vendredi 25 janvier 2013

Énergie Unique, myriade de perceptions

 Dans notre tradition, nous acceptons cette idée d'unicité et de globalité, ce tout d'où nous venons et vers où nous allons. Pourtant, nous parlons rapidement de bonne et de mauvaise énergie, de beaucoup ou peu d'énergie, de positionnements justes et d'autres pas ; paradoxal, non ? Si cette énergie unique est présente partout, si elle est globale, tout cela n'a pas de sens.

Il n'y pas de bonne ou de mauvaise énergie, il n'y a que des perceptions teintées de pensées et imprégnées de résonances avec le monde. Quand nous "sentons" quelque chose, deux choses peuvent se produire :
- nous ne "sentons" rien du tout, mais notre mental fabrique des pensées qui peuvent être interprétées comme des sensations,
- nous avons une vraie sensation et là encore deux possibilités s'offrent à nous.

Soit nous sentons vraiment et il n'y a rien que de la sensation, pas de pensées. Dans cette présence, il n'y a pas de verbalisation, pas de jugement et pas de commentaire… rare, hein ? Soit nous sentons et notre mental "colore" plus ou moins notre perception. Dans cette coloration, deux sources possibles : le monde ou nous, interne ou externe.

Pour la partie interne, qui dépend directement de nous : on suit notre état physique et psychique du moment, l'humeur et la détente, nous jugeons "un peu", ou beaucoup plus, ce que nous venons de percevoir. Pour la partie externe, qui est tout "ce qui n'est pas nous" : elle va dépendre du climat, des gens autour de nous (de leur état interne), de si nous sommes seul ou à plusieurs…

L'énergie reste l'énergie, elle ne change ni perd de sa qualité. En revanche, certaines perceptions vont avoir une résonance entre nous et ce que nous percevons. Cette résonance peut être similaire ou différente de notre propre fonctionnement. Cette différence peut nous plaire ou nous déplaire. Encore une fois, dans ce que nous croyons percevoir de l'énergie, il n'y a ni bien, ni mal. Il n'existe qu'une interprétation plus ou moins positive de notre mental envers ce qui est perçu.

Dans la conscience de ce phénomène, il est donc possible de ne pas juger, de juger ou d'être intolérant. Ce qui trompe, c'est de penser que c'est ainsi et que nous percevons cette vérité ; aucune qualité n'existe, nous lui donnons ce "goût".

Il y a dans chaque chose, dans chaque lieu et dans chaque personne une quantité infinie d'énergie. Cette énergie peut être sous forme de potentiel, de présence ou brute. Selon la résonance que nous avons avec certaines choses, lieux ou personnes, nous pouvons y puiser cette énergie ou non.

Avec l'expérience du travail énergétique, quand celui-ci n'est pas basé sur des illusions ou des sentiments, nous apprenons à échanger avec le monde, sans limites.

Dans cette frénésie de jugement qui définit l'être humain, nous aimons décider de la quantité de l'énergie présente. Par une méconnaissance profonde des échanges énergétiques, nous avons tendance à nous limiter à nos projections et nos espoirs. Ce que nous jugeons grand ou beau est source de quantité d'énergie, ce que nous jugeons petit ou laid ne possède pas, pour notre jugement, une grande quantité d'énergie.  Il y a pourtant, dans tout atome, une quantité illimitée d'énergie en liaison directe avec notre propre vibration.

Dans l'observation de notre propre fonctionnement, dans l'étude des mécanismes de notre être, nous allons finir par constater qu'il existe quelque chose qui n'est pas nous : le monde autour de nous. N'étant pas directement sous l'emprise de notre mental, car séparé physiquement de notre personne, il échappe au contrôle de notre ego. Pour ne pas perdre ses limites et son contrôle, l'ego va chercher à juger, quantifier et qualifier pour contrôler et dominer. Par notre jugement, nous mettons mains basses sur le monde.

Si nous ne jugeons pas le monde, notre esprit va prendre conscience que quelque chose, cet univers devant nos sens, peut exister et fonctionner sans être sous le contrôle de l'ego, sous le joug des pensées compulsives. Si nous acceptons cela, dans la théorie globale et énergétique du Tao, cela suppose que nous pouvons donc aussi exister sans ce despote. Voilà qui est inacceptable et qui va résulter en un contrôle maximum de tout ce que nous percevons pour survivre.

Dans la détente de la pratique nous ne pouvons juger, dans la perception pure du monde il n'est pas possible de penser.

Nous avons là plusieurs pistes très importantes pour notre évolution spirituelle. Comme notre pratique peut s'aborder sous tous les angles, par tous les chemins, nous pouvons nous détendre pour arrêter ce jugement de l'énergie, mais aussi rester dans la sensation de l'énergie pour se limiter dans les jugements.

Par cette connaissance intime avec les échanges énergétiques, nous allons constater l'unicité de celle-ci. Dans ce goût unique, le jugement va doucement faire silence. Par la répétition de techniques de pacification du mental, le jugement va s'éteindre pour laisser place à la sensation globale de l'énergie.

Il est difficile de croire en ces théories sans expérience de l'énergie par une pratique précise et quotidienne. Ces perceptions vraies demandent du temps pour être touchées, et avant tout, une certaine détente du corps et de l'esprit. Dans notre quotidien, peu de gens désirent donner une priorité à la pratique. Comme pour faire bouillir de l'eau, plus le feu est fort, plus l'eau bout rapidement. Il faut donc un feu continuel, même faible, et l'eau arrivera à ébullition.

Tout le monde peut y arriver, mais il faut laisser le temps au temps…

mardi 15 janvier 2013

La naissance des arts internes

Il est difficile d'être sérieux, tout cela est bien vieux, mais on sait que la Chine fabriquait des sabres et autres armes de guerre aux 5ème et 6ème siècles avant JC. Les premières traces de transcription d'entraînement pour la guerre datent du 3ème siècle de notre ère... Autant rester dans la légende... je vais vous faire partager celle qui m'a été contée.

A l'époque où les gens se tuaient à coups de sabres et de haches et avant que les arts à mains nues ne soient structurés, certains guerriers survécurent aux massacres. Forts de leur expérience, et désirant faire partie de ceux qui n'y "passent pas", ils combinèrent toutes les techniques qui leurs avaient permis de garder la vie sauve.

Ces guerriers aguerris se retrouvaient parfois entre amis. Ils firent une compilation des façons de tuer son prochain le plus efficacement possible mais sans perdre la vie soi-même. Dans l'entre grandes batailles, certains s'entraînaient même. C'est alors que les techniques de combat sont nées.

A partir du moment où les guerres devinrent plus rares, donc plus espacées, certains "militaires" se préparaient pour la prochaine "boucherie", les autres se retiraient. Ces derniers, expérimentés dans le caractère destructeur des êtres humains, passèrent leur savoir aux gens autour d'eux : "si on te fait ça, tu fais ça...".

Peu nombreux sont les guerriers qui se sont tournés vers la culture du spirituel, et s'il ne le firent pas, ils se contentaient de côtoyer des contemplatifs. Dans les cercles les plus éloignés de la guerre, dans les groupes spirituels, certaines techniques de combat circulèrent. Les conceptions de l'énergie rencontrent celles du "cassage de gueule" et c'est ainsi qu'un art interne commença à se développer... quelle émotion !!!

De plus, les anciens guerriers qui se retiraient momentanément des conflits, adoucissant nettement leur quotidien, étaient plutôt en bonne santé. Ils savaient entretenir une bonne forme corporelle qui leur permettrait ensuite d'utiliser les armes de destruction artisanales sur la durée d'une bataille. Et à l'époque, les batailles étaient longues, il fallait avoir fait son "cardio training" si on ne voulait pas y passer !

Et puis, ceux qui ne combattaient pas, ou ceux qui ne combattaient plus, utilisèrent leur temps libre pour mettre en place un système d'apprentissage des "trucs de combat". C'est par digressions intellectuelles que l'on peut créer des arts "de concepts de combat", des arts martiaux : on s'appuie sur une expérience, et on présume que "si un mouvement marche à droite, ben ça doit marcher à gauche aussi...".

On compte donc trois courants distincts : celui qui reste directement basé sur une expérience du combat, celui qui est une construction intellectuelle basée sur du réel et les "trucs" qui sont basés sur une expérience du combat d'une génération précédente. Soient : les arts de combat, les arts martiaux et les systèmes d'auto défense : c'est une simplification, bien sûr, une légende de mon enfance que je conserve par goût. Je serais heureux de lire d'autres légendes ou études historiques de ceux qui veulent les partager.

Dans les légendes de ma lignée, on parle de maîtres qui venaient directement des champs de batailles, et qui se retirèrent pour passer à l'alchimie interne, partageant ensuite leur savoir avec leurs collègues...

Mon style de combat est issu de l'escrime à l'épée, ma tradition utilise une épée, même dans les rituels "spirituels", et les principes de combat sont l'extension de cette façon de faire. Les arts de combat à mains nues, qui se développèrent bien plus tard, sont souvent des concepts de lutte, au corps à corps, la "boxe" permettant de rentrer en contact. Tous les styles les plus anciens de "castagne" sont de la lutte. Les théories sur la distance, les angles, le "glisser" et la "force pénétrante", existent depuis toujours dans les arts d'escrime, peu dans les styles de lutte. Encore une fois, Je parle ici de "légende", pas d'Histoire. La rencontre entre ces bretteurs à la lame "pratique" et expérimentée, et ces mystiques versés dans l'énergétique, donne la légendaire création de ma lignée taoïste. Dans mon système taoïste, et à l'inverse de beaucoup de styles récents, la pratique des armes précède, ou au moins accompagne, l'apprentissage du combat à mains nues. Je laisse ici de côté l'aspect énergético spirituel pour me concentrer sur "la naissance des arts internes", comme le spécifiait le titre.

Dans les styles chinois classiques, sont apparus des mots clés, des concepts, qui furent une façon de garder par la tradition orale, les bases d'un système. Pour l'épée, certains mots clés comme "soulever", "couper" ou "percer", donnaient une vision précise de ce qu'il fallait faire. Certains styles à mains nues emploient également ces mots clés, sans l'idée de l'arme. Toutes les références à ces mots clés sont limpides si on se réfère à un combat armé, mais se comprennent moins bien dès lors que l'on se réfère à un combat à mains nues...

Peut on en conclure que les armes arrivèrent avant les poings ? Je ne sais pas, mais j'aime bien les histoires...



Depuis la nuit des temps, les hommes ont eu tendance à se battre, ils avaient sûrement de bonnes raisons... La première réaction possible en cas de combat, c'est ce fameux choix entre "j'y vais, ou je me sauve? ", également appelé le "fight or flight syndrome" par nos amis anglos saxons. Chez nous, pauvres petites choses fragiles que nous sommes, un troisième choix existe : celui de la paralysie totale, terrible signe que le corps n'arrive pas à utiliser cette décharge d'adrénaline provoquée par la peur, et pourtant si utile pour le combat. Mais là je m'éloigne.

Dans le cas, à mon sens idiot, du "j'y vais !" ; la lutte et le corps à corps, furent toujours le premier choix stratégique. Un peu pour justifier cette décision "d'y aller". Les premières traces d'art de combat sans armes sont donc liées à la lutte. Allez, un peu d'Histoire ! Historiquement, toutes les premières histoires de combat à mains nues en Chine sont nées durant la dynastie des Qin ou (Chin) (221 - 206). Cette à cette belle époque guerrière que la Grande Muraille fut construite et que les armées chinoises furent très entraînées, entre autres à la lutte.

En 1127, Genghis Khan conquis la Chine avec des armées entraînées à la lutte. L'idée majeure était de faire tomber l'adversaire pour ensuite le "finir" avec une arme. L'art s'appelle alors le Bokh. Durant la dynastie de Yuan (1279 - 1368), les hordes de mongols apportèrent à la Chine trois évolutions dans la société : l'arc, le cheval et la lutte. Les chinois connaissaient déjà, mais l'influence devient totale. Je rajouterais que ces guerriers de Mongolie aidèrent de bon cœur les chinois à lutter contre la surpopulation... Au douzième siècle, Yueh fei, créa le Xingyi, un style interne basé sur le combat à la lance. Quand les monarchies chinoises instituent les Ming, après 1368, la lutte chinoise est une évolution "de l'empire du milieu" de la lutte mongole. Durant les Quing (1644 - 1912), on trouve des traités qui parlent de "boxe" :
    - Le Wang Zhengnan muzhiming, de Huang Zongxi,
    - Le Taiji quan pu, ou Recueil du Taiji quan, de Wang Zongyue,
    - Le Neijia quanta, ou Méthode de boxe de l'école interne, de Huang Baijia,
    - Le Changshi wuji, ou Livre des techniques martiales de la famille Chang, de Chang Naizhou,
    - Les traités de la boxe Taiji de Wu Heqing (Yuxiang), Wu Chengqing, Wu Ruqing et Li Yiyu.

Dans les autres parties du monde, les arts de "cogne" sont à l'origine des arts de lutte. Les épées étaient déjà en cuivre, bronze, et parfois même en or et en jade durant la dynastie des Shang (1600 _ 1100), avant JC. La légende veut que Ou Ye Zi, un maître forgeron de l'époque, fit deux épées de grande renommée : Ju Jue et Zhan Lu. Leurs lames étaient si fines qu'une fois trempées dans l'eau, elles en ressortaient sèches. Sous les Han (206 Bc - 220 AD), on raconte des histoire d'escrime et de fabrication d'épée dans un manuel de métallurgie "Huai Nan Wan Hua Shu", "les 1000 créations de Huai Nan". A cette même période, des adeptes d'escrime "chahutent" sans leurs épées, ils font "des joutes d'adresse avec les mains", sans lutter, ils respectent les concepts de leur école d'escrime, sans arme.

Les contes, qui parlent des premiers ermites taoïstes qui se baladaient avec leur épée, n'oublient pas de préciser avec détails les combat. Restant fidèles à leur art de l'escrime, les adeptes du Tao distribuaient aussi des "baffes pédagogiques" aux vilains, sans pour autant les pourfendre... haaa, on se rapproche... Finalement, on voit bien que les armes précèdent le combat à mains nues et que-celui ci ne devient de la "boxe" que bien plus tard... en tout cas dans mes légendes.


mercredi 9 janvier 2013

Les étapes de la progression

Dans les traditions des arts de combat que j'ai rencontrées, on retrouve toujours des formes d'exercices qui se répètent.

Au début, il est nécessaire de ne pas bouger trop, positions et travail statiques, accumulation d'énergie.

Les techniques de base de chi kung et de combat se découvrent sans mouvement, puis on ajoute un déplacement simple.

Les déplacements sont très importants à ce moment, ils sont la clé du combat... les exercices de coordination et de proprioception sont à ce niveau également.

On commence ensuite à régler le souffle, à utiliser le chi kung, dans les mouvements et de techniques, le tout plus dynamique.

Quand le souffle et le corps fonctionnent ensemble et que les bases sont fluides, on peut passer par une étape de frappes sur cibles plus ou moins molles (ou dures).

Les petits enchaînements se découvrent, pour parfaire la "forme" du corps, les exercices à deux, les techniques "en action", on pourra apprendre une forme fixée, une "danse" mémento de ce que l'on a appris.

Les spécialités du style arrive maintenant : points vitaux, fa jing, "trucs"... le dessert, quoi !

On arrive à la recherche de la liberté ; tout ce qui fut structuré doit éclater, disparaître, se fondre dans une pratique libre et complète, dans "son" art de combat.... mais "rien ne se perd, tout se transforme"...

Il est triste de constater que l'épisode de liberté est souvent occulté par les enseignants ignorants, mais honnêtes. Il est important de passer de ce qui s'apprend à ce qui se sait... digérer l'enseignement... quand la pratique est juste, quand elle respecte les formes
d'apprentissages, il faut en tester les limites pour trouver "sa" voie.

On pratique ce qu'on nous enseigne jusqu'à la perfection (idéalement) pour ensuite garder le ressenti et les fruits de la pratique, mais on en jette l'écorce morte de la forme ; pourquoi continuer à réciter l'alphabet si on a les mots, pourquoi garder la nasse quand on a
 le poisson... (pour prendre un autre poisson plus tard ???)... etc.

Petit à petit, les formes évoluent vers un mixage de formes et de mouvements libres, l'ensemble allant naturellement vers la liberté... si on est détendu...

Dans l'externe, il y a une recherche de la performance physique, il y a une recherche du "plus vite, plus fort" qui n'existe pas dans l'interne... normalement... dans les pratiques internes, il existe une loi connue qui dit que tout se fait à 70%, on se garde une marge d
e confort... on ne pousse pas trop loin puisqu'on pousse longtemps...

Encore une fois, le ressenti et les lignes de force, la précision et la patience sont différents de la boxe ou des autres sports de combat, on ne doit rien marquer ou gagner... il faut survivre coûte que coûte...

Dans les arts de combat on n'a jamais l'idée que l'arbitre va intervenir, si on décide de se battre, il faut un peu accepter la mort...

La pratique de l'interne se fait par la structure externe, mais dans une sensation plus qu'une "musculation" ou une "décontraction"... quand la structure est juste, on fait de l'interne... chaque geste qui respecte la structure est un mouvement interne.

Frapper comme un idiot dans un sac de toutes ses forces est externe, taper comme un idiot de toutes ses forces, en gardant la structure, peut être interne.

A mon avis, ce que l'on voit le plus dans les arts internes, et qui est triste, c'est cet emprisonnement dans les formes qui empêchent la liberté.

Apprendre et respecter son maître et son style n'est que justice mais pourquoi en rester là ?

Pourquoi rendre mort et morne ce qui doit être inventif et vivant ?

Comment peut on croire que son entraînement peut être le même deux jours de sa vie... ?

Il faut apprendre à marcher sur une surface plane et dans un espace clos au début, mais il n'y a pas de limite aux endroits où on peut se balader... si ce n'est les limites que l'on s'impose !

Il faut comprendre et appliquer la structure du style, en maîtriser les principes, et jeter tout ça à la poubelle pour faire ce que l'on veut, libre... mais conscient et confiant dans ses bases acquises et maîtrisées.

Les exercices pratiqués dans le cadre de l'enseignement vont donner la forme de corps du style, les exercices à deux et le dao yin fa, chi kung, vont faire ça aussi.

C'est seulement après cet apprentissage que l'étude des formes était commencée, comme "rappel" de tout ce qu'on connaît... pas comme un but en soi.

Il est évident qu'il est rare d'avoir accès à ces exercices qui "trans-forment" le corps, ils ne sont pas la forme mais donnent la forme du corps.

Je ne crois pas qu'il soit possible de sortir de la forme, d'arriver à la liberté directement, sans la pratique des formes, tout comme il est difficile de détendre un muscle sans passer par un instant de tension.

Mais quand on commence les formes chorégraphiées, on est normalement à un stade élevé/avancé dans la pratique, pas au début.

Voila un exemple des paradoxes de la pratique interne.

Le Yiquan est un exemple de ce paradoxe : parlant toujours de liberté et de sans forme, on trouve chez ses pratiquants nombre "d'obsédés de la forme", qui ne peuvent admettre la liberté... "c'est comme ça, la jambe comme ça, les coudes...", qui disent, "pour émettre la f
orce, pas autrement"... foutaises !

Ceci dit, le Da Cheng Chuan est un art qui donne une belle façon de se libérer de la forme tout en gardant la structure... il faut juste se détendre...

La forme est importante, la forme chorégraphiée est utile, les longues formes qui ne sont pas "habitées" ne servent à rien pour le développement de l'interne.

La forme habitée est une forme qui est un condensé de tout ce qu'on connaît, chaque geste est une référence à une tonne de pratiques libérées du mental.

Encore une fois, c'est seulement ce que je pense, ce qui m'a été enseigné et ce que j'ai pu constater... rien de plus.

Les formes, les formes de corps, sont la manière de se tenir, de frapper, de bouger... les formes qui sont aussi obsessionnelles qu'inutiles sur la durée ; on doit apprendre ces formes pour savoir utiliser son art mais les oublier quand on les a maîtrisées.

Les formes chorégraphiées, les tao lu, katas, sont des mémentos de tout ce qu'on a appris dans son art, elles sont inutiles pour le combat mais jolies. Elles servent a se détendre dans le mouvement et à donner "un style" dans le geste.

Les formes de corps sont un peu une obsession chez les gens du Yiquan, c'est louable, mais il faut en sortir comme des formes chorégraphiées...

Cette liberté n'est pas une progression, c'est un résultat d'étapes qui évoluent vers une libération subite... on progresse jusqu'à ce qu'on y soit... ce n'est pas une amélioration, c'est un changement.

Les étapes pour évoluer dans l'art interne, selon mon école, sont du domaine de la pratique, plus de la discussion... désolé ! Les tao lu, katas sont inutiles pour le combat... les styles n'ont eut des katas qu'à partir de la fin du 17ème siècle, et ils se cognaient bien
 avant... sans katas, mais avec des méthodes d'entraînement !

En revanche, ça rassure !

Pis c'est joli !

Les drills, pour ma part, sont des exercices qui commencent mais qui n'ont pas de fin.

Ils sont en boucle, ils développent une façon de ne plus penser tout en esquivant et attaquant, de parer, de "toucher" les points sensibles du corps, dans une confusion de frappes et de vitesse...

Ce n'est pas la même chose que les kihons du karaté, qui sont des "formes", il n'y a pas de liberté d'action, les "drills" se cumulent et se fondent pour devenir une pratique libre qui n'est pas encore du combat, mais qui développent les qualités pour rester efficace "en
 mouvement".

Le fait de ne pas s'arrêter, de rentrer dans une furie de geste dangereux qui s'accélèrent, de "faire sans penser", développe d'autres choses que les formes.

Voilà.

jeudi 3 janvier 2013

Il ne faut pas confondre

L'idée que nous allons développer ici est à décliner pour tous les aspects des arts taoïstes que nous pratiquons, c'est à dire :

    - Médecine chinoise,
    - Arts de combat,
    - Méditation,
    - Chi kung

Cette idée simple est l'Essence même de notre école. Bien des styles qui se disent taoïstes n'ont pas ce concept, ou alors, il a été oublié il y a bien longtemps. C'est assez simple à énoncer et pourtant cela peut tout changer dans sa pratique quotidienne, c'est la différence entre une discipline vivante et une discipline morte.

"Il ne faut pas confondre l'Essence de la pratique et les exercices qui développent les qualités de cette pratique".

Il est très difficile de comprendre cette idée sans passer par des exemples, nous allons donc en développer.

Dans l'apprentissage de la médecine chinoise, l'étudiant va apprendre les théories, les exemples et quelques cas cliniques. Il aura aussi sûrement la chance de travailler avec un acupuncteur confirmé, ce qui lui permettra d'étudier les théories en application. Il deviendra un bon praticien uniquement si en comprenant ce qu'il a appris, il est capable d'appliquer les théories propres à chaque cas, sinon il restera à un niveau débutant (peut être toute sa vie). S'adapter au cas du patient a l'air évident pourtant, encore aujourd'hui, il existe des acupuncteurs qui appliquent des recettes sans spécifications particulières suivant le patient.

L'étudiant apprend l'alphabet avec les théories, les mots avec les recettes et quelques phrases simples avec les cas cliniques étudiés. Quant à savoir écrire des textes entiers, voire de la poésie, c'est tout autre chose !
La pratique de la médecine chinoise s'appuie sur les exercices appris, mais elle n'est pas seulement ça. Il y a donc une différence entre les deux. L'acte de soigner ne doit pas uniquement être une application sans analyse des méthodes de soins, mais un art à part entière, qui s'adapte à la "personne unique" que l'on a devant soi : le patient.

Par expérience, on verra qu'aucune recette ne fonctionne à 100%. En fait, les techniques de soin n'ont été qu'une étape nécessaire à l'apprentissage, pas un moule rigide que l'on utilise pour tous les types de gâteaux. Pour traiter un patient, on doit faire appel à ses connaissances pour trouver comment soigner en essayant de ne pas s'enfermer dans des cas étudiés qui ne sont pas toujours adaptés. C'est déjà une recherche de créativité dans les limites de sa science. Il ne faut pas inventer, mais il ne faut pas copier.
Au bout du compte, la pratique est assez éloignée de ce que l'on a appris et se modifie selon le contexte dans lequel on se trouve : on ne soignera pas en Chine comme en Occident.

Pour les arts de combat, c'est encore plus évident ; les méthodes d'entraînement développent les attributs nécessaires au combat, les formes donnent une idée sur la manière de se mouvoir et d'exprimer la force, les techniques à deux appliquent les concepts de combat avec un partenaire mais rien de tout cela n'est réellement le combat. On peut également apprendre à utiliser des armes issues de différents styles pour renforcer sa pratique et pour diriger l'intention plus loin que son propre corps. Pour combattre, on se servira de tout cela, mais de façon libre et changeante suivant les situations.

Si pour le combat on cherche à suivre une forme précise ou une technique particulière, c'est une défaite assurée. On ne peut intellectualiser que durant l'entraînement, pendant le combat c'est tout à fait autre chose, on se retrouve limité à réagir tout bonnement. La réaction devient alors le fruit de tout l'entraînement mais sans être similaire à celui-ci ; de la même manière que le fruit n'a rien à voir extérieurement avec l'arbre dont il est issu. Dans chaque frappe échangée durant une confrontation physique, tous les exercices effectués permettront d'être plus précis dans le chaos de la bataille. Toutes les formes et les exercices d'enracinement vont aider à être plus fort, mais le combat réel reste quelque chose à part qui semble étranger à sa pratique quotidienne.

On peut voir le rapport entre l'entraînement et la réalité du combat, chercher à rendre les deux les plus similaires possibles, mais il ne faut pas les confondre. En revanche, on peut développer des techniques en rapport avec ses faiblesses en combat.

Dans nombre de pratiques de combat, il existe encore ce phantasme de l'application des techniques apprises… c'est souvent dangereux. La spontanéité du combat, le chaos de ces moment sans limite, demandent un entraînement qui corresponde à cet état. Une forme de pratique trop stricte, sans ouverture ni connexion à son instinct, qui cherche à enfermer le pratiquant, ne peut réussir. Tout style efficace doit chercher à développer la libération et la créativité. Plus la confusion existe entre l'entraînement aux arts de combat et la réalité du combat, plus le pratiquant sera loin de la réalité.

En ce qui concerne le chi kung c'est évidemment la même chose.

Les visualisations et les images utilisées au début de l'entraînement sont faites pour créer une énergie avec laquelle on veut travailler. Mais après un certain temps, il faut directement chercher l'énergie sans passer par la visualisation. Dans les pratiques de notre école, nous n'avons aucune visualisation. Dès le début, nous restons sur des expériences kinesthésiques, en mouvement. La recherche de l'expérience de l'énergie se fait par les sens, pas par l'intellect. De cette façon, on goûte à la sensation d'énergie et on se construit sa propre vérité. Les mots sont absents de cette relation et le guide, ou professeur, ne donne que d'autres façons de goûter sans en décrire l'arôme. Ainsi, confiant de ses expériences personnelles, et guidé par celui qui à vécu cela avant, l'élève comprend par l'action.
Mais la confusion des pratiques d'expérimentation et du chi kung lui-même est source de problèmes : la connaissance de l'énergie et sa mise en action spontanée ne doit pas rester enfermée dans une pratique fixe. Les " chi kung " appris doivent être oubliés et le naturel doit faire loi. Le chi kung est cet échange de l'énergie entre l'extérieur et l'intérieur du corps, mais aussi la façon de " raffiner " son énergie propre. Les pratiques fixées donnent une route simple et directe pour " sentir ", mais elles ne sont que cela. Il ne faut pas s'en rendre prisonnier. Le chi kung est simple, il faut le laisser comme tel, encore une fois, il suffit de travailler l'acquis et de revivre l'inné. Grâce au chi kung on va chercher à produire de l'énergie, ce n'est pas pour la gâcher avec des créations mentales. Le chi kung devra aussi devenir une pratique sans forme, sinon il restera à un niveau faible.

Au travers de ces exemples on peut donc comprendre que les techniques doivent être bien choisies pour ne pas perdre de temps, et que sa pratique doit devenir personnelle pour être efficace.

La méditation devient une pratique simple et sans technique, comme le combat. Les techniques de méditation permettent de "dresser" son esprit, de le dompter en le connaissant mieux. Comme un jeune singe sauvage, l'esprit ne peut se "commander" ou être contrôlé. Il faut amener des suggestions et des compromis qui vont fusionner notre volonté et notre shen (esprit). Quand cette liberté d'action de l'esprit est là, il faut arrêter les techniques et juste méditer. La méditation n'est pas explicable, c'est une façon de toucher tout ce qui ne s'explique pas, tout ce qui ne s'enseigne pas mais se vivent.

Les techniques sont les portes pour entrer dans cette perception. Il serait dommage de rester à la porte si on peut y entrer... Apprenez les techniques et ensuite profitez de l'expérience, laissez tomber la porte.

Pour conclure, je dirais qu'il faut réfléchir à sa pratique pour ne pas exercer des dizaines de choses inutiles mais des méthodes d'entraînement claires, adaptées à son cas. Faire des choix simples pour orienter son travail vers ceux-ci, sans se disperser dans des occupations illusoires et sans fondements.

Et bien sur, ne pas confondre ces méthodes et la pratique elle-même !