mercredi 1 juillet 2009

Temps, Patience et Personnalité

La majeure partie des occidentaux n'est plus dans une situation de survie quotidienne qui permet d'oublier les maladies de l'Ame. Ayant du temps dans un confort matériel relatif, nous observons ce petit bruit au fond de nous qui rappelle à ce que nous n'avons pas réglé : ce vide intérieur que nous cherchons parfois à combler par l'accumulation extérieure. Une séparation profonde entre "moi" et "je", entre nous et notre nature profonde. Cette sensation est une souffrance, une douleur souvent sourde, parfois violente, qui est là.

Nous allons vers des pratiques, des voies, qui nous promettent des solutions plus ou moins miracles. Mais que choisir ?

De nos jours, dans une surinformation qui nous baigne dans une certaine confusion, nous ne savons plus exactement que choisir. Nous allons vers la voyance pour nous connaître, les arts de combat pour la santé et vers l'aïkido pour se défendre dans la rue, nous apprenons la méditation transcendantale pour la souplesse et la musculation pour la détente… autant regarder la télévision pour la culture !

Ne sachant pas vraiment ce que nous faisons, nous ne pouvons aller que vers le n'importe quoi. Les maîtres apparaissent comme les gurus et tout le monde sait tout faire : ce savoir "horizontal", comparable à une fine couche de confiture sur une tartine trop grosse, ne peut répondre à nos questionnements.Tout doit aller vite, tout doit être rapide, nous nous devons de nous transformer et de tout comprendre dans l'urgence pour ne pas rater les autres choses à faire… plus ! vite !

Nous sommes étonné de ne pas être une nouvelle entité vivante dans les quinze jours et que l'Essence du savoir ne soit pas intégrée à notre âme en un mois : il faut des années pour nous mettre dans l'état douloureux que nous cherchons à modifier, il sera de même dans l'autre sens.

Dans les pratiques qui sont disponibles, nous avons besoin de faire notre choix.

Comment faire un choix qui correspond à ce que nous cherchons ? Bien souvent nous sommes attiré par le costume, le chapeau ou le sourire d'un vendeur de spiritualité et nous oublions de regarder à deux fois. Nous sommes séduit par l'emballage, comme dans le supermarché, mais nous ne regardons pas l'étiquette (et c'est dommage !).

La forme occultant le fond, le brillant aveuglant la recherche, nous allons où la télévision nous dit d'aller ; c'est ainsi nous avons constaté la mode du yoga, du karaté, du bouddhisme tibétain (merci Richard Gere), de l'aïkido, du tai chi (si les gens savaient que c'est une boxe…) et toutes les autres merveilleuses choses pré mâchées par les Etats Unis et recrachées, par réflexe boulimique, sur l'Europe.

Mais que voulons nous ? Que cherchons nous ? (et qui sommes nous, au fait ?)

Si nous prenons le temps de discuter, de chercher et de choisir, nous allons vers ce que nous voulons. Il vaut souvent mieux investiguer et croire en soi que suivre les conseils des magazines féminins. Est ce que le corps "sait" ? Peut être, mais encore faut il être sûr de ne pas prêter attention à un corps "malade". Par nos habitudes nourries par nos pensées compulsives et réactives, par nos frustrations et nos tensions, notre corps n'est plus cette entité corps/esprit détendu de notre origine. Nous réagissons et nous défendons contre un monde que nous ne comprenons pas. Il nous faut revenir à une certaine quiétude pour pouvoir nous écouter.

Sans une bonne santé, mentale et physique, comment prendre nos compulsions internes comme connaissance et ressenti justes ?

Un alcoolique le matin au réveil, sent très précisément qu'il a besoin d'un verre… mais doit il suivre son envie pour autant ?

Dans une dérive new age très prononcée, nous avons vu beaucoup de pratiques qui demandent de suivre ses pulsions et envies, sous prétexte que le corps "sait" tout… oui et non.

Si le corps, par une pratique et des introspections répétées, est détendu et que la circulation énergétique est fluide, alors il doit être pris très au sérieux. L'écoute de son corps est, dans ce cas là, toujours une priorité pour savoir l'état réel de soi, de ce que l'on pense vraiment. Dans ce cas là encore, il est plus sage de croire en ses émotions qu'en ses pensées. Il est possible de se mentir avec le mental, l'ego ; alors que les émotions sont viscérales, dans le corps.

L'idée d'une pratique, si elle existe réellement dans une tradition, est de nous guider vers un but. Ce but peut être spirituel, psychologique, physique ou autre. Mais si nous ne connaissons pas l'idée directrice de la voie, le besoin et la tradition, il est difficile de s'engager. C'est aussi une bonne raison pour ne pas s'engager…

Un entraînement va toujours chercher à développer des qualités qui sont nécessaires au but du style : par exemple la force du mental pour le combat, le cardiovasculaire pour le sport et la paix de l'esprit pour le spirituel. Encore une fois, il faut faire attention à ne pas développer des qualités qui ne vont pas dans le sens de notre pratique (les capacités cardiovasculaires dans une voie spirituelle aux dépend de la paix de l'esprit par exemple) sinon nous sortons des priorités de notre voie et nous perdons du temps.

Nous consommons les voies comme des hamburgers, parfois "bios", mais nous n'allons que rarement au fond d'une voie. Une tradition demande du temps et du courage. Nous savons à quel point nous sommes impatients de "changer" et à quel point les changements nous font fuir. Un paradoxe très taoïste.

La pratique nous rapproche trop de ce que nous ne voulons pas voir : cette différence entre "qui nous sommes" et "la personne que nous cherchons à "vendre" au monde".

Ce personnage fictif, qui prend source dans nos nom et prénom, nous le façonnons depuis des années et nous sommes fiers de ce polissage présentable. Ce "faux soi" est nourrit par notre rumination mentale et nos pensées compulsives, "nous sommes parce que nous pensons" (merci à Descartes !). Ce personnage, cette personnalité, (du latin "persona", le masque !) nous est insupportable quand nous devons regarder au travers. Dans la voie nous passons au-delà, lâchant le masque nous allons vers le "naturel", le spontané.

Si nous allons vers dix voies en même temps, on accumule au lieu de réduire et on finit par éviter avec un soin méticuleux tout ce qui peut nous aider, nous ne bougeons pas de notre condition.

Notre souffrance nous permet de nous sentir vivants, de nous prendre pour une forte individualité (personnage) qui se détache du tout, une illusion de bonheur dans une poursuite de renforcement de son ego, une séparation.

Poussé entre épisodes dépressifs et anxieux, entre passé et futur, nous répétons continuellement des cycles sans fin, pavés de soubresauts plaisir/souffrance qui n'en finissent plus.

Il est évident que la paix ne peut se trouver dans cette alternance maladive qui nous épuise et nous fait nous questionner sur le sérieux de la vie ; doit on faire cela pour le restant de nos jours ? Existe-t-il une autre façon de vivre sa vie pour toucher une paix réelle ? Oui, dans une pratique spirituelle, dans une "alchimie interne" nous allons "transmuter" et "sublimer" dans une recherche de paix et de silence.

C'est un processus long, mais qui porte ses fruits… "si on le fait ça marche, si on ne le fait pas ça ne marche pas".

travers cette fuite vers le futur, où "tout va aller mieux", ou dans le rappel constant de notre passé, où "tout allait si mal", nous oublions la réalité : le temps n'existe pas !

Notre perception du temps est faussée par notre mental emporté dans une danse folle, une divagation dans un espace irréel.

Nous n'avons et ne vivrons que des instants présents dans une inconscience plus ou moins épaisse. Je me répète : vous n'avez et ne vivrez que des moments présents plus ou moins dans l'inconscience, dans la présence, il est impossible de spéculer sur celle-ci. Nous ne pouvons réaliser que notre inconscience, nos moments de présence sont des instants qui sont "invisibles", dans les changements du monde, des moments où nous "disparaissons". Une partie (nous) du conscient ne peut réaliser le tout (conscience globale).

Nous ne sommes conscients que de nos inconsciences… hummmm.

Plus nous sommes inconscient et plus les changements du monde seront projetés dans un futur angoissant ou un passé dépressif. Plus nous sommes dans cette dissociation nous/monde, plus notre inconfort est grand. Plus nous sommes dans la trame du temps, moins nous sommes heureux.

Dans ce refus du présent, nous devons nous occuper suffisamment pour ne jamais être conscient : chaque moment de présence nous rappelle que nous sommes séparé de cette union recherchée.

Dans l'instant, un présent accepté, nous ne pouvons être malheureux.

Si le présent est submergé par l'émotions ou la pensée, il n'est pas possible d'être dans l'instant.

La pratique nous remet dans cette présence de l'instant, la voie nous sort de la trame du temps. Les cycles ne peuvent se répéter, nous allons vers un non-choix conscient.

Pour poser les bases de notre pratique nous devons aller dans le sens des initiations d'avant, des rites de passages oubliés. "Poser la base" représente dans la voie taoïste une période de 300 jours ou nous entrons dans la voie. Cette entrée est un changement important dans la vie qui peut provoquer des phénomènes. Tout changement provoque des "frictions", des mouvements qui vont produirent des sensations (souvent désagréables). Souvent nous préférons fuir la voie pour nous réfugier dans ce que nous connaissons : notre personnage et nos habitudes malades mais connues qui nous rassurent. Nous trouvons excuses et plaintes diverses qui vont nous affirmer dans notre fuite.

Certaines souffrances sont réelles, moyens de défense de notre ego en péril. Plus nous allons vers cette union avec les changements du monde, plus notre ego perd ses limites, sa sécurité. Mais si nous continuons sans prêter trop d'attention à ces phénomènes ponctuels, nous verrons ceux-ci perdre de leur force pour disparaître finalement.

La solution la plus évidente après une fuite est une répétition du processus : on trouve une nouvelle voie, un nouveau maître, une nouvelle tenue et un parfum d'encens différent. Coincé dans nos cycles temporels qui se répètent sans cesse, sortie de la réalité de l'instant, nous errons dans une hypocrisie spirituelle et une passivité déguisée. Bizarrement, la souffrance, adoucie par une satisfaction de l'ego, est toujours là.

Dans la connaissance du processus, dans l'acceptation d'une volonté de "retour", nous devons nous engager pour travailler dans un sens unique. Les moments de présence vont se densifier, se répéter et s'enraciner dans notre quotidien. Nous allons doucement nous envelopper dans une acceptation du présent, qui n'a rien à voir avec une résignation emprunte de sensiblerie, et nous glisser dans les changements du monde.

Cette union aux mouvements de l'énergie universelle, capacité à aller "avec" et non "contre", cette détente qui en résulte, tout cela est la Voie.

Mais avant et pour ce résultat, il faut s'astreindre à ses exercices chaque jour, sans fioritures, dans une découverte de l'enthousiasme de la pratique.