samedi 25 juillet 2009

Retenir ce qui tombe dans l'Oubli


Bien souvent, dans notre Voie et dans la vie, nous oublions ce que nous voulons retenir et gardons en mémoire ce que nous voudrions oublier.


Comment fonctionne notre mémoire et comment apprendre plus facilement ?


Pour mieux apprendre, il faut en avoir l’habitude. C’est un apprentissage à part entière que celui d’assimiler dans le corps ou pour l’esprit.


Cette habitude rentrera dans ce que nous allons appeler « la mémoire opératoire ».


Même si la mémoire opératoire sera essentiellement au centre de l’apprentissage, tout ce que nous allons voir ici rentre en ligne de compte.


Voyons les ingrédients de la mémorisation :


  • La mémoire court terme,
  • La mémoire long terme (générale, sensorielle, anecdotique, opératoire),
  • Les émotions et le stress.


La mémoire à court terme


Quand nous apprenons un geste nouveau, une technique ou un concept, il reste quelque temps en suspens dans notre attention. Il peut s’ancrer en nous ou disparaître à jamais. Un bon exemple est un numéro de téléphone qu’on vous dicte, vous le conservez quelques secondes, le temps de composer le numéro, et ensuite il sort de votre mémoire.

Pour une action simple comme celle-ci, il n’y a pas beaucoup de complication possible, si ce n’est que parfois il nous faut répéter l’opération, notre mémoire à court terme étant déficiente.


Pour un nouvel exercice ou un nouveau concept, si mon esprit est occupé à commenter, à juger ou à supputer, cela peut avoir comme conséquence que l’information ne rentre pas du tout. De plus, si cette information n’est pas du goût de mon mental ni de mon ego, il est aussi probable qu’elle s’évapore rapidement. Il est ici utile de charger l’information importante d’un zeste d’humour, de stress ou d’émotion, rendant celle-ci plus « épaisse » et donc moins facile à oublier.


La mémoire à long terme


Elle est composée d’une connaissance générale de soi et du monde, des valeurs et des concepts appris. C’est la partie « générale ». Cette partie de la mémoire permet d'extrapoler sur le futur en puisant dans les images passées. Les parties de l’esprit qui s’occupent du passé et du futur sont exactement les mêmes.

Plus l’image de mon corps/esprit est précise, plus le nouveau se gère facilement. Le fait d’assimiler le nouveau se base sur la répétition de l’expérience d’apprendre : en connaissant mes réactions face à la découverte, mes façons de retenir et d’apprendre, je rends l’assimilation de connaissance facile.


La deuxième partie de la mémoire à long terme est une association sensorielle d’images absorbées. Plus la stimulation des sens est forte, plus je vais avoir une facilité à retenir. Ca peut être négatif dans le cas de stress important, mais c’est une façon de retenir les leçons de la vie.


Le ressenti sous toute ses formes, va donc aider à retenir le geste ou le concept. Une stimulation des sens qui distrait (en rappelant des mémoires déjà acquises), sera évidemment contre productive. Le son du vent dans les pins alors que j’apprends une nouvelle forme de taijiquan peut m'aider à graver plus fermement la situation... mais elle peut aussi me rappeler un séjour à la mer qui va me distraire et me faire oublier la leçon.


On fera donc très attention aux stimuli sensoriels pour ne pas se compliquer la tâche alors qu’on cherche à la simplifier. Les ressentis kinesthésiques pour les gestes et les visuels, pour le conceptuel restent sûrs et sans contre indication.


La troisième partie est la mémoire des anecdotes et des histoires ponctuelles. Si pendant qu'on apprend il se passe quelque chose de notable, on peut alors mieux le retenir. Le professeur peut raconter un blague pendant l’assimilation d’un concept ou plaisanter sur un sujet donné alors qu’on apprend un mouvement... voilà des exemples simples de techniques pour aider à retenir.


Nous arrivons maintenant à la partie la plus importante pour tout apprentissage pratique que l’on cherche à mémoriser : la mémoire à long terme opératoire. C’est l'acquisition d’une façon de faire, aussi bien un raisonnement, un geste complexe ou encore une éducation de la proprioception.


C’est surtout la capacité de faire une action complexe qui sous entend la maîtrise d’actions apprises, mais aussi les procédés intellectuels complexes qui s’appuient sur des connaissances acquises.


Par exemple : pendant une course à vélo, ma focalisation est sur les trajectoires et les autres participants, sur le but et la route, mais l’ensemble repose sur ma capacité à faire du vélo.


Il en va de même pour un combat de boxe. Le boxeur cherche les ouvertures, le rythme, esquive si besoin, le tout reposant sur ses techniques de frappes et de mouvement déjà maîtrisées.


Dans notre pratique, il ne sera pas possible de faire du neigong si mon attention est dans mes gestes ou ma posture, il n’est pas possible de cherche une force pénétrante si ma structure occupe mes pensées, il est impensable de cherchez à conseiller l’autre si mon comportement est encore emprunt de ma panoplie de personnages (masques).


Cette éducation opératoire va comporter trois parties :

  • La compréhension,
  • L'éducation,
  • L'assimilation.


Avant tout, il faut comprendre intellectuellement ce qui doit être fait. Si je ne comprends rien aux indications, je ne vais pas retenir quoi que ce soit.


Ensuite je dois éduquer mon corps/esprit pour faire entrer l’information et pouvoir le faire sans mimétisme : ayant compris et l’intégrant à mon vécu, je n’ai plus besoin de regarder l’exemple ou le mémento.


Maintenant, il faut que cette information se grave en moi et ne parte plus. Plus l’apprentissage prend en compte des connaissances primaires (équilibre, survie...) moins je risque de les oublier (car il existera aussi une stimulation des autres parties de la mémoire). Pour un geste ou un ensemble de mouvements, il me faut les répéter assez souvent et sur une durée assez longue.


C’est pour cela que l’apprentissage de la nage ou du vélo demande du temps, mais qu’il n’est jamais besoin de réapprendre, car ça reste ancré en nous à jamais.


Pour un exercice de qigong, il faut le répéter plusieurs fois par jour au moment de l’apprentissage (on dit au moins une fois avant de se coucher le premier jour et dix fois par jour le temps de le mémoriser), mais aussi sur une période de trois ans pour qu’il ne nous quitte plus jamais.


C’est seulement après cette étape qu’il est possible de parler de nei gong, avant, l’attention est sur le geste... c’est de la bonne gym (wai gong).


Avec cette compréhension du processus d’apprentissage, il est possible de mieux apprendre et de distinguer plus facilement les bons enseignants.

Comme nous l’avons vu dans la mémoire anecdotique, les émotions entrent en ligne de compte dans le processus de mémorisation.


Dans les styles anciens, liés aux styles de combat, un certain stress sera présent dans l’apprentissage pour aider les élèves à enregistrer les informations dans leur corps et leur esprit.


Pour mémoriser certaines informations importantes, une présentation chargée d’anecdotes et de surprises, d’humour et d’exemples, permet d’assimiler plus facilement.


Cette partie de l’enseignement dépend plus de l’enseignant que de l’élève... il faut donc bien choisir son sujet d’étude, mais aussi son professeur.


Voilà.


dimanche 19 juillet 2009

Punch !



Voyons les détails qui vont permettre de développer un impact maximum.

Nous parlons ici de la force «évidente», de la force brutale d’une frappe de poing arrière, linéaire arrière-avant.

Il est important de ne pas confondre la force d’impact avec la force physique.

Bien souvent, un grand puncheur est plutôt «costaud», mais ce n’est pas nécessaire.
Dans ma tradition, on recommande de travailler ses formes de corps, sa souplesse et sa coordination avant de chercher à travailler la force pure.

L’ensemble du travail de la structure va dans le sens de la force d’impact.

Avant tout, il faut comprendre la mécanique du geste avant de penser à frapper sur quelque chose.

Voyons les détails de bas en haut :

  • - Les pieds sont au posés et centrés au sol, le reste du corps dépendant de cette fondation.
  • - Le pied arrière va pousser le poids légèrement vers l’avant, démarrant le geste.
  • - Le genou avant se plie un peu, restant dans l’alignement des orteils.
  • - La poussée se répercute sur les hanches qui entraînent la taille, pour servir de base à l’union des épaules et du grand dorsal.
  • - La rotation du tronc va propulser l’épaule de frappe vers l’avant qui reste basse et liée par le grand dorsal.

L’ensemble du mouvement permet de laisser partir le bras vers l’avant incluant ces détails :

  • - Pas de tension dans le bras et l’avant bras,
  • - Aligner la zone de frappe, le poignet et la pointe de l’épaule,
  • - Laisser le coude en bas et l’épaule liée au grand dorsal,
  • - Regarder où on frappe.

A l’impact, le coude ne doit pas être plié, mais il ne doit pas être tendu... la distance de frappe est donc primordiale pour obtenir une frappe vraiment fulgurante.
Le poing doit être tenu, mais pas tendu. Si le poing est vraiment serré, il sera possible de faire des frappes de "bourrins", mais pas les frappes plus subtiles.

Le poing aura plus de puissance dans l’alignement de l’épaule opposée.

Une grande partie de la force d’impact peut être annihilée si on retient son souffle, si on coince son diaphragme. De plus, des frappes en rétention de souffle vont fatiguer beaucoup plus que des frappes avec le souffle lâché.

Il faut travailler dans le vide avec une recherche de sensation, lentement et en relaxation... il ne faut pas être pressé de travailler vite (et ce n’est pas vraiment nécessaire).

Plus le geste est direct, moins il y a de parasites, moins il y a de «fuites de force».
Donc, même lentement, il faut passer d’une immobilité totale à un geste décisif.

Il est conseillé de ne pas mettre l’attention sur la main qui frappe ou sur le bras (cela crée des tensions), mais sur la rotation et la mobilisation du dos.

Dès que le geste est suffisamment lâché, et sans parasites (en tout cas, le moins possible), il faut taper sur des "trucs" (plutôt un sac mou, mais assez lourd par exemple).

Traditionnellement, dans notre école, on frappe un poteau de bois. On commence par pousser, frotter et ensuite percuter violemment le poteau. Le travail au sac vient plus tard.

Nous verrons des exercices spécifiques qui développent la force d’impact dans un autre texte (travail des poids, des cibles, des anneaux de fer...).

Nous ne parlons pas ici du travail de précision, de structure ou de vitesse qui vont évidemment déterminer l'efficacité de la percussion.

Le rôle du Maître

Entre Internet, les vcd et autres dvd, toutes les informations principales sur les arts internes sont presque du domaine public. Si nous cherchons intelligemment et que nous sommes suffisamment investigateur, il n’y a pas de pratique qui puisse rester cachée. Dans un monde où l’information est reine, où la connaissance horizontale est popularisée, où tout le monde sait un peu de tout sur tout et rien en profondeur, il est possible de croire que cela suffit pour devenir un grand pratiquant autodidacte…

Dans la tradition taoïste, il est très important de recevoir une initiation, de suivre une lignée précise et de pratiquer sous la tutelle d’un maître.

C’est seulement quand le maître donne son aval qu’il est possible d’enseigner la Voie. Il n’y a pas d'ambiguïté, le maître nomme l’élève et celui ci peut enseigner. Avant cela, c’est une décision de l’élève de transmettre sans y être invité, se séparant ainsi de sa tradition et sa lignée.

Cet enseignement sans autorisation est la raison de l’évolution de la qualité d’enseignement.

Nous voyons de plus en plus de forums de discussions où les uns et les autres étalent leur savoir et leurs idées révolutionnairement banales, les secrets pour un entraînement parfait à base de machines magiques ou d’hormones réparatrices ou stimulantes. Les échanges se font dans une ouverture feinte pour se rassurer dans sa supériorité évidente, sur la force de ses découvertes et de ses vcd secrets (moins de 15 000 exemplaires !).

Sur ces forums, certains publient leur cv, d’autres des photos ou des vidéos, mais pourquoi ce besoin de parler de sa pratique ? Pourquoi étaler ces arts qui se régalaient autrefois d’une discrétion confortable ? Est ce un besoin de se rassurer ou de vérifier ce que l’on croit comme vrai ? Une volonté d’ouverture et de partage avec le reste des êtres humains ou une possibilité de mettre la main sur de nouvelles recrues ?

Si ces forums ne sont pas " traditionnels " ils sont notre nouvelle tradition et nous devons faire avec. Je suis le premier à aimer lire ces " post " de pratiquants, c'est le même coté " voyeur " qui nous pousse à regarder " star academy ". Les vcd ou les dvd qui dévoilent les secrets de la Chine millénaire sont aussi de notre temps et ils sont parfois utiles, sauvegardant ainsi des arts en voie de disparition. Ces médias sont souvent comme un virus dans un cours d’eau : ils empoisonnent tout sur leur passage imposant la mort à la vie (mais c’est une façon de voir).

Souvent les films sont une façon de renforcer ses illusions : les chinois gardent un certain sens de l’humour et nous rappellent ce dicton qui fait loi dans l’empire du milieu : " on peut toujours tromper un étranger ! ".

Que manque-t-il aujourd’hui dans le monde des arts internes chinois ? Il manque des maîtres, des garants de la traditions qui peuvent conseiller et parler d’un chemin déjà parcouru. En revanche, il y a de plus en plus de «coach» qui peuvent entraîner au sport de combat et qui cumulent cent disciplines pour répondre à toutes les questions.

Il y a des professeurs, des arnaqueurs, des artistes, des acrobates, des pratiquants, des experts, des voleurs, des historiens, des menteurs, des psychotiques, des lettrés et parfois même des humanistes… mais où sont les maîtres ?

Sans maître, nous errons sans réponses, prêts à tout du moment que l'on suit une direction ou que l'on reçoit une validation de nos pratiques bricolées entre Gandhi, Bruce Lee et la série " Kung Fu " (pour l’aspect spirituel).

Quelle est donc la définition d’un maître ?

Un maître est un expert qui a entraîné tout ce dont il parle, il est le détenteur d’un style " global ". Ce style, souvent ancien, est complet en lui-même et répond aux besoins de vie de l’adepte. Il n’a besoin ni d’aller chercher dans d’autres traditions ce qui lui fait défaut, ni de prouver quoique ce soit : il est à l’image de ce qu’il dit. Il est dans sa pratique et sa vie est une expression de sa voie. Il vit dans le monde et il ne met pas de pyjama pour s’entraîner. Chaque mouvement est une technique et tout est entraînement pour le maître.

Il n’a pas 25 ans en général.

Chez nous, dans notre tradition, un expert peut avoir 10 ans de pratique, mais un maître doit cumuler au moins 30 années dans une tradition précise.

On entend souvent dans les discussions que les maîtres sont difficiles à trouver alors qu’il est si simple d’aller dans un club au coin de la rue. C’est vrai !

Mais si on résonne comme cela, pourquoi travailler si on peut voler ? Pourquoi méditer si on peut prier ?

Mais si on s’enferme dans un univers qui n’est pas ce que l’on veut vraiment, que le style n’est pas celui qui nous plaît vraiment et que le professeur n’est pas extraordinaire à notre goût mais qu’il est situé non loin de notre canapé, il ne faut pas s’étonner de se sentir le besoin d’aller déblatérer sur internet à deux heures du matin.

Encore une fois, il est nécessaire de savoir ce que l’on désir vraiment. Pourquoi choisir une voie guerrière ou méditative dans un siècle comme le nôtre ? Pourquoi se réfugier dans l’énergétique et le méditatif ? Que cherche-t-on vraiment à travers l’excuse d’une pratique spirituelle ? N’est-il pas étrange de pratiquer ? (nos rencontres éphémères ou nos " collègues " de travail nous le rappellent souvent). Sommes nous dans une autre réalité ou juste victime d’une mode spiritualo-énergético-bizarre ?

Il est illusoire de croire que notre voie est un hasard et idiot de penser que c’est un " hobby " : qui sommes nous pour être dans cette pratique et comment nous y reconnaître ?

C’est le rôle du maître de nous guider pour nous retrouver, parfois nous rencontrer, dans une tradition ancienne, miroir de l’identité de l’être humain. Les mêmes mots et les mêmes gestes qui ont libérés les maîtres d’antan sont les pratiques d’aujourd’hui.

Il est sûrement possible de les nommer différemment, de les faire évoluer avec des machines et des élastiques, de gagner du temps en faisant de la musculation, d’utiliser l’hypnose ou les drogues, mais les arts sont là depuis longtemps et ils agissent dans le sens de la tradition.

Ils sont complets en eux-mêmes et n’ont besoin de rien d’autre que de la pratique. Peut être est il plus simple de cacher son ignorance dans des innovations révolutionnaires, mais tout ce qui s’acquière rapidement et sans effort est souvent suspect parfois même inutile.

Le maître est gardien d’une tradition, souvent d’une route qu’il a parcourue, il sait guider les nouveaux venus et remettre sur la voie ceux qui se sont perdus. Il ne fait que cela : guider et reconnaître le meilleur chemin pour chacun, au moment où ils se présentent à lui. Il ne doit pas être "sympa" ou gentil, il ne doit pas montrer ce que les gens veulent voir, mais ce dont ils ont besoin. Il doit être à l’image de ce qu’il enseigne.

Ce n’est pas un guide touristique, c’est un guide de haute montagne.

Le maître ne doit pas vous demander de lui ressembler, mais de vous reconnaître et de vous rencontrer. Il vous propose un retour vers vous-même, par une pratique illogique et contraignante, sans risque si ce n’est celui de réussir. Mais il ne fait pas le travail, cette responsabilité est la vôtre.

Il n’est pas nécessaire d’éblouir le maître ou de le flatter, de devenir son ami (ce qui peut arriver, mais n’a rien à voir avec son évolution). Il est inutile de trop parler ou de trop raconter, il est illusoire de se cacher. La seule chose à faire est de pratiquer. Il ne faut pas en faire trop, il ne faut pas s’enfermer dans l’immobilisme ou sa paresse : " si on le fait, ça marche ; si on ne le fait pas, ça ne marche pas ".

Il est souvent plus facile de frimer et de (se) mentir que d’aller chercher les résistances de notre ego, les difficultés de notre corps, mais le maître est là pour ça.

Cela sous entend évidement que le maître incarne ce dont il parle, qu’il a votre confiance et qu’il est là quand il doit l’être.

Si vous ne suivez pas la voie que vous avez choisit, si vous ne suivez pas les conseils de l’enseignements, si vous ne faites pas confiance à la pratique, si vous croyez avoir raison...alors il est préférable d’apprendre des formes sur internet et de suivre des conseils des voyants sur Minitel (ça doit encore exister), mais votre place n’est pas dans une tradition.

Toute recherche intellectuelle isolée peut permettre de nourrir l’esprit, toute pratique physique sans tradition a des chances de renforcer le corps, toute découverte énergétique occasionne des changements sur la vitalité, mais seule une voie avec un maître peut nous guider vers les changements qui seront à la source de notre " Retour ".

samedi 18 juillet 2009

Les cycles de la pratique


Il existe un vrai problème relationnel entre les pratiquants et leur appréciation du temps. Ce problème est celui de la vision " fast food " du monde d’aujourd’hui. Certaines pratiques permettent une sensation rapide et immédiate alors que certains changements de fonctionnement de la personne peuvent prendre des années. Dans les arts internes chinois nous avons la chance de pouvoir donner des pratiques qui donnent des résultats à long et à court terme.

Les changements les plus évidents sont le gain de force et d’énergie qui se manifestent entre deux heures et deux ans après le début d’une pratique régulière (quotidienne évidemment).

Mais il existe nombre de changements plus subtils et plus profonds qui sont les fruits de notre investissement dans cet enseignement millénaire. Nous allons voir ici quelques-uns des cycles les plus importants qui nous concernent tous.

Dans une pratique physique, quelconque, l’augmentation de la circulation sanguine est liée à une augmentation du mouvement du Qi (énergie). Cette énergie très volatile, très yang, ne restera que le temps de l’exercice. Par la libération de produits chimiques naturels du corps, la sensation de bien être peut durer quelques temps. Pour retrouver ce bien être, il faut répéter l’action sportive. On retrouve là une des raisons de la dépendance de certains sportifs pour l’effort. Mais à ce niveau, cette énergie Yang ne peut pas encore s’enraciner dans le Yin, la structure corporelle.

Prenons un exemple idiot mais juste : sautillez sur place et vous aurez chaud, le sang circule plus. Quand le sang est là, le Qi (énergie, pour ceux qui ne suivent pas du tout !) est là. Mais nous parlons d’une énergie Yang volatile qui disparaîtra le temps que le corps se refroidisse. Durant l’exercice, vous vous sentez une énergie folle, après celle-ci vous êtes de nouveau fatigué : le Yang (fonction) n’a pu prendre racine dans le Yin (la structure). Pour que le Yang " s’accroche " au Yin, il faut du temps. Après des jours de sautillements, vous pourrez constater que vous aurez tendance à rester " chaud " entre les séances, mais cela ne tient qu’à un fil : un coup de fatigue de plus, une digestion difficile, un coup de stress et cela disparaît de nouveau.

Après des mois, vos jambes vont devenir plus musclées, plus volumineuses, à force de sautiller : le Yin, la structure, s’est modifié à cause du Yang (l’action, le sautillement). Si vous continuez dans cette ligne de pratique sans vous arrêter, tout le système corps/esprit va être modifié, mais nous verrons cela plus tard…

Si vous sentez que votre pratique de Qi Gong vous " fait du bien " au début, elle va doucement s ‘installer, s’encrer en vous, changer votre corps et ensuite faire évoluer tout votre système global corps/esprit.

De plus, la plupart des écoles de Qi Gong devrait vous apporter plus que le sautillement sur place...enfin, en principe.

Voyons les rythmes les plus courts qui nous intéressent ici : 5mn et 28mn.

Si vous faites quoi que ce soit tous les jours, pendant au moins cinq minutes, votre ensemble corps/esprit va s’y habituer et essayer d’être plus performant dans cette pratique. Cela ne sert à rien en soi, désolé, mais cela vous prépare à devenir un pratiquant.

Pour commencer à " toucher " le cœur de notre centre, l’essence de nous-même, il nous faut avoir une pratique qui se déroule pendant un cycle entier d’énergie défensive Yang (Wei Qi), c’est-à-dire 28 mn (à peu près, selon le Nei Jing Su Wen et le Nan Jing). Comme il est possible de ne pas avoir une concentration suffisante pour se fondre immédiatement dans sa pratique, donnons nous deux minutes pour nous y mettre, soit une demi-heure.

Donc si nous pratiquons une demi-heure par jour nous sommes dans une voie qui peut tout changer en nous ? OUI, et ce n’est pas trop demander sur une journée de 24 heures !

Il me faut être honnête avec vous, une demi-heure suffit au début pour " entrer dans la voie ", mais il faut prendre en compte plusieurs facteurs :

  • L’état dans lequel nous sommes quand nous commençons à pratiquer
  • Le rythme de vie
  • L’investissement dans la pratique
  • Les façons de pratiquer (le style de pratique)


Si vous commencez à pratiquer dans une forme physique et une paix mentale totale, il n’est pas nécessaire d’en faire beaucoup, si tel n'est pas le cas, il faut se remettre " à zéro ".

Dans notre première confrontation aux exercices, nous ne pouvons vraiment pratiquer : nous devons préparer notre corps et notre esprit pour une pratique éventuelle. Cette préparation en elle-même va nous donner énergie et force, mais pas l’entrée dans un enseignement total.

Nous devons clarifier quelques points : nous sommes perturbés par nos soucis de coordination, notre approche pathologique de nos émotions et notre vision étriquée de nous-même. Dans cette guérilla ouverte avec la personne que nous croyons être, nous allons aussi apprendre à travailler, à pratiquer et à assimiler.

Plus nous avons de points à éclaircir, plus cette période peut être longue.

Sans investissement et submergé des formes de paresses, la voie sera comparable aux travaux de Sisyphe.

Notre rythme de vie rassemble tous ces moments en dehors de la pratique ; tout comme la pratique joue sur notre vie, notre vie influence notre pratique.

Si entre les moments où je suis dans les exercices de détente et de relaxation, je dois accomplir un travail très stressant ou me battre dans un cadre privé étouffant, il est évident que les effets de la pratique seront vite " épuisés ". C’est aussi du bon sens : 30 minutes de paix contre 10 heures de stress, les chiffres parlent d’eux-mêmes….

Il faut donc aménager un espace privé et personnel, sans télé ni musique, qui permet de rentrer en contact avec l’enseignement et de soi-même.

Si votre vision de l’entraînement est proche de celle du tennis ou du jogging, que pour vous : " c’est du sport, quoi ! ", les changements seront minimes. Il est dans ce cas là préférable de s’orienter vers une activité sportive moins contraignante.

Si vous êtes dans cette pratique dans un soucis de mieux vous fondre dans les changements du monde, de vivre pleinement cet enseignement taoïste et d’aller dans le sens de celui-ci : ce que vous allez vivre sera à la hauteur de votre implication. Encore une fois, c’est du bon sens, si vous êtes investi dans la pratique, vous recevez ce que vous y mettez.

Donc, les 30 minutes par jour sont un rythme possible de pratique, mais encore faut-il être sorti du cycle d’apprentissage et être entré dans la pratique. Il suffit de continuer, cela va bien se passer et " si vous le faites, ça marche, si vous ne le faites pas ça ne marche pas ! ".

En trois ou quatre mois, même si l’entraînement n’est pas une priorité dans sa vie, il y a deux phénomènes que tout le monde constate : plus de force physique et moins de fatigue. Mais c’est encore assez fragile et il faut peu de chose pour déstabiliser cet équilibre fragile. L’habitude de focaliser ses gestes permet de pouvoir utiliser tout son corps pour des mouvements quotidiens. Il en résulte une double impression de force et de résistance à la fatigue (comme on utilise tout le corps pour un mouvement, on peine moins qu’en employant une partie de celui-ci et ayant peu peiné, on dépense moins d ‘énergie pour une même action).

Un autre phénomène existe aussi : certains débutants sont confrontés à des sensations plus forte, une émotivité à fleur de peau et des manifestations pathologiques plus marquées. Par l’entraînement, nous avons plus d’énergie et celle-ci peut aussi être utilisée par le corps/esprit pour exprimer son désaccord sur notre façon de l’utiliser :

Les émotions peuvent se sentir plus fortement (surtout si on a eu tendance à les réprimer depuis longtemps),
La fièvre plus élevée quand on est malade (la fièvre est signe de lutte entre le système de défense du corps et les facteurs pathogènes : plus d’énergie est synonyme de plus de force pour lutter).
Certaines douleurs dissimulées dans nos tensions compensatoires vont se révéler les premiers mois, des douleurs terribles qui cherchent à s’exprimer depuis longtemps. Souvent je mets en garde les gens enthousiastes par la découverte de la pratique : les premiers mois sont souvent difficiles aux niveaux des douleurs et des émotions, mais il faut bien passer par une période de " nettoyage ". Mais si on persiste, toutes les douleurs, tous les maux se stabilisent et l’équilibre s’installe. Un tiers des " nouveaux " pratiquants abandonne devant ces manifestations qui les effraient, malgré la connaissance intellectuelle de celles-ci.

Il existe ensuite un cycle court de quelques mois (entre 3 et 6) qui encre les exercices physique dans la structure du corps : le corps change et ça se voit. C’est le moment ou on peut constater une réalité de transformation de la tonicité musculaire et de la densité du corps.

Après ce " combat " des premiers mois contre ses propres démons, le rythme très important des " 300 " jours… Les anciens taoïstes nommaient cette période " la base ". Réussir à pratiquer sans arrêt les 300 premiers jours c’est " construire la base ", " poser les fondations ", " entrer dans la pratique ". Avec le rythme effréné de notre époque où tout va très vite, la base se " pose " souvent en plusieurs fois 300 jours : ayant trop de choses à faire, nous " n’avons pas le temps " et ne parvenons pas toujours à la continuité nécessaire. Cela ne pose pas de problème si ce n’est le temps perdu.

Ces rythmes concernent la plupart des pratiquants, voyons les autres : " les longues marrées ".

Le premier cycle qui nous intéresse est celui des 3 ans, qui se répète et qui joue sur la liaison entre le corps et l’énergie. Tous les trois ans, le niveau énergétique va pousser l’évolution du corps dans un sens ou dans l’autre : trois ans d’inactivité vont influencer le corps vers un " ramollissement ", une période où il sera très difficile de sortir de sa faiblesse (mais où il sera très aisé de se satisfaire dans une activité de plus en plus pathologique).

Après des années d'inactivité du corps, il est dans un cycle d’immobilisme et il lui faudra un cycle de trois ans pour rentrer dans une nouvelle dynamique d’activité. Après trois ans d’entraînement, le système corps/esprit peut évoluer vers un niveau d’activité plus intense. Plus nous travaillons et plus il est facile de travailler. Nous parlons ici d’une pratique énergétique qui est régit par des règles différentes qu’un entraînement sportif.

Si nous sommes dans cette dynamique positive de " yangisation " du système corps/esprit, nous pourrons accéder au rythme lent mais profond du Jing (essence à la source du Qi et notre potentiel personnel de santé).

Ces longs cycles de Jing sont de 6 à 9 ans et dépendent de l’état énergétique du pratiquant et de ses " gènes ". Un changement effectué sur le jing durera aussi un cycle long de 6 à 9 ans. Les nouveaux cycles dépendent de son évolution énergétique durant l’ancien cycle.

Il faut comprendre que tous ces cycles sont interdépendants les uns des autres et qu’ils s‘influencent tous : autant dire que ce n’est pas une loi globale, mais propre à chacun d’entre nous. La découverte de nos rythmes et le développement d’une vie en accord avec eux nous permettent une existence plus aisée que dans une confrontation avec notre propre nature.

Il existe aussi en parallèle des cycles de 12 années. Ce cycles longs nous confrontent a des moments d’évolution de notre vie ou la pratique sera plus difficile ou plus aisée. Ces cycles suivent notre évolution au cours des grandes étapes de la vie : naissance, adolescence, vie sociale adulte, vieillissement...

Il existe aussi de grands cycles qui mettent en rapport nos cycles personnels et ceux de l’univers, ce sont des cycles de 60 ans (5 cinq cycles de 12 ans). Ces cycles de Feng Shui nous indiquent la fluidité ou les soucis de notre quotidien peut rencontrer avec l’évolution du monde.

Pour revenir aux cycles de la pratique personnelle, il est important de pratiquer sans se soucier du résultat : l’attente et les constructions mentales vont ralentir, voir stopper, notre évolution.

Pour profiter de l’enseignement, tout en ayant réfléchit avant de se lancer, il faut pratiquer pour pratiquer et les cycles seront d’autant plus ressenti.


mercredi 1 juillet 2009

Corps, Energie et Emotions

Tous les concepts développés ici viennent du Taoïsme. Afin de faciliter la compréhension de ce texte, ces concepts seront énoncés en langage moderne sans termes chinois, ou si peu…

Selon notre vision, l'Univers fonctionne d'après trois sphères : terre, homme, ciel. Cette perception du monde pose cette trilogie pour une cosmologie cohérente. Ces trois éléments sont, dans le Taoïsme, au niveau de l'homme, les trois trésors : jing (essence), chi (énergie) et shen (esprit).

Nous sommes, en tant qu'êtres humains, situés entre le ciel et la terre. La terre représente la nature mais aussi tout le Yin, le manifesté.

Pour régler cette interrogation sur le manifesté et le non manifesté, prenons un exemple : imaginez que vous frappiez une table avec votre main. Devant cette éventualité, plusieurs cas de figure peuvent se présenter ; soit vous craignez la douleur que cela pourrait procurer (sans être certain que cela produise effectivement une douleur). Soit vous pensez à tout sauf à cette douleur, vous pouvez juste vous demander ce que je raconte par exemple. Le geste, la douleur possible, la sensation entière de cette action relèvent du domaine du "potentiel", tout est possible mais on ne sait pas ce qui va être dans la réalité de l'action. Nous sommes ici dans le non manifesté, dans l'idée.

Frappez maintenant votre main sur la table. Soit ça vous fait mal, soit ça ne vous fait pas mal, mais dans les deux cas il se passe quelque chose dans la réalité physique. Une partie du potentiel de l'action imaginée se réalise, se ressent. Dans le ressenti, ou sur le ressenti, se greffe une myriade de pensées qui n'ont rien à voir avec la planification de l'action, l'action elle-même et ses résultats. Nous sommes dans le manifesté qui dans sa "naissance" peut se percevoir. Cette perception originale est difficilement reconnaissable, car elle se teinte automatiquement de pensées qui sont là uniquement pour donner des limites vitales à notre ego, nous rassurer.

Le non-manifesté n'existe pas dans le domaine de la perception des cinq sens, à l'inverse, le manifesté se perçoit par les cinq sens et est constamment commenté par le mental.

A présent réglons l'histoire de l'ego. Très jeune, nous ne nous dissocions pas les choses autour de nous (avant deux/trois ans), nous ne sommes pas séparés du monde. Très vite, notre entourage proche va nous expliquer qu'il existe une différence entre les autres et nous, entre nous et le reste. Suite à cela, nos perceptions vont doucement être envahies de pensées, toute action ou perception sera "traduite" par nos pensées pour notre mental. La réalité ne sera alors plus perçue comme ce qu'elle est, mais comme ce que notre mental en fait pour faire croître notre individualité, la différence entre nous et le monde, cette image singulière à laquelle nous nous attachons tant, l'ego. C'est alors la mort de la spontanéité. Le fait d'avoir raison, de faire des choix discriminants, d'imposer ses pensées sont des mécanismes de renforcement de cette cohérence limitée qu'est notre ego. L'ego aime les limites, les règles et ce qui se comprend par l'intellect. Il n'aime pas le sans limite, ce qui ne peut s'appréhender par les cinq sens et ce qui n'est pas intellectuel. L'ego aime les religions et ne peut aimer la spiritualité non duelle.

Revenons maintenant aux trois éléments. D'un côté nous avons la terre (le yin manifesté). Sur ce yin naît l'être humain qui va vivre dans le monde. D'un autre côté nous avons le ciel qui représente ce qui n'est pas de cette terre (le yang non manifesté).

Dans l'homme, nous retrouvons les mêmes trois niveaux de compréhension des phénomènes : corps, énergies et intellect. Le corps est notre structure mécanique qui fonctionne suivant une globalité d'homéostasie, d'équilibre physiologique. Si tout va bien, tout va bien, mais si une partie ne va pas bien, toute une série de compensations vont déséquilibrer le corps pour pallier à ce qui ne fonctionne pas parfaitement. Pour faire simple, rien ne va vraiment dans le corps, mais tout fait en sorte que l'équilibre soit tenu dans une globalité…mais c'est par conséquent un équilibre fragile.

L'énergie est ce qui nous permet d'entrer dans le monde des perceptions du corps tout en étant déjà dans le subtil. On peut "sentir" l'énergie, mais la plupart du temps on ne sent en fait que des "manifestations" de l'énergie : chaleur, picotements, engourdissements…

Nous ne pourrons sentir l'énergie que lorsque nous aurons ouvert la porte aux sens subtils, ceux qui sortent des commentaires du mental et qui circulent grâce à la détente du corps.

Puis il reste le mental, le monde des pensées, qui ne peuvent se percevoir et n'ont pas d'action directe sur le corps physique.

C'est l'interaction entre ces trois sphères qui nous intéresse. Le corps, dans ses tensions, va provoquer des commentaires du mental qui va juger son propre état. Les pensées vont créer une tension interne qui résulte de l'impossibilité d'aller dans le sens de tous les commentaires que nous faisons, de toutes les choses que nous imaginons. Ces jugements et cette non acceptation de ce qui est, ces tensions interne et externe, vont provoquer des manifestations qui viennent du mental et qui se nourrissent de l'énergie : les émotions.

Les émotions sont des pensées qui vont passer du non manifesté au manifesté, par le biais énergétique, du mental vers le corps. Les émotions sont mentales, crées par notre mental et source de nouveaux commentaires elles-mêmes. Mais elles sont également physiques, car liées directement au corps par l'énergie et les organes. Les émotions sont le pont entre la tête et le corps. Les émotions sont la première cause de maladies internes en médecine chinoise. Une tension mentale, générée par des pensées refoulées et ressassées, va créer une tension physique qui sera sous jacente à une émotion. Cette tension physique sera commentée intellectuellement par le mental et deviendra une source de ressassement qui amène une tension émotionnelle. Ce cercle infernal est la source d'émotions qui vont durer des mois au lieu de quelques secondes, de tensions physiques qui n'auront pas de solution médicale, de sommeil perdu qui ne peut s'améliorer avec des produits chimiques…

Il faut bien comprendre que les émotions, naturelles et inévitables, sont le résultat d'une tension interne et/ou externe de l'être humain, tout comme la fatigue est le résultat du fonctionnement de l'être. Les émotions sont signes de dérangement de la paix dans le fonctionnement du corps/esprit.

L'étymologie du mot "émotion" vient du latin "emovere" qui veut dire "remuer, ébranler". Dès l'ancien français, le terme d'émotion est utilisé dans le sens de "troubler ce qui est paisible" plutôt que dans un sens de déplacement qui lui deviendra le mot "mouvoir".

Loin de moi l'idée de dire qu'il faut contrôler, limiter ou supprimer les émotions, ce serait idiot ! Mais dans la compréhension de leur fonctionnement, il est possible de "surfer" sur celles-ci, ou avec celles-ci, plutôt que d'être noyé dans le rouleau d'une vague qui emporte tout et qui nous rend victime. C'est la différence entre celui qui est témoin d'un accident et celui qui est victime de cet accident.

Dans l'entendement de ce que nous venons de dire, et issu de l'école taoïste qui est la nôtre, comment pouvons nous aller dans cette fusion avec les émotions, ce qui nous permet de les vivre sans en être une victime ? Nous avons trois approches possibles : l'une par le corps, l'autre par le mental et la dernière par l'énergétique.

Nous comprenons à présent pourquoi l'approche par le mental, qui est la source de l'émotion, semble compliquée et difficile à utiliser. L'émotion est une sensation de l'ego, bonne ou mauvaise, mais qui le rend vivant et fort. Chaque émotion forte qui nous renverse va donner des limites et des raisons de rentrer dans une compulsion de pensées peu libératrices qui font le bonheur de l'ego. Toute tentative de libération par l'intellect oublie que 50% de l'émotion est physique. Pour tout ce qui est physique, il faut aller le chercher par le physique.

L'approche physique semble intéressante, simplement nous sommes souvent trompés, dans nos perceptions, par notre commentaire intérieur qui élabore des interprétations de ce que nous discernons. Cette solution semble toutefois moins périlleuse que l'approche mentale.

En fait, les émotions sont avant tout une manifestation entre le mental et le corps, nous pouvons prendre le terme d'"énergétique". Elles sont la correspondance avec la sphère humaine. L'approche énergétique demande une certaine éducation, une sensibilisation, un véritable apprentissage.

Dans notre école, nous allons travailler avec les émotions en trois stades :

  • sentir,
  • dissoudre,
  • attendre.

Par un travail corporel de circulation et de détente, nous allons pouvoir sentir l'apparition de l'émotion à sa création, avant même sa manifestation dans le corps.

Nous allons expérimenter les zones du corps plus concernées par certaines émotions et apprendre à les laisser se détendre dans l'acceptation et la détente des émotions. Dans une attente consciente de tous les mécanismes de notre système corps/esprit, nous allons rentrer dans une phase de silence où toute manifestation mentale ou émotive sera flagrante.

Ne pas être "dérangé", mais vivre pleinement avec nous-même, voilà notre idée.

Temps, Patience et Personnalité

La majeure partie des occidentaux n'est plus dans une situation de survie quotidienne qui permet d'oublier les maladies de l'Ame. Ayant du temps dans un confort matériel relatif, nous observons ce petit bruit au fond de nous qui rappelle à ce que nous n'avons pas réglé : ce vide intérieur que nous cherchons parfois à combler par l'accumulation extérieure. Une séparation profonde entre "moi" et "je", entre nous et notre nature profonde. Cette sensation est une souffrance, une douleur souvent sourde, parfois violente, qui est là.

Nous allons vers des pratiques, des voies, qui nous promettent des solutions plus ou moins miracles. Mais que choisir ?

De nos jours, dans une surinformation qui nous baigne dans une certaine confusion, nous ne savons plus exactement que choisir. Nous allons vers la voyance pour nous connaître, les arts de combat pour la santé et vers l'aïkido pour se défendre dans la rue, nous apprenons la méditation transcendantale pour la souplesse et la musculation pour la détente… autant regarder la télévision pour la culture !

Ne sachant pas vraiment ce que nous faisons, nous ne pouvons aller que vers le n'importe quoi. Les maîtres apparaissent comme les gurus et tout le monde sait tout faire : ce savoir "horizontal", comparable à une fine couche de confiture sur une tartine trop grosse, ne peut répondre à nos questionnements.Tout doit aller vite, tout doit être rapide, nous nous devons de nous transformer et de tout comprendre dans l'urgence pour ne pas rater les autres choses à faire… plus ! vite !

Nous sommes étonné de ne pas être une nouvelle entité vivante dans les quinze jours et que l'Essence du savoir ne soit pas intégrée à notre âme en un mois : il faut des années pour nous mettre dans l'état douloureux que nous cherchons à modifier, il sera de même dans l'autre sens.

Dans les pratiques qui sont disponibles, nous avons besoin de faire notre choix.

Comment faire un choix qui correspond à ce que nous cherchons ? Bien souvent nous sommes attiré par le costume, le chapeau ou le sourire d'un vendeur de spiritualité et nous oublions de regarder à deux fois. Nous sommes séduit par l'emballage, comme dans le supermarché, mais nous ne regardons pas l'étiquette (et c'est dommage !).

La forme occultant le fond, le brillant aveuglant la recherche, nous allons où la télévision nous dit d'aller ; c'est ainsi nous avons constaté la mode du yoga, du karaté, du bouddhisme tibétain (merci Richard Gere), de l'aïkido, du tai chi (si les gens savaient que c'est une boxe…) et toutes les autres merveilleuses choses pré mâchées par les Etats Unis et recrachées, par réflexe boulimique, sur l'Europe.

Mais que voulons nous ? Que cherchons nous ? (et qui sommes nous, au fait ?)

Si nous prenons le temps de discuter, de chercher et de choisir, nous allons vers ce que nous voulons. Il vaut souvent mieux investiguer et croire en soi que suivre les conseils des magazines féminins. Est ce que le corps "sait" ? Peut être, mais encore faut il être sûr de ne pas prêter attention à un corps "malade". Par nos habitudes nourries par nos pensées compulsives et réactives, par nos frustrations et nos tensions, notre corps n'est plus cette entité corps/esprit détendu de notre origine. Nous réagissons et nous défendons contre un monde que nous ne comprenons pas. Il nous faut revenir à une certaine quiétude pour pouvoir nous écouter.

Sans une bonne santé, mentale et physique, comment prendre nos compulsions internes comme connaissance et ressenti justes ?

Un alcoolique le matin au réveil, sent très précisément qu'il a besoin d'un verre… mais doit il suivre son envie pour autant ?

Dans une dérive new age très prononcée, nous avons vu beaucoup de pratiques qui demandent de suivre ses pulsions et envies, sous prétexte que le corps "sait" tout… oui et non.

Si le corps, par une pratique et des introspections répétées, est détendu et que la circulation énergétique est fluide, alors il doit être pris très au sérieux. L'écoute de son corps est, dans ce cas là, toujours une priorité pour savoir l'état réel de soi, de ce que l'on pense vraiment. Dans ce cas là encore, il est plus sage de croire en ses émotions qu'en ses pensées. Il est possible de se mentir avec le mental, l'ego ; alors que les émotions sont viscérales, dans le corps.

L'idée d'une pratique, si elle existe réellement dans une tradition, est de nous guider vers un but. Ce but peut être spirituel, psychologique, physique ou autre. Mais si nous ne connaissons pas l'idée directrice de la voie, le besoin et la tradition, il est difficile de s'engager. C'est aussi une bonne raison pour ne pas s'engager…

Un entraînement va toujours chercher à développer des qualités qui sont nécessaires au but du style : par exemple la force du mental pour le combat, le cardiovasculaire pour le sport et la paix de l'esprit pour le spirituel. Encore une fois, il faut faire attention à ne pas développer des qualités qui ne vont pas dans le sens de notre pratique (les capacités cardiovasculaires dans une voie spirituelle aux dépend de la paix de l'esprit par exemple) sinon nous sortons des priorités de notre voie et nous perdons du temps.

Nous consommons les voies comme des hamburgers, parfois "bios", mais nous n'allons que rarement au fond d'une voie. Une tradition demande du temps et du courage. Nous savons à quel point nous sommes impatients de "changer" et à quel point les changements nous font fuir. Un paradoxe très taoïste.

La pratique nous rapproche trop de ce que nous ne voulons pas voir : cette différence entre "qui nous sommes" et "la personne que nous cherchons à "vendre" au monde".

Ce personnage fictif, qui prend source dans nos nom et prénom, nous le façonnons depuis des années et nous sommes fiers de ce polissage présentable. Ce "faux soi" est nourrit par notre rumination mentale et nos pensées compulsives, "nous sommes parce que nous pensons" (merci à Descartes !). Ce personnage, cette personnalité, (du latin "persona", le masque !) nous est insupportable quand nous devons regarder au travers. Dans la voie nous passons au-delà, lâchant le masque nous allons vers le "naturel", le spontané.

Si nous allons vers dix voies en même temps, on accumule au lieu de réduire et on finit par éviter avec un soin méticuleux tout ce qui peut nous aider, nous ne bougeons pas de notre condition.

Notre souffrance nous permet de nous sentir vivants, de nous prendre pour une forte individualité (personnage) qui se détache du tout, une illusion de bonheur dans une poursuite de renforcement de son ego, une séparation.

Poussé entre épisodes dépressifs et anxieux, entre passé et futur, nous répétons continuellement des cycles sans fin, pavés de soubresauts plaisir/souffrance qui n'en finissent plus.

Il est évident que la paix ne peut se trouver dans cette alternance maladive qui nous épuise et nous fait nous questionner sur le sérieux de la vie ; doit on faire cela pour le restant de nos jours ? Existe-t-il une autre façon de vivre sa vie pour toucher une paix réelle ? Oui, dans une pratique spirituelle, dans une "alchimie interne" nous allons "transmuter" et "sublimer" dans une recherche de paix et de silence.

C'est un processus long, mais qui porte ses fruits… "si on le fait ça marche, si on ne le fait pas ça ne marche pas".

travers cette fuite vers le futur, où "tout va aller mieux", ou dans le rappel constant de notre passé, où "tout allait si mal", nous oublions la réalité : le temps n'existe pas !

Notre perception du temps est faussée par notre mental emporté dans une danse folle, une divagation dans un espace irréel.

Nous n'avons et ne vivrons que des instants présents dans une inconscience plus ou moins épaisse. Je me répète : vous n'avez et ne vivrez que des moments présents plus ou moins dans l'inconscience, dans la présence, il est impossible de spéculer sur celle-ci. Nous ne pouvons réaliser que notre inconscience, nos moments de présence sont des instants qui sont "invisibles", dans les changements du monde, des moments où nous "disparaissons". Une partie (nous) du conscient ne peut réaliser le tout (conscience globale).

Nous ne sommes conscients que de nos inconsciences… hummmm.

Plus nous sommes inconscient et plus les changements du monde seront projetés dans un futur angoissant ou un passé dépressif. Plus nous sommes dans cette dissociation nous/monde, plus notre inconfort est grand. Plus nous sommes dans la trame du temps, moins nous sommes heureux.

Dans ce refus du présent, nous devons nous occuper suffisamment pour ne jamais être conscient : chaque moment de présence nous rappelle que nous sommes séparé de cette union recherchée.

Dans l'instant, un présent accepté, nous ne pouvons être malheureux.

Si le présent est submergé par l'émotions ou la pensée, il n'est pas possible d'être dans l'instant.

La pratique nous remet dans cette présence de l'instant, la voie nous sort de la trame du temps. Les cycles ne peuvent se répéter, nous allons vers un non-choix conscient.

Pour poser les bases de notre pratique nous devons aller dans le sens des initiations d'avant, des rites de passages oubliés. "Poser la base" représente dans la voie taoïste une période de 300 jours ou nous entrons dans la voie. Cette entrée est un changement important dans la vie qui peut provoquer des phénomènes. Tout changement provoque des "frictions", des mouvements qui vont produirent des sensations (souvent désagréables). Souvent nous préférons fuir la voie pour nous réfugier dans ce que nous connaissons : notre personnage et nos habitudes malades mais connues qui nous rassurent. Nous trouvons excuses et plaintes diverses qui vont nous affirmer dans notre fuite.

Certaines souffrances sont réelles, moyens de défense de notre ego en péril. Plus nous allons vers cette union avec les changements du monde, plus notre ego perd ses limites, sa sécurité. Mais si nous continuons sans prêter trop d'attention à ces phénomènes ponctuels, nous verrons ceux-ci perdre de leur force pour disparaître finalement.

La solution la plus évidente après une fuite est une répétition du processus : on trouve une nouvelle voie, un nouveau maître, une nouvelle tenue et un parfum d'encens différent. Coincé dans nos cycles temporels qui se répètent sans cesse, sortie de la réalité de l'instant, nous errons dans une hypocrisie spirituelle et une passivité déguisée. Bizarrement, la souffrance, adoucie par une satisfaction de l'ego, est toujours là.

Dans la connaissance du processus, dans l'acceptation d'une volonté de "retour", nous devons nous engager pour travailler dans un sens unique. Les moments de présence vont se densifier, se répéter et s'enraciner dans notre quotidien. Nous allons doucement nous envelopper dans une acceptation du présent, qui n'a rien à voir avec une résignation emprunte de sensiblerie, et nous glisser dans les changements du monde.

Cette union aux mouvements de l'énergie universelle, capacité à aller "avec" et non "contre", cette détente qui en résulte, tout cela est la Voie.

Mais avant et pour ce résultat, il faut s'astreindre à ses exercices chaque jour, sans fioritures, dans une découverte de l'enthousiasme de la pratique.