mardi 22 mars 2011

“Fais ton ami de ce qui est le meilleur en Vertu”


Bien souvent, nous connaissons mieux les défauts que les qualités, nous connaissons les « péchés capitaux », mais pas les vertus.

Si les défauts capitaux, ceux qui donnent naissance à tous les états émotionnels pathologiques, doivent être surveillés, le plus efficace est de se focaliser sur les vertus correspondantes.

En faisant attention à son comportement, en comprenant ce que l’on cherche, il sera facile de fonctionner mieux et de façonner un monde plus agréable.

Quand on regarde les stoïciens, de Zénon à Marc Aurèle, l’enseignement « sous le portique » prône les vertus comme source du bien vivre ensemble, mais aussi du bien vivre sa vie.

La dérive morale, plus pour le bien de la société que comme accomplissement personnel de Kongfu Zi, illustre la limite de l’enseignement des vertus : si c’est seulement « parce qu’il faut », la perte du développement personnel laisse place à une façon de contrôler le peuple.

Lao Zi, Zhuang Zi et Lie Zi conseille les vertus comme accomplissement personnel, comme imitation de « la Voie du ciel », pour s’approcher du plus grand et faire évoluer le monde.

La chrétienté parlera des 7 vertus, théologales et cardinales, divines et morales, mais dans le but d’éviter l’enfer…

L’idée, dans la prise de conscience de ces vertus, est de se comporter plus justement pour que le monde autour de soi devienne plus harmonieux, plus en résonance avec ce que nous sommes vraiment.

Les vertus sont liées aux « Ombres » et permettent de s’en détacher.

Dans l’association des parties de l’esprit, des défauts et des vertus, nous avons un mode d’emploi pratique pour vivre sa vie le plus joyeusement possible dans un effort de progression. La relation avec les hexagrammes du Yi Jing et les pratiques de l’école nous guide avec plus de précision.

L’esprit équilibré, centré et apaisé nous amène à une vie plus disponible pour nos proches et même notre travail.

Voyons ces vertus ensemble :

Fides


C’est ce qu’on peut voir devant soi, ce qui est la croyance de notre perception. C’est le « Pistis » de Socrate, la partie visible des choses manifestées et source de notre jugement.

Il est important de rester en contact avec la réalité du monde pour ne pas se perdre dans les méandres de notre imagination.

Cette croyance commune, cette perception partagée par le plus grand nombre, nous donne une base commune : même si cette réalité va s’avérer plus fragile qu’au premier abord, elle permet un repère important.

Que le développement personnel soit important ou pas, que la santé soit la motivation ou que la voie soit une expression de ma recherche spirituelle, la réalité du monde est devant nous et nous ne pouvons pas l ignorer.

Pour travailler dans une voie spirituelle réelle, nous devons garder un contact avec le monde dans lequel nous vivons et assumer nos responsabilités : la fuite dans une pratique d’isolation n’est pas une solution, nous vivons dans le monde.

Donc, « fides », c’est être responsable dans sa vie de tous les jours pour pouvoir se consacrer aussi au spirituel : c’est la racine de mon incarnation qui me permet une élévation.

Pour être un être humain complet, dans le monde d’aujourd’hui, il est important de s’assumer et de regarder le monde comme on regarde le ciel.

Négliger le réel est trop souvent une fuite ou un abandon, par faiblesse ou par peur, mais qui ne peut pas aller vers un équilibre profond de l’être.

Spes


Comprenant le monde, à l’image de la « Voie du ciel », il nous est possible de savoir que tout va bien se passer.

C’est loin de l’espoir malade, cette « peur qui a mal tourné » disait Trungpa, mais plus proche de la constatation par espérance.

Ayant en mémoire les moments pénibles de ma vie, il est possible de réaliser que tout va mieux : le monde va dans le bon sens, dans le sens de la résolution des déséquilibres : en revanche, parfois, la résolution des déséquilibres peut être abrupte.

Spes, c’est la clarté de l’esprit entrainé : il voit que les changements du monde portent l’homme vers une résolution des problèmes, vers une évolution dans un sens positif.

Plus nous constatons les possibilités de notre esprit et la cohérence du monde, plus nous pouvons adhérer au fait que « tout va bien se passer ».

Les stoïciens disent que « l’espérance est un désir qui ne dépend pas de nous », que c’est un désir dirigé vers les changements du monde pour une réalisation.

Aristote parle de « Spes » comme la réalisation de celui qui connaît le monde, la clarté de l’esprit montre la voie d’un monde juste : la justesse est-elle la réalité ou le résultat du comportement du chercheur ?

Spes, c’est la confiance dans la Voie du Ciel ou tout va dans le bon sens, c’est aussi l’abandon dans sa voie et dans sa vie, l’acceptation de ce qui est et la réaction contre ce qui peut se changer.

Caritas


Par reconnaissance de soi dans l’autre, c’est une vraie volonté d’aider l’autre par égoïsme.

Nous sommes ici loin de la compassion, « cum patior » ou « je souffre avec », qui est l’idée de partager tendrement les malheurs avec les autres : nous souhaitons aller bien avec les autres.

Nous parlons ici de la capacité d’agir justement par une vision de sa nature, de ce que nous sommes vraiment.

Cette réalisation de notre voie nous guide vers une direction pour notre vie : c’est ensuite à nous de suivre ce chemin ou non.

Chaque fois que nous suivons notre nature, que nous allons dans le sens de ce que nous avons compris de nous- mêmes, nous allons dans le sens de Caritas.

Caritas est aussi dirigé vers nous : nous devons nous respecter dans nos choix, ne pas aller dans le sens inverse aussi bien avec nous-mêmes qu’avec les autres.

Pythagore dit dans ses vers dorés :

« Et ne pratique de chose honteuse jamais, ni avec un autre, ni en particulier ; Mais plus que tout respecte-toi toi-même. », c’est Caritas !

Le respect de sa vie et des autres, comme une partie de nous, c’est la liberté de s’exprimer justement dans la vie : prendre la place qui nous revient sans empiéter sur celle des autres.

Suivre les signes de la vie, accepter d’écouter ce qui est au plus profond de nous et se fondre dans les changements du monde, voilà comment agir pour façonner une vie qui va laisser de la place pour la transmutation que cherche le pratiquant.

Caritas est agir en fonction de ce que l’on a compris de sa vie et de son être : il est important de réfléchir avant de s’emporter dans des actions sans direction.

« Ne fais rien de ce que tu ignores, mais apprends tout ce qu'il te faut et c'est la plus agréable vie qu'ainsi tu passeras”, nous rappelle encore Pythagore.

Fortis


Nous sommes ici dans la force, le courage de faire dans le monde. Accomplissement que nous cherchons, c’est agir dans le sens de nos valeurs, défiant les limites imposées par le monde.

La reconnaissance de ce qui est juste est mise en mouvement par notre force intérieure.

Cette force d’action va nous permettre d’agir dans le monde et de faire progresser la Voie au sein de nos groupes : c’est notre contribution au monde.

Nous sommes là dans l’importance de faire si nous le voulons, pas seulement de prévoir de faire.

« Habitue-toi à mener un genre de vie pur, sans mollesse”, Pythagore le dit : sans mollesse, avec un passage à l’action.

Dans le jugement et les fantasmes, nous pouvons nous retrouver à prévoir et à construire, sans vraiment faire quoique ce soit.

Passer à l’acte, agir, sans avoir peur du monde, confiant de notre propre force et de la justesse de nos valeurs.

Une des meilleures manières de calmer l’esprit, c’est de passer à l’action le plus vite possible après chaque planification : en permanence en action, l’esprit s’apaise.

La peur est aussi une limite à l’action : en effet, c’est l’anxiété de notre faiblesse qui nous limite dans nos gestes.

Pour dépasser nos peurs et aller dans le sens de notre recherche de perfection, il est nécessaire d’agir, de manifester notre intention.

Fortis nous permet de nous réaliser dans la réalité et de ne pas seulement penser, mais aussi d’agir : cette action est l’effort que nous devons faire pour être vrais dans nos propos.

Temperantia


« Appliquez vous à garder en toute chose le juste milieu », cette recherche de l’équilibre permet de ne pas se perdre dans l’excès. Kongfu Zi, comme Pythagore et Aristote, nous encourage à ne pas nous emporter, en rien, pour conserver notre force au centre.

Perdre son centre, « s’émouvoir » du latin emovere, c’est se laisser déborder par les émotions.

S il est important de vivre pleinement ses émotions, il est nocif et dangereux de se laisser chambouler par celles-ci : c’est la cause la plus importante de maladie interne dans la médecine taoïste et chinoise.

Pour combattre « hubris », la démesure, les anciens philosophes grecs nous conseillent la tempérance comme qualité première.

Les vers dorés nous disent « habitue-toi à maîtriser celles-ci : l'estomac tout d'abord et le sommeil ainsi que la sexualité et l'emportement », voilà pour les conseils de tempérance.

Le Tao nous enseigne de ne pas avoir de limites, mais que cette absence de limite soit équilibrée… voilà de quoi occuper celui qui veut saisir ces concepts par l’esprit mental.

Tout est bon et rien ne se juge comme mauvais, mais il faut chercher à trouver un bon équilibre dans nos différentes actions.

Ces actions dépendent directement de nos valeurs d’interaction avec les autres : que ce soit à deux ou à deux mille.

Prudentia


C’est l’arme principale pour atteindre l’ataraxie des stoïciens, l’absence de passions négatives, l’équilibre des émotions.

C’est l’introspection qui va permettre de comprendre, d’assimiler les concepts et de percevoir les actions à entreprendre.

Cette « clairvoyance » permet de comprendre les changements à venir, par la vision claire du moment présent.

Connaissant et appréciant les signes du monde, ayant l’habitude de l’introspection, nous pouvons déduire les changements du monde par notre connaissance du Yi Jing appliqué au réel.

Les passions et les émotions de longues durées ne peuvent nous blesser si nous les voyons arriver : nous devons juste rester vigilants pour respecter cette prudence permanente.

Attentifs à nos perceptions, présents au moment que nous vivons, notre quotidien se transforme sous l’effet de la conscience et nous comprenons les choses du monde.

Cette qualité est la plus facile à comprendre, la plus importante pour le travail quotidien et celle dont nous parlons le plus souvent : attentifs au monde, à nos perceptions et à notre interaction avec les autres, les changements du monde nous sont familiers.

La connaissance de soi, de la voie de l’homme, nous donne une idée de la Voie du ciel : ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, nous dit Hermes.

Cette qualité est l’introspection constante et soutenue par notre vigilance.

Sinceritas


L’intégrité de se comporter en parfaite adéquation avec nos valeurs et la perception que l’on a de sa nature profonde.

C’est la planification du passage à l’acte simple du' quotidien, en cherchant à respecter le plus possible l’image idéale de soi, celui que l’on voudrait être.

Nous ne sommes pas là uniquement dans l’intellect, mais nous sommes dans la vision claire de notre idéal par une disponibilité attentive.

Dans la pratique de la voie, il n’y a pas de raison de ne pas faire ce que nous savons juste : le fait de ne pas le faire peut nous amener frustration et irritabilité, mais suivre nos valeurs nous rend disponibles au monde.

Faire ce qui doit être fait, accepter d’aller dans le sens de notre « légende personnelle », c’est se donner la disponibilité pour accueillir les manifestations et les phénomènes.

Nous devons ici développer une capacité à être simplement qui nous avons appris à connaître : moins nous prétendons, plus nous sommes clairs avec nous-mêmes et les autres et plus nous donnons de la place à la lumière pour nous transformer.

Dans cette simplicité vraie, nous ne nous laissons jamais emporter, nous sommes justes et notre monde nous apparaît donc juste aussi.

Justitia


“Suum cuique tribuere”, attribuer à chacun sa part : voilà la vision d’Aristote.

Justitia, c’est l’espace donné à chaque humain de se réaliser, dans la société.

Dans l’idée de la société Socratique parfaite, le groupe s’organise pour fonctionner avec une acceptation des particularités de chacun, mais dans le respect des « lois de la cité », des règles de la société.

Socrate parle de la « justitia » comme la médecine de la société, l’équilibre et l’osmose qui permet de garder la santé des groupes humains.

Pour l’humain il faut respecter les règles naturelles, la chronobiologie et une certaine hygiène de vie et pour la société, il faut accepter les autres, mais dans le respect du groupe et du lieu.

Pythagore : « Ensuite exerce la justice et en acte et en parole et de te comporter en tout sans réflexion ne prends point l'habitude ; Mais sache que mourir est la destinée de tous » : en étant attentif à la réalité, chaque chose se doit d’avoir une place évidente.

Si nous ne prêtons pas trop d’importance à notre ego et à notre recherche de plaisirs ponctuels, nous savons où est la part juste pour chacun.

Laissons chaque chose à sa place et n’acceptons jamais de fermer les yeux sur ce qui n’est pas à sa place : nous savons quand c’est injuste et nous nous devons d’agir si nous le pouvons.

Parfois il est important de s’exprimer pour être honnête dans le monde, c’est un test de nos peurs et une confrontation à une réalité que nous ne percevons pas comme droite.

Apprenons à nous manifester plus dans les moments ou c’est nécessaire, trop souvent nous n’osons pas et c’est là tout le travail.

Nous voilà armés de nombreux efforts à faire en permanence dans notre vie, avec ces informations, il ne nous est plus possible de ne pas faire évoluer notre quotidien.

L’enthousiasme à travailler ces qualités ne se trouve que dans une démarche complète et sous le couvert d’une voie globale, mais nous pouvons tous garder ces informations en mémoire pour vivre plus consciemment.

Travaillons ces qualités pour nous permettre de nous perfectionner et de faire évoluer notre monde dans le bon sens.