rester comme nous sommes. Tous les changements qui nous tentent sont une façon de dissimuler cette attente qui nous fait défaut : les couleurs vives de nos vêtements amples vont pallier à la raideur de notre corps et la tristesse de nos pensées, les séances forcées de méditation "silencieuse" (en apparence) vont parodier un silence intérieur qui nous fait défaut, la voix douce et la non violence vont recouvrir tant bien que mal notre peur des autres et du monde.

Toutes les tentatives de changements visibles pour les autres est une façon de démontrer notre accomplissement, notre mental cherche à montrer que nous avons raison, que nous sommes mieux que les autres, différents… encore et toujours l'attente d'être mieux !

Mais la pratique ne change rien, l'accomplissement n'amène rien, nous resterons celui que nous étions avant notre naissance et celui qui perdurera après notre mort. Dans le quotidien, nous "fonctionnerons" juste dans une détende et un silence qui feront de nous ce que nous sommes, sans les blocages acquis par le conditionnement mondain.

Il n'existe rien à chercher, rien à ajouter. Nous allons doucement vers une pratique sans attente, vers ce que nous sommes. Nous n'allons rien rajouter ni rien apprendre, nous allons chercher à revenir vers une spontanéité en phase avec les changements de la vie. Sans une utilisation maladive et compulsive, le mental nous sert dans le quotidien. Sans une perte dans les méandres de notre imagination, qui s'appuie sur le passé et sans projeter des espoirs dans le futur, nous vivons libre dans le présent. Sortant de la trame du temps, nous allons rentrer dans le monde des perceptions sans le filtre du monde des pensées. Sans ce lien malade au temps passé et futur, nous sortons de l'attente : nous renonçons aux fantasmes de l'imagination qui nous vient du passé et nous ne projetons plus d'espoirs dans le futur, il n'y a plus d'attente, nous pratiquons, nous vivons.

Tout le secret de la pratique, c'est la pratique. Cette pratique simple qui ne demande que de suivre ce qui nous est conseillé par notre professeur, par notre ressenti. Par la mise en œuvre de ces enseignements simples et concrets, nous allons vers une vie au présent dans une sensation claire et dénuée de pensées compulsives. La détente nous permet de vivre dans la paix et le silence, sans attachement aux images imposées d'une séparation avec le monde.