mardi 20 octobre 2009

Fréquence de la Pratique


Il arrive, dans les discussions, de parler des fréquences de sa pratique.

Pour ce qui est des arts internes chinois, d’inspiration taoïste ou pas, si la pratique n’est pas quotidienne, il n’y a pas de pratique. Cela peut paraître exagéré, mais c’est une réalité.

Il n’est pas possible de pratiquer " un peu ", de temps en temps, cela ne peut être une pratique interne qui amène quelque part.

Je reprends ici une image qui m’est chère, celle de l’eau qu’il faut faire bouillir : l’alternance d’un feu fort et d’un temps de pause, ne permettra pas à l’eau d’arriver à ébullition. Il faut une continuité dans le feu pour chauffer suffisamment le liquide, qui ainsi arrive à la température critique du changement.

La pratique est à l'image de cet exemple. Cette transformation, cette alchimie, ne peut s’effectuer qu’avec un effort soutenu et détendu ; sinon, soit on brûle la casserole, soit on ne fait pas suffisamment chauffer l’eau…mais c’est un autre sujet…

Le fait de participer à des " séances " de Tai Chi Chuan trois fois par semaine ou de prendre des " cours " de chi kung ne signifie pas pratiquer… Il ne faut pas confondre !

Les exercices appris en cours, les théories et les formes, ne servent qu’à découvrir la pratique personnelle, unique source des changements.

Cette nouvelle manière de vivre, basée sur une conscience permanente de ses actions, en accord avec les concepts de sa pratique, n’a rien à voir avec sa séance divertissante de " sport ".

Il ne suffit pas de faire des petits mouvements lents en respirant par le nez, ni de se déguiser en chinois, avec la musique qui va avec, pour prétendre être dans l’interne. Non, pour cela, il faut respecter un protocole d’entraînement extrêmement précis, le tout sur une durée certaine.

Il serait facile et injuste de lancer des choses comme ça et de s’arrêter en disant " y faut pas faire ça, c’est pas bon… salut ". Puisque j'en ai l'occasion, je préfère vous faire profiter de la vision de ma tradition, histoire de partager.

Ce n’est pas " la " vérité (ou alors c’est un coup de chance…), mais c’est proche de " ma " vérité.

Le travail quotidien doit suivre une direction précise qui demande une réelle continuité et une exclusivité dans la constance de l’effort.

La compréhension profonde de chaque partie permet de pouvoir se libérer de " ce qu’il faut faire " pour aller vers une voie " naturelle " et personnelle.

Le fait de " modifier " l’entraînement avant d’avoir été au fond de celui-ci ne permet pas d’évoluer sur des bases solides. Le fait de rester " coincé " dans ses petits concepts de " vérité " est encore plus triste ; c’est un signe de manque de liberté.

La pratique est précise et stricte, mais elle doit se libérer, s’unir tôt ou tard à ce que l’on est. Elle ne doit pas rester bloquée sur ce qui est enseigné, mais doit grandir et retourner au naturel.

Les étapes sont souvent les mêmes dans les arts internes chinois :

- détendre le corps,

- former le corps,

- enraciner le corps,

- renforcer le corps,

- coordonner la respiration,

- unir le souffle et le geste,

- calmer l’esprit et renforcer l’intention,

- sentir et unir l’énergie.

Ces étapes sont évidemment un résumé rapide, mais elles donnent une idée du travail à fournir.

Il est évident que si, dans la période où l'on détend le corps, on pratique le chi kung dur de la grue blanche (par exemple), les informations contraires ne peuvent être assimilées par le système neuro musculaire. Certes on bouge et on fait circuler le sang, mais on n’apprend pas, on ne construit pas.

De la même manière, si on pratique la boxe américaine et les exercices pour se détendre, ça va pas être possible non plus. On fera tout au plus du bon externe, détendu et fluide, mais ça ne sera jamais de l’interne.

Ca ne marche pas non plus avec la boxe thaï et le sumo...

Les changements profonds, qui ont un autre but que simplement savoir se mettre des grandes baffes qui piquent, demandent une continuité et une présence au travail (non, on ne peut pas faire l’arbre en regardant Claire Chazal aux infos ou un film de Jet Li ! C’est mieux que rien, mais le vrai travail n’est pas là, et de toute façon, " il faudra creuser là ou on a laissé la terre ").

"Unir" suppose de ne pas disperser.

Il faut, pour une pratique interne suivant les traditions que je connais, respecter plusieurs étapes qui dictent les lignes directrices du travail :

- Comprendre le travail à faire (précisions et tutelle d’un professeur "qualifié") pour ne pas travailler dans le vide, pour rien, ou en faisant des âneries qui gâchent tout.

- Amener un confort dans la pratique : physique et intellectuel. Une pratique qui est trop loin de ses disponibilités, qui va à l’encontre de sa culture, que l’on ne comprend pas, qui fait trop souffrir… ça n’est pas possible, il faut aménager pour trouver ce confort, sinon ça ne mène à rien. J’ai pas dit que ça allait être facile…

- Intégrer sa pratique à sa vie… ou en fait, sa vie à sa pratique.

- Il ne faut pas aller " contre " les changements qu’amène sa pratique (professionnels, affectifs, physiques…), c’est un bon exemple du " non agir ".

- Il faut répéter ses exercices sans relâche et sans trop de questionnement (tout en sachant qu'il est impossible pour les occidentaux que nous sommes de ne pas se poser de questions…)

- Il faut que l’attention soit totale mais détendue… Je sais c’est de la science-fiction, mais je partage mes enseignements. Bon, si on est à ce qu’on fait, c’est déjà pas mal.

Trop souvent, la concentration est une attention " coincée " sur un sujet, une image, un but.

L’intention peut être " attentive " ou " concentrée ".

Le " yi " est une conceptualisation qui tend à vouloir se réaliser par le " zhi ", la force des reins. En gros, le " yi " dit : "je vais lui mettre une bonne beigne grâce à la compréhension de mon corps et la coordination de mes chaînes tendino musculaires", mais le " zhi " doit faire, ou fuir (" fight or flight " syndrome).

L’erreur qui est souvent commise par les pratiquants qui aiment les arts de combat de manière intellectuelle, c’est de penser beaucoup " comment " et " pourquoi ", par le " yi ", mais d’oublier de nourrir la bête, de renforcer le corps, la force primale des reins, le " zhi ".

Un corps qui se sent faible, qui n’a pas confiance en lui, aura un " zhi " qui n’ira pas au combat réel.

Si on est " concentré ", suivant les termes définis ici, on est moins performant que si on est " attentif " ; un peu comme le muscle qui doit être souple, pas tendu.

Encore une fois, la pratique quotidienne, avec ses inévitables " tests ", permet de comprendre cela bien mieux que ces mots sans valeur.

- Et, grand secret, s’il y en a, il faut découvrir un " trésor caché ", il faut " entrer " dans l’interne par la découverte de l’enthousiasme, le plaisir de la pratique. C'est l’enthousiasme qui nous empêchera d’avoir des distractions nocives pour notre pratique, parce qu'on aura mieux conscience de la valeur de ce que l’on a.

Cette façon de travailler se doit d’être la même pour les différents aspects de la pratique, qui ne sont pas progressifs, mais mêlés les uns aux autres.

Il n'existe pas de " demi pratique ". Si la pratique interne n’est pas "fusionnée" à sa vie, alors on est sur le pas de la porte, mais on n’est pas encore rentré.

Pour ceux qui prétendraient vouloir, mais qui évoquent de fausses excuses telles que les soucis logistiques par exemple, je dirais que si la disponibilité mentale est réelle et claire, la disponibilité matérielle aura tendance à se mettre en place d'elle-même.

Sans enthousiasme, il n'est possible que de prétendre ou de souhaiter, de vouloir et d'essayer, mais jamais de faire, or, toute notre pratique est dans l'action.

Découvrir l'enthousiasme ne peut s'apprendre, comme le Tao ne peut se décrire, mais nous avons les moyens de "toucher" cela par la pratique.

Plusieurs styles anciens de boxes internes chinois se nomment " men " et non " chuan " (poing) ou " fa " (méthode) ou encore " zang " (paume)… " Men " veut dire porte, entrée, portail, une entrée vers l’interne.

On parle de " pratiquer " la boxe chinoise, mais " d’entrer " dans l’interne, et on le fait par une porte : " men ". Il est évident que nombre de styles internes ne se nomment pas "men"... c'est un exemple.

Je pense que si on pratique 12mn par jour, tous les jours, sans effort ni questionnement, alors on peut " rentrer " dans l’interne. La constance du rappel au corps et au " shen " de cette connexion possible, ce feu lent, mais durable, peut arriver doucement à cette subtile ébullition… À mon avis le problème, c'est qu'il faudra sûrement revenir sur cette histoire de questionnement, d’enthousiasme et d’effort.

Cependant, pour pouvoir utiliser la puissance de l'interne dans les confrontations physiques, il faudra faire plus que 12mn par jour, ça c’est sûr !

Pour qu’une bonne droite soit plus proche d’un " bong chuan " que d'une bonne droite de cow boy, y va falloir bosser (moi, le premier…) !

Une frappe interne est pénétrante, cela demande un corps et un esprit détendus. Le corps " uni " a travaillé une fraction de seconde, et tout se déchaîne… Pour cela, je pense qu’il faut organiser sa vie autour de sa pratique pour que cela marche vraiment, mais c’est un choix difficile.

Voilà une vision de la pratique dans ma tradition, les arts taoïstes que je connais suivent ce chemin et je vous les livre comme je les ai reçus.

Enracinement et Pratiques Sérieuses



Dans les arts internes chinois, on parle beaucoup plus du changement du corps et de l’esprit, ou plus exactement du changement du corps "avec" l’esprit (ou inversement), que des formes, des routines, des katas…

La différence avec l’externe, en laissant de côté le rapport à la contraction musculaire, est cette possibilité de changer une action isolée (du bras, par exemple) en une action globale du corps.

Cette dernière, contrairement à la force venant de l'externe, amène une vraie puissance dans l’action, la non fatigue de la partie du corps qui fait l’action et la possibilité de multiplier cette action.

La force du mouvement va faire toute la différence, car il sera alors impossible pour un adversaire de " parer " ou de " prendre " le coup tant il est destructeur.

La recherche de ce " corps total " est souvent au centre de chaque style interne chinois classique, j'entends par là chaque " style sérieux ".

Sans cette recherche de globalité et d’unité, on ne fait usage que de la force isolée qui nous ramène inévitablement à l’externe. Travailler l'externe est chouette aussi, à partir du moment où l'on sait ce qu'on fait, c’est encore une histoire de choix…

Celui qui s’entraîne aux arts internes avec une vision externe, ou inversement, va perdre du temps à faire n’importe quoi, et ne va aller nulle part.

Toute la base du vrai travail interne vient de la détente et de l’enracinement.

L’ enracinement amène la possibilité de rester centré malgré les "changements".

L'enracinement interne est donc cette aptitude à "changer" avec les "changements" du monde et dans une situation donnée. Cette écoute du monde, pour s'adapter, doit se faire dans une certaine densité, une certaine solidité, souples et vivantes.

Ce rapport au sol, pour faire sortir la force et "changer" est une nécessité, si on veut transformer sa perception des événements et ses gestes.

Les exercices sont une façon de "goûter" les fameux changements, pour parvenir à une liberté "adaptable" du corps tout "entier".

C'est pas simple, mais c'est cela l'interne.

Quelles que soient les facettes de l’entraînement interne, il faut avoir un rapport au sol qui permet d’unifier la force du corps. Ce travail peut se faire comme dans le Yi chuan, en restant debout, mais il existe bon nombre d’autres méthodes.

Je veux dire en matière de pratiques des arts internes chinois, pas de football américain ou de sumo.

Avez-vous aujourd'hui des pratiques qui vous ont apporté un enracinement ?

Transmettre la force de l'enracinement par le corps demande "d'apprendre à céder"...

Il suffit de pratiquer avec une intention et une force "légère et douce", qui "laisse l'énergie couler".

Mais c'est tellement complexe de ne pas mettre de force avec nos phantasmes guerriers...

Facile, mais difficile.

Pour ma part, une série de postures statiques, des exercices à deux et des exercices pour sortir le " jing ", la force, m’aident à m’enraciner.

Tous mes entraînements contiennent des gestes très lents et des moments de formes statiques.

Si elle demande un bon enracinement, une pratique interne sérieuse ne demandera en revanche pas d'obtenir un gabarit particulier.

Je ne pense pas qu'il faille devenir fort, faible ou maigre pour faire de l'interne.

Cependant, je ne peux pas dire non plus que la détente entraîne la perte de la masse musculaire. Que l'on soit musclé ou pas, la taille des épaules reste inchangée par exemple.

Si on conserve une pratique de "contact" régulière et sans retenue, les muscles restent les muscles, simplement on s'en sert d'une façon différente.

Dans ma lignée, dans mon style, il y a eu des costauds et des maigres, mais au fond, ils sont tous restés comme ils étaient à l'origine, épaules ou pas.

Wan Shujin avait des épaules rondes et "hypertrophiées", mon autre avatar, le vieux tout sec, Wan Laisheng, avait aussi les épaules rondes et proéminentes, même tout sec.

Beaucoup de gens qui font de l’interne se coupent de la réalité des combats (contacts) "violents", où les muscles travaillent dans le sens d'un " corps uni ". C'est leur meilleur prétexte pour justifier la faiblesse de leur corps.

Sans aller aussi loin que le combat, il suffit de manier les armes de façon " unie ", il en résulte alors une musculature particulière qui se note, tout en restant détendu par ailleurs.

Il existe une autre branche d’amis des arts de combat du Zhejian, près de Shanghai, qui font de la boxe du poing de coton. Ils ont des corps de gymnastes, secs et dessinés, mais ne s’entraînent pourtant que de façon interne et souple : c’est une branche 100% interne.

Je ne crois donc pas que les modifications corporelles se voient aussi bien quand on reste dans son système.

En revanche, si on change de système et que l'on passe du karaté, shaolin dur, lutte gréco-romaine aux styles internes chinois, là il va y avoir un changement évident !

Le corps récupère des erreurs passées et retourne vers " sa " normalité, vers une force détendue et souple.

Les arts de percussion amènent un épaississement et une tonicité particuliers des muscles, une sorte d’élasticité, de peau " latex ". Les arts de luttes rendent rond et lourd, enraciné.

Les arts internes sont souvent liés à la percussion, tout en restant à une distance courte de " sécurité ". Si les exercices et le combat sont combinés régulièrement, les muscles peuvent rester apparents, mais deviennent très rarement " hypertrophiés ".

Étude, Ignorance et Dao


Le merveilleux outil qu'est internet nous permet d'accéder à toutes sortes d'informations, y compris à des discussions en direct sur des sujets tels que les arts martiaux. Parfois, devant les sottises étalées je pense à cela :

"La poursuite de l'étude amène tous les jours un peu plus,

La poursuite du Dao amène tous les jours un peu moins.

Cela diminue jusqu'à arriver au non agir.

Dans ce non agir, rien n'est impossible.

Pour comprendre le monde, il faut être dans le non agir.

Dans la résistance, on ne peut appréhender le monde."

Ce chapitre du Daodejing, le 48, nous donne une clef sur la recherche du naturel et du non agir.

On y parle des qualités du Dao : naturel et non action.

On comprend que la façon d'agir du Dao réside dans ces qualités.

De là, par la recherche de ces qualités, nous allons vers le Dao.

Comment interpréter ce chapitre 48 ???

Le naturel et le non agir sont les actions du Dao, mais comment atteindre ces états de "naturel" et de "non action" ?

Certainement pas par l'étude, on en convient, mais alors comment faire ?

Le naturel, dans le Daodejing (Ch 22 et 25), est ce qui est en nous et qui ressort comme notre "vrai Soi".

Comment aller vers cette rencontre, vers ce "retour" (mouvement du Dao) ?

La "non action", ou le "non agir", est cette capacité d'adaptabilité qui permet de se fondre dans le monde. Il ne s'agit pas d'une pratique d'isolement, mais d'une voie dans la vie, dans le monde.

Comment, pratiquement, peut-on s'entraîner ou utiliser les enseignements du "Vieux Gars", aller dans leur sens ?

De plus, à quoi sert l'étude ???

Il n'existe pas 36 chemins.

L'étude est la phase d'apprentissage, le "faire" est celle de la pratique.

Chercher la perfection du geste sans "lâcher" le mouvement est une bêtise car on ajoute sans cesse, allant contre soi-même.

La répétition, sous la tutelle d'un professeur aguerri, permet d'éliminer les tensions, les blocages, les préjugés.

"La poursuite de l'étude amène tous les jours un peu plus,

La poursuite du Dao amène tous les jours un peu moins."

L'étude nous guide dans la direction de l'expérience, elle nous sert à "connaître", dans cette connaissance nous approchons le Dao.

"Celui qui connaît le dur et reste dans le doux sera la source de la puissance,

Cette source de puissance ne sortira pas du "De" (manifestation du Dao),

Et retournera vers la simplicité"

Chapitre 28

Cette simplicité, cette absence de commentaire mental est encore de l'ordre du "moins", du retour, plus que de l'accumulation.

On trouve un rapport entre :

- Non action,

- Naturel,

- Simplicité.

C'est presque une direction de pratique :

- Par une pratique équilibrée et sous la tutelle d'un professeur,

- On trouve le naturel dans la détente et le "manger amer",

- La simplicité permet le silence (mental) et nous fait goûter le Dao.

Qu'est ce qui donc nous empêche d'aller directement vers cette simplicité ?

Ça serait tellement plus simple, non ?

Cette séparation entre notre "personnalité" et notre naturel (potentiel trop peu souvent réalisé) n'est autre que le chemin de notre pratique.

Nous avons plusieurs facettes, plusieurs couches, plusieurs masques : cela protège notre nature égotique, mais cela nous éloigne également de notre état naturel.

La fabrication mentale, court-circuitant nos perceptions, se réjouit de nos capacités intellectuelles et de nos multiples distractions.

L'accumulation d'informations nous permet de nous enfermer dans une satisfaction de "savoir" qui n'a rien à voir avec la connaissance ; ce n'est qu'une illusion d'être plus.

La pratique peut nous amener à un "retour", à la simplicité : étape de non dualité et d'union.

Lao Zi nous permet de toucher la Voie par une compréhension non intellectuelle, nous fournit un indice pour nous guider vers une pratique.

Cette pratique nous donne la possibilité de toucher des expériences directes qui, avec l'accompagnement d'un professeur compétent, nous conduiront à sentir le naturel.

La répétition de ces expériences de naturel nous apporte une assise dans un état nouveau, plus vrai, en confrontation avec notre personnalité.

La Voie devenant ainsi la vie, celles-ci s'unissent alors que se rencontrent notre vraie nature et notre personnalité.

Ce retour au simple est la Voie, à la fois amère et merveilleuse, du taoïsme clanique et spirituel.

L'étude réside dans l'acquisition des expériences directes, l'ignorance dans l'impression de savoir et le Dao se marre…

Aussi nombreuses que soient les discussions autour de ce type de textes, elles ne permettent qu'une chose : faire "sortir" des réflexions, mais elles n'aboutiront jamais à une vérité.

L'étude est en partie nécessaire, mais parfois inutile.

En revanche, ce qui est vrai, c'est qu'il existe une grande confusion entre ce qui appartient au savoir accumulé et nourri par le mental et ce qui fut appris par les expériences directes.

La force des traditions anciennes réside dans l'expérience qu'elles ont de l'enseignement : on connaît les chemins à suivre, les expériences à vivre, les qualités à travailler.

Ce taoïsme non religieux, dégagé de la volonté d'être unique ou meilleur, permet une voie claire et profonde dans la "vallée de l'esprit".

Bury St Edmond, a good seminar

jeudi 8 octobre 2009

Le Taijiquan de la Famille Li

Le Taijiquan de Li Fangchen, ami de Du Xinwu, est une boxe ancienne dont le fondateur fut Yang Luchan (1799-1872).

Yang Luchan, forcé d'enseigner son art à une cour impériale qu'il abhorrait (des Manchous), le transforma pour ne transmettre sa forme personnelle qu'à sa famille.

Yang Luchan eu trois fils et le cadet, Yang Jianhou (1837-1917) qui eut comme disciple Li Fangchen, appris la forme ancienne de la boxe qui resta vivante mais cachée.

De son côté, le troisième fils de Yang Jianhou, Yang Cheng Fu (1883-1917), popularisa un exercice de santé basé sur les mouvements de l'art familial.

Ce qui les différencie est assez simple :

Dans la forme moderne, on apprend une chorégraphie d'inspiration martiale qui ne repose plus sur des nei gong, mais sur le geste lui-même.

Dans la forme ancienne, comme dans toutes les boxes de l'école interne, nombre de li gong (travail de la force), de nei gong (travail de la force interne) et d'exercices de combat se pratiquaient avant même d'apercevoir la forme.

L'aspect santé de la forme vient essentiellement de la pratique des nei gong et il faut savoir que l'aspect martial n'est pas contenu dedans.

Il y a trois niveaux d'étude dans le Taijiquan de la famille Li :

  •     Apprentissage des mouvements relatifs aux 13 postures,
  •     Pratique des exercices liés et des formes rapides,
  •     Maîtrise de la "longue boxe".

Il y a quatre principes de combat et quatre techniques de soutient :

  •     Peng : occuper l'espace,
  •     Lu : tirer,
  •     Jie : écraser,
  •     An : pousser.

Et les forces de :

  •     Coude : utilisation du coude pour le combat,
  •     Bousculer : "marcher à travers l'adversaire",
  •     Attraper : saisir et tordre,
  •     Séparer : déstabiliser et casser,

Ces huit concepts de combat se déroulent dans les cinq directions (13 postures).

Chaque principe, tel que Peng, possède une bonne douzaine de nei gong, li gong et exercices à deux pour être saisi et utilisable.

Après avoir compris et pratiqué les exercices de base pendant quelques semaines (…), on passe normalement aux exercices liés et aux formes rapides.

Il existe 16 exercices liés qui se composent des principes de combat et qui cherchent à développer la force d'impact dans différents angles. :

  •     Repousser
  •     Porter
  •     Lever
  •     Froisser
  •     Sceller
  •     Coller
  •     Percer
  •     Vriller
  •     Défoncer
  •     Enrouler
  •     Intercepter
  •     Griffer
  •     Briser
  •     Diriger
  •     Entraver
  •     Secouer

Les 12 formes rapides sont des petites formes de trois à cinq mouvements qui testent la force et la pénétration des concepts de combat dans la rapidité et le mouvement :

  •     Frappes rapides
  •     Coudes enchaînés
  •     Poussées fortes
  •     Projections rapides
  •     Griffer et froisser
  •     Paumes changeantes
  •     Aller dans le sens
  •     Aller contre le sens
  •     Destructions
  •     Contrôler et casser
  •     Conduire et percer
  •     Provoquer et coller

Ensuite, et seulement parce qu'on a acquis la connaissance de tout ce qui précède, on passe à l'acquisition d'une forme qui tient lieu de résumé de tout ce qui fut appris : la longue boxe.

Les mouvements enseignés dans cette forme sont une façon de travailler tout le style, s'il est connu évidemment :

  •     La façon de bouger comme dans les li gong,
  •     L'intention des nei gong,
  •     La lenteur des exercices de structure,
  •     La vitesse des exercices de fa jin,
  •     Les lignes de boxe des enchaînements de combat,
  •     Les groupes liés des petites formes rapides.

Il existe trois formes distinctes dans le Taijiquan de la famille Li :

  •     La "boxe longue",
  •     La "boxe spirale",
  •     Le "poing canon".

La boxe longue est une forme qui se pratique très lentement dans la phase d'apprentissage, mais qui doit se travailler à toutes les vitesses quand on a acquis les bases. Les accélérations et les changements de rythme développeront les qualités de déplacements pour le combat.

La boxe spirale est la particularité "cachée" de la boxe taiji de la famille Yang. C'est une forme qui développe les qualités martiales et "l'enroulement du chi" en vue de développer un corps puissant et en bonne santé. C'est la forme qui enseigne les fa jin de l'école.

Le poing canon est la forme de combat du style, une forme qui combine les forces internes et les déplacements pour une utilisation applicable. C'est avec cette forme que l'on applique les fa jin dans des applications de combat.

Il y a trois stades d'évolution au sein de l'apprentissage et de la pratique de la longue forme :

  •     Les bases : former la structure,
  •     Apprentissage : apprendre les formes,
  •     La pratique : acquérir la liberté.

Dans les bases, il est important de faire attention à 5 points :

  •     Détendre le corps et calmer l'esprit,
  •     Garder le corps droit,
  •     Faire attention à chaque détail technique,
  •     Garder le corps léger, agile et équilibré,
  •     Être détendu, naturel et souple.

Dans l'apprentissage, il y a trois points :

  •     Coordonner les mouvements à travers tout le corps,
  •     Bouger avec grâce, douceur et naturellement,
  •     Déplacer chaque parcelle du corps au cours de chaque mouvement.

Dans la phase de pratique nous distinguons trois points :

  •     Diriger le corps par une sensation consciente,
  •     Faire une distinction claire entre le vide et le plein (placement conscient du corps),
  •     Nourrir le corps par le chi et combiner la force interne et externe,
  •     Laisser aller le corps dans un mouvement uni dans le Shen (esprit).

Il y a dans notre école dix points importants pour la pratique du Taijiquan de la famille Li :

  •     Tenir la tête droite, être calme et naturel,
  •     Garder les épaules et les coudes vers le bas,
  •     Étirer les bras et vider la force des aisselles,
  •     Relâcher les doigts et libérer les poignets,
  •     Détendre la poitrine et occuper l'espace avec son dos,
  •     Décrisper la taille et redresser la colonne vertébrale,
  •     Lâcher les hanches et les fessiers,
  •     Maintenir la sensation du périnée et du centre,
  •     Garder les genoux fléchis et les hanches lâches,
  •     Conserver les genoux souples et les pieds enracinés dans le sol.

La Taijiquan est une boxe complète qui ne demande aucun ajout, c'est un style de la famille des arts internes, à ne pas confondre avec arts "mous"…

mercredi 7 octobre 2009

Je Pense, mais je Pratique


Il est paradoxal de voir toute l’information dont on a besoin pour accomplir une pratique sérieuse, le nombre important de textes taoïstes sur l’accumulation de connaissance.


En effet, celui qui étudie une Voie qui incite à vivre pleinement sa condition humaine, gère souvent difficilement la masse de savoir qui s'amoncelle au fil de son apprentissage.


En même temps, l’obstacle principal dans son évolution est souvent une sorte d’ignorance.


Ça doit être cela le paradoxe taoïste...


En fait, dans ma tradition, on parle de deux sortes de connaissances intellectuelles : celle qui fait évoluer la Voie par la compréhension de détails pratiques et celle qui s’étale comme la confiture, qui encombre l’esprit et gonfle l’ego (et parfois les autres...).


Mais nous allons voir ici, qu’il est possible de détailler un peu plus.


En fait il y a deux classifications de savoir, deux niveaux de connaissance :

  • Le savoir horizontal et vertical,

ou

- La connaissance intellectuelle et pratique.


Aujourd’hui, avec internet et les médias, la mondialisation et "Harper’s bazaar", les conseils de sa grand-mère et les discussions de comptoir, tout le monde sait tout sur tout.


Cette connaissance, c’est le savoir horizontal.


C’est associer les trois bêtises qu’on a entendu à la télévision, à une connaissance théorique, applicable dans la vie. Cette connaissance peut parfois aider au Trivial Pursuit, mais rarement pour faire évoluer son corps ou son esprit.


Le problème principal de ce genre de savoir, c’est qu’il plonge à un niveau d’ignorance plus subtil, qui donne l’impression de comprendre, mais qui n’est en fait qu’un "savoir rien sur tout".


La connaissance verticale est un savoir utile, sur un sujet connu, qui permet de faire vivre et d’appliquer l’intellect dans le réel. C’est un travail alchimique qui rend yin le yang, qui matérialise le non manifesté.


Cette connaissance est utile pour faire évoluer sa vision du monde par sa pratique, mieux comprendre ce qui est "l'action", une liaison forte entre son corps et son esprit.


Par l’accumulation de détails, dans un sujet approfondi, le savoir vertical permet d’aller vers une connaissance universelle.


En effet, si on pousse loin la connaissance verticale, dans des sujets différents, on tombe avec étonnement sur de grands concepts communs.


L’accumulation horizontale de faits, de concepts morts et d'anecdotes croustillantes ne conduit qu’à un besoin de "plus".


La collection de petites connaissances ne permet ni recherche, ni application pratique ; elle ne fait pas évoluer et se révèle être une façon distinguée de perdre son temps.


En revanche, il est bon de savoir se distraire avec des connaissances sans "importance", de discuter légèrement et de savoir détendre son esprit avec des occupations triviales.


La connaissance qui est montrée du doigt dans le Daodejing, c’est cette connaissance intellectuelle sans importance, cette habileté à se remémorer, qui est prise à tort pour un phénomène important.


La connaissance qui peut améliorer la compréhension de soi et de son esprit, l’utilisation juste de son corps ou la recherche de ses sujets favoris, pour une évolution, c’est en fait une partie de la Voie.


La voie de l’esprit c’est la méditation, le shengong, mais c’est aussi la gymnastique du savoir, la culture de sa connaissance, une connaissance verticale vous l’aurez compris.


Il n’y a rien de plus précieux que l’information qui peut nous transformer : les objets s’usent, se perdent ou s’oublient ; les biens changent durant la vie sans jouer sur son être profond... la connaissance verticale ne peut s’égarer.


L’information va se digérer, devenir nôtre et nous permettre d’évoluer vers une version plus affinée de nous-mêmes... comme une distillation vers un soi intact, originel.


C’est le procédé alchimique.


"Information is power"