lundi 29 juin 2009

dimanche 28 juin 2009

Travailler le De pour comprendre le TAO

Dans le taoïsme il est de rigueur de travailler sa pratique pour qu'elle devienne "pure et vraie" et non plus un phantasme. Pour qu'elle devienne manifestation du Tao, celle qui ne peut être expliquée ni clairement exprimée. Puisqu'il ne peut être saisit intellectuellement, le Tao peut être "senti" ou "perçu" par la pratique, c'est la "vertu" taoïste (je déteste ce mot) que l'on retrouve dans le "de" de Tao de Jing (le livre de Lao Zi, pour ceux qui ne suivent pas…).

"Quand cultivé et exercé en soi,
Le Tao manifesté (De) deviendra pur (sans parasites) et naturel (vrai pour soi même)"
chapitre 54.

Donc il est nécessaire d'expérimenter tous les jours les facettes perceptibles du Tao pour comprendre le monde énergétique et absolu. Sans ce travail, cette répétition d'expérimentations, de ressentis, on ne peut parler que d'une vision mentale et intellectuelle d'un hypothétique Tao, sans expériences, fondé sur l'ignorance.

"Comment puis je connaître la situation de toutes les choses sous le Ciel ?
Précisément par la méthode décrite ici (travail et expérience sans image mentale)"
suite chapitre 54.

Dans la non différence des composantes du Tao, l'unité de chaque chose, les arts de combat permettent de sentir cela. Les arts de combat sérieux, violents, ne sont pas là pour se préparer à se battre mais pour apprendre à sentir, par le corps, cette unité du De, la manifestation du Tao. Si la violence utilisée dans les arts de combat est "pure et naturelle", il n'est plus vraiment utile de se battre car :

"Celui qui possède le naturel du De est comme un nouveau né
(ou un "né de nouveau" !),
Les insectes venimeux ne vont pas le piquer,
Les fauves ne le blesseront pas,
Les oiseaux de proie ne l'attaqueront pas,
Ses os sont souples et ses tendons (muscles) décontractés,
Mais sa poigne est ferme."
chapitre 55.

Ling Tai, le nouveau né "Spirituel", est le nom d'une étape avancée de la réalisation alchimique. C'est un passage ou les Trois Trésors (San bao), Jing (essence), Chi (énergie) et Shen (esprit) sont "travaillés" et fondus ensemble. L'expérience du Tao a été faite par le travail alchimique, quotidien et par le corps, l'unité avec le monde est alors proche.

Dans cet état, l'unité avec le monde, le Tao, permet de ne plus se soucier de la violence et du quotidien, tout se fait, se passe, sans action. Le non agir, le fait d'aller avec et non contre, est la résultante d'un long travail alchimique et énergétique, il n'a rien à voir avec le fait de rester sur ses fesses toute la journée. Le dégagement émotionnel vis à vis de la violence et du combat vient du travail et de la fusion avec cette violence et ce combat, pas en regardant des films de Van Damme.

La recherche "du plus puissance" pour lutter contre la puissance, la vision externe des arts de combat, ne supporte pas le passage du temps…

"La puissance fait vieillir,
C'est être contraire au Tao,
Ce qui est contraire au Tao doit périr",
fin du chapitre 55.

Ce n'est pas que le Tao "c'est le plus fort du monde", mais que tout ce qui va contre les lois de la nature est impermanent. Cultiver la force extérieure ne peut amener qu'à être le plus fort… le jour où on est le plus fort, c'est la veille du déclin de notre force.

Si l'harmonie interne, de notre énergie et de nos organes, est en accord avec le Tao, les lois énergétiques externes à notre corps, c'est l'unité avec le monde. Cet état d'Harmonie nous permet une énergie perméable entre nous et l'extérieur, une limite infinie.

" Le "né de nouveau" peut exprimer la force toute la journée (crier) sans se fatiguer,
Son harmonie interne est simple et parfaite (en accord avec le Tout),
L'essence et l'harmonie dans cet état sont naturelles et constantes
(non pas déclinantes),
Connaître par la pratique cela (pas par la discussion!), c'est la sagesse
("sentir" le Tao)",
toujours chapitre 55.

Et surtout, cette citation finale :

"Plus les hommes auront des armes aiguisées,
Plus le monde sera dans la violence."
chapitre 57.

Travailler les façons de corriger un impoli, les méthodes de baffes pédagogiques et la force pénétrante d'impacte objectif… c'est bien… mais il ne faut pas oublier de ne pas corrompre ses intentions, pour en fait se rendre plus malheureux qu'avant…

samedi 27 juin 2009

Les Changements du Tao



Le Taoïsme est une capacité à saisir les changements du monde et à se fondre dedans grâce à une "non action", indispensable pour une certaine qualité de détente.


La croissance, les changements et le déclin des phénomènes et des choses, les cycles naturels et les principes de création/destruction, sont à l'image du mouvement du Tao.


Ce mouvement, Fan, est une "réversion", un "retour".


Tout ce qu'il est nécessaire de savoir sur les mouvements du Tao se trouve dans le chapitre 40.


Toute l'alchimie interne taoïste parle du retour, Fu , par le mouvement de retour sur soi, Fan.


Ce retour au spontané et au naturel, existant avant l'attachement à l'image de soi, est la pratique.


Chapitre 40 :


反者道之動 , 弱者道之用

天下萬物生於有 , 有生於無


Réversion est le mouvement du Tao

Faiblesse est l'expression du Tao


Toutes les choses sous le ciel viennent du manifesté,

Le manifesté vient du non manifesté.


"Fan", réversion, mouvement de retour, régression, est similaire dans ce contexte à ce que nous voyons au chapitre 25 :


大曰逝

逝曰遠

遠曰反


Grand donc en mouvement (da yue shi)

En mouvement donc à l'origine (shi yue yuan)

Antique donc à l'origine (yuan yue fan)


Il faut voir ici un mouvement circulaire, sans fin, dont l'origine et l'aboutissement sont identiques.

C'est l'absence de progression, d'ajout. C'est une recherche de simplicité, une volonté de faire plus que simplement apprendre. Ce retour mène vers le naturel : ce qui est déjà présent, mais qui demande à refaire surface.


Le mouvement est un mouvement de retour, pas d'évolution ; en fait d'évolution dans le retour. Le fait d'ajouter, d'accumuler, ne peut aller dans le sens d'une simplification. Plus on cherche et plus on trouve à chercher. C'est une action sans fin qui se projette dans le futur, une représentation linéaire. Le retour est un mouvement circulaire.


La faiblesse est celle du bambou par rapport au chêne, de l'eau par rapport au feu : une faiblesse relative qui est source de pérennité.


Dans le chapitre 43, il est dit " Ce qui est mou dompte ce qui est dur".


天下之至柔

馳騁天下之至


Sous le ciel, ce qui est mou

Domine ce qui est dur (sous le Ciel)


Cette idée de "mou" est plus proche de "doux". Cette douceur et faiblesse apparentes se retrouvent dans les arts de combat, à mains nues ou armées, dans les rapports humains conflictuels, dans la vie en général.


On retrouve ici les deux termes de "Wu" et de "You" que nous avons au chapitre 1.

: Wu est ce qui n'est pas manifesté, l'origine de ce qui est.

You est ce qui est manifesté, ce qui est du domaine du perceptible.


La manifestation prend sa source dans l'absolu non manifesté. Le monde prend sa source dans la manifestation du Tao. Le Yin prend sa source dans le Yang, l'action dans le mental.


Le symbole du Taiji, ce cercle noir et blanc avec deux points, est la représentation du mouvement du Tao. C'est seulement vers 500 ans avant J.C. que Zou Yan va mettre en forme cette figure que nous connaissons bien… 1500 ans après les débuts du Yi Jing.


Cette représentation n'a d'intérêt que si on y voit le mouvement, ce "retour" de l'un des absolus vers l'autre, cette interaction dynamique qui définit les concepts de yin et de yang.


Cette spirale sans fin et sur elle-même, peut contenir cette idée de réversion. Elle évolue et change, mais reste identique à elle-même, c'est une représentation des cycles et des changements du monde.


Ce chapitre concis nous donne beaucoup d'informations sur la pratique :

  • L'étude est nécessaire, mais elle n'est pas la pratique
  • Les bases sont les pratiques les plus avancées
  • Revenir sur ce qui est "connu" est une nouveauté perpétuelle
  • Attentif à la vie, tout change sans cesse dans une nature identique


Les mouvements et fonctions du Tao sont la source des changements et transformations des phénomènes du monde. Comprendre cela, dans une observation éveillée, permet de s'unir aux changements du monde dans une non action active. Cette compréhension fait référence au Yi Jing (livre des changements), source du feng shui (géomancie).


Ce retour aux racines est une tentative humaine de se rapprocher le plus possible du Tao, sans pour autant l'atteindre. Il n'est pas possible de l'atteindre puisqu'il est dans le non manifesté et que l'humain est une manifestation de cela. Comme l'oeil ne peut se voir lui-même, ce qui est créé ne peut appréhender ce qui a créé.


Après la conception, l'humain ne peut que goûter le De (), la manifestation du Tao et son expression au sein du monde. Nous ne pouvons voir la nature profonde de ce qui n'est pas accessible à notre compréhension, nous pouvons en revanche en apercevoir les manifestations.


Ce chapitre est une sublimation des détails du chapitres 25, plus concis et précis tout en devenant plus nébuleux pour le non pratiquant. Un homme sage plaisantait en disant : "un non pratiquant n'a pas plus à faire dans le Daodejing qu'un japonais dans un cours de taijiquan".


Dans l'histoire de l'humanité, bien des phénomènes sont allés vers leur destruction après leur apogée. On retrouve ce mouvement naturel de réversion, de création/destruction cher à Lao Zi. C'est le principe des cycles naturels de notre système.


Il est intéressant de noter que dans l'idée taoïste de changements des phénomènes, de toutes les façons, tout revient à la source. Ce retour est la raison pour laquelle nous ne cherchons pas un rapport au temps (passé et futur), mais une union au présent. C'est l'idée du voyage dont le but n'est pas l'arrivée, mais le déroulement de celui-ci. La vision circulaire du Taoïsme par comparaison avec la vision linéaire occidentale.


L'immobilité, le calme, la détente et la non résistance vont amener à vivre en harmonie avec les changements du monde, à bien profiter de tout ce qui se présente dans sa vie, pour revenir à la source sans conflit. Ce non effort actif nous permet de vivre en harmonie avec le Dao, à l'inverse du mental qui se nourrit du temps et des attentes, des projections et des questions, du doute et de l'espoir.


La faiblesse du Tao est une apparente faiblesse : c'est la force dissimulée de l'eau. Rien n'est plus fluide et d'apparence plus faible que l'eau. Dans les techniques des arts de combat, si la puissance d'impact est nécessaire, la fluidité du geste est la source de la destruction de l'ennemi. Cette fluidité "naturelle" qui se travaille, c'est la puissance de l'eau.


De plus, l'eau n'a pas de forme, elle s'adapte à son contenant, tout comme l'air. Si l'eau est dans une coupe, elle prend la forme de celle-ci, si l'eau est dans l'océan, elle prend la forme de la Terre. L'air fait de même. L'eau et l'air sont le yin et le yang du feng shui (géomancie chinoise qui signifie "vent et eau"). Le Tao regroupe ce yin et ce yang.


Nous voyons cela dans l'étude du début du chapitre 78 :


天下莫柔弱於水

而攻堅強者

莫之能勝

以其無以易之


Sous le Ciel, rien n'est plus adaptable et souple que l'eau

Pourtant, elle érode le plus fort et le plus rigide

Rien ne la surpasse pour cela


弱之勝強

柔之勝剛


Le souple surpasse le dur

L'adaptable surpasse le rigide


L'image de l'eau est idéale pour exprimer cet aspect du Dao. Si la souplesse est importante, le concept d'adaptabilité est vraiment la qualité qui mène au retour, au simple. Dans la capacité de détente qui est nécessaire pour s'adapter, il y a déjà un début de retour.


C'est le "De" (manifestation du Dao) qui est pratiqué et qui pointe vers le Dao, qui ne peut se comprendre.


Tout cela est intéressant et demande quelque chose de difficile, mais d'indispensable : la pratique.


Tout le monde est d'avis qu'il est préférable d'être détendu, souple et adaptable, mais il est rare de voir des gens qui pratiquent dans ce sens, qui aménagent leur vie dans ce sens.


Lao Zi en témoigne déjà à son époque… et cela reste d'actualité.

Dans la suite du chapitre 78 :


天下莫不知

莫能行


Sous le ciel, tout le monde peut comprendre cela

Pourtant, personne ne le pratique


Le chapitre 78 se termine par une phrase qui reprend un thème de Lao Zi :


正言若反


La vérité exprimée peut apparaître paradoxale



Il ne faut pas toujours croire ce qui est exprimé et ne pas forcément en douter non plu. Il ne faut pas trop parler et ne pas trop étudier, mais il faut acquérir la Connaissance. Ce qui est perçu peut être faux, tout en sachant qu'il faut être attentif à ses sens… tout cela n'a rien de paradoxal.


Tout ce qui est dit est cohérent si on ne se réfère pas à une compréhension intellectuelle, mais à une compréhension par l'expérience directe, par sa pratique personnelle.


Cette capacité taoïste qui vise à se fondre dans les changements du monde demande de faire émerger des qualités naturelles, mais dormantes, au sein de chaque être humain. Il n'est donc pas question de gagner quoi que se soit !


Le Tao du Ciel et le Tao de l'Homme

Dans le Lao Zi (Dao De Jing), ces deux façons de faire sont mises en opposition et en rapport.

La distinction entre les deux est très importante : le Tao du Ciel est un exemple de naturel, non-discrimination et spontanéité… un exemple à suivre pour l'homme.

C'est la nature, l'Univers et tous les changements sous le ciel qui composent "la Voie du Ciel".

Cette voie n'est perceptible qu'avec une attention portée sur autre chose que soi, dans la simplicité de l'observation (Yi Jing).

Le Tao de l'homme est un assortiment des mécanismes de fonctionnements malades de notre mental égotique, de pensées compulsives et de défense de notre importance illusoire.

Dans les chapitres 77 et 79, nous verrons les différences et les points communs de ces deux versants de la Voie. Cette comparaison va nous aider à aller chercher dans la Voie du Ciel une inspiration pour vivre en harmonie avec les changements du monde.

5.1 (Chapitre 77)

天之道 其猶張弓與

高者抑之 下者舉之 有餘者損之

不足者補之

天之道 損有餘 而補不足 人之道 則不然

損不足以奉有餘

孰能有餘以奉天下 唯有道者

是以聖人為而不恃 功成而不處 其不欲見賢


Le Tao du Ciel ressemble-t-il au tir à l'arc ?

La partie haute va vers le bas et la partie basse vers le haut,

L'excessif est réduit et l'insuffisant augmenté.

Le Tao du Ciel réduit le trop plein,

Et augmente l'insuffisant.

Le Tao de l'homme fait l'inverse :

Il réduit ce qui est insuffisant,

Et rajoute à ce qui est excessif.

Qui est capable de donner son superflu ?

Seulement celui qui suit le Tao !

Le Sage n'accumule pas pour lui-même,

Plus il partage avec les autres, plus il possède,

Plus il donne aux autres, plus il est riche.

Le Tao du Ciel est un bien pour toute chose, il ne cause pas de souffrance,

Le Sage agit sans être en compétition avec les autres.

L'allégorie qui explique le fonctionnement du Tao du ciel est celle du tir à l'arc.

Plus précisément, le moment de la visée avec l'arc tendu. Dans la tension dynamique de la vie, en rapport avec la tension de l'arc tendu, il se fait des ajustements simples pour conserver la direction juste pour aller vers la cible.

Le bas se lève pour viser où le haut se baisse pour ajuster : un équilibre yin et yang.

Lao Zi va ici donner son interprétation de ce qui devrait se faire dans la vie de tous les jours, dans le respect des changements perçus : s'il n'y a pas assez, il faut en rajouter ; s'il y a trop, le dépenser.

Mais l'homme va souvent dans l'autre sens, sans respect pour sa sensation innée de ce qui est la Voie.

Les cycles de la nature, de la vie et de la mort, du bonheur et du malheur suivent la Voie du Ciel, pas la voie des hommes, il n'y a pas de logique humaine aux cycles de la vie.

La vie accueille l'humain, celui-ci doit aller dans le sens du monde, pas l'inverse.

Lao Zi est contre cette idée d'accumulation des richesses pour la satisfaction d'avoir plus et le fait d'envahir ses voisins pour montrer sa force : c'est une erreur que de montrer sa force, de rester dans une tension compétitive.

La recherche dans la puissance et le pouvoir du manque interne d'union avec le monde ne va nulle part, c'est une relation pathologique avec le monde.

Ce malaise de l'humain qui sent ce vide interne et qui nous pousse au shopping aujourd'hui poussait les généraux de l'époque de Lao Zi à se battre sans cesse pour asseoir leur puissance maladive.

Dans plusieurs autres versions du Dao De Jing, la fin de ce chapitre est ajouté au chapitre suivant, mais dans la logique que nous suivons, il est sensé de mettre ces lignes ici.

Par l'observation des phénomènes naturels comme les transitions et les changements, le mouvement et l'immobilité, la croissance et le déclin, la montée et la descente et la vie et la mort de tout ce qui fait le monde, Lao Zi conclue qu'il existe un Tao du Ciel.

Cette Voie naturelle qui régit le monde des choses laisse la nature devenir ce qu'elle doit devenir, sans imposer ou commander, sans domination ou action intentionnelle ; il est possible de comprendre les changements du monde, d'aller dans leurs sens.

Le Tao du Ciel est le cœur de l'Univers qui équilibre l'ensemble du manifesté. Cette compétitivité maladive qui repose sur le malaise de l'humanité séparée de l'union avec cet univers équilibré, cette volonté d'imposer et de dominer, de contrôler et de décider, sera ce qui sera nommé le Tao de l'homme.

Le Tao de l'homme est une compensation égotique pour tenter de dominer les cycles de l'Univers, c'est vain et source d'insatisfactions.

L'excitation insatiable des désirs et des corruptions de la voie de l'homme, ce besoin malade de possessions qui amèneront à la domination ou au conflit avec son voisin, la discrimination dans les classes sociales et ethniques, tout cela mène aux conflits et au désordre, à la souffrance et à la destruction.

Il est nécessaire que l'homme suive la Voie du Ciel pour sa pérennité. Par la détente et donc l'écoute, l'homme peut mieux percevoir les changements de la nature et du monde autour de lui. Par la pratique, il éduque son attention, son observation, pour se fondre dans les changements du Ciel.

En se glissant doucement dans ce courant, comme le nageur de Tchouan Zi, l'humain va pouvoir suivre sans aucune intention destructrice l'ordre des choses, la non action par excellence, la mise en pratique de la compréhension du Livre Des Changements, le Yi Jing.

Le monde d'aujourd'hui tourné vers l'extérieur et le brillant, ce qui impressionne et ce qui fait du bruit, ce qui distrait et ce qui évite une réflexion simple, ce monde est un monde où le silence est trop absent pour pouvoir écouter.

Dans ce bruit, nous ne pouvons atteindre cette paix qui est celui que nous sommes vraiment, nous devons faire un travail pour retourner à notre nature enfouie sous des couches d'acquis et de mondain, conditionnées par le monde des pensées et de la futilité.

Ce travail personnel va réveiller notre nature qui sommeille en nous et nous permettre de rejoindre celui que nous sommes, en accord avec la Voie du Ciel.

5.2 (Chapitre 79)

和大怨 必有餘怨 安可以為善

是以聖人執左契 而不責於人

有德司契 無德司徹

天道無親 常與善人

En réconciliant deux camps qui se haïssent,

Cela laissera sûrement un peu de haine.

Si on remplace le mal par le bien,

Comment peut-on trouver une bonne solution ?

Pour cela le Sage garde la reconnaissance de dette,

Et ne demande pas son remboursement.

L'homme de la Voie est généreux et ne réclame pas,

Alors que l'homme en dehors de la Voie est dur et calculateur.

Le Tao du Ciel n'a pas de préférences,

Il est toujours avec celui qui suit la Voie.

Dans les affaires mondaines, des solutions logiques ne peuvent soigner des blessures émotionnelles ou mentales. Une discrimination mentale laissera toujours un problème non résolu, la justice ne peut transformer le malaise de l'homme.

Seule la spiritualité, la prise de conscience, peut aider l'homme profondément, sans laisser de goût amer.

Dans la Chine ancienne, lors d'un contrat, chacun des participants gardait une des parties du contrat.

La partie gauche était pour celui qui devait gagner de l'argent ou qui vendait, la partie droite pour l'autre, celui qui devait, achetait.

Si on demandait ce qui nous était dû par contrat, il fallait "donner la partie gauche".

Dans le texte il est recommandé de "ne pas réclamer la partie gauche" ou traduit ici par :

Pour cela le Sage garde la reconnaissance de dette,

Et il ne demande pas son remboursement.

Ce contrat était, à l'époque de Lao Zi, un bout de bois comportant les termes du contrat qui était coupé en deux morceaux.

"Le Tao du Ciel n'a pas de préférences" est similaire à : "le Ciel et la Terre ne sont pas humains", toute chose a le même traitement, pas de préférence dans la nature à l'inverse du Tao de l'homme.

Pour une voie qui va dans le sens d'une évolution vers un monde qui suit le Tao du Ciel, l'homme ne doit pas toujours suivre la logique, il doit se laisser aller dans le silence et la détente de la Voie. Dans cette écoute, il peut avoir accès à ce qui est déjà en lui, ce qu'il sait sans l'avoir appris.

Dans la Voie, la justice sera servie, mais parce qu'il n'y aura plus de conflits, pas à cause de peines justes. On ne peut soigner les blessures qui ont des racines émotionnelles et mentales avec des cadeaux ou des punitions.

Pour alléger la peine des gens il est nécessaire de faire connaître la Voie. Par la pratique de celle-ci, dans un rapport intime au monde des changements naturels et à soi-même, les problèmes se dissolvent sans être compris.

"Comment peut-on trouver une bonne solution ?"

Par une pratique et une observation du monde des changements et la fusion de notre personnage dans le Tao du Ciel.

La détente nous mène à la possibilité de percevoir simplement.

Cette perception nous donne une route à parcourir dans le respect de la réalité du Monde.

C'est la Voie.

Les Formes ne servent à Rien


Je parle ici des formes chorégraphiées et composées de plusieurs techniques singées dans le vide.

J'ai eu la chance de rencontrer de nombreux pratiquants talentueux et des maîtres en art martial, ceux-ci partagèrent avec moi des formes et des exercices que je pratique aujourd'hui encore.
Après tout ce temps, j'ai envie de dire : que ce soit pour le combat, pour le développement énergétique ou pour l'aspect spirituel, les formes ne servent à rien.

En matière de combat, les exercices qui modifient les qualités principales du pratiquant (c'est à dire sa force et son "cœur"), suffisent à préparer la base pour aborder la confrontation physique.

Les formes ne donnent qu'une illusion de techniques infaisables et fantasmatiques. Elles prennent un temps précieux au pratiquant qui ferait mieux de travailler sérieusement… Mais je n'ai jamais rencontré de combattant qui n'avait pas une bonne formation technique, basée sur le travail des formes, ou du moins des formes de corps. Il existe bien quelques forces de la nature, plutôt teigneux et rugueux… mais qui sortent du cadre des pratiquants.
Pour l'utilisation des "vecteurs de force", pour le respect de la structure dans l'action et du transfert de la force, la répétition des formes est peut être une bonne idée. De plus, la fluidité du geste, non parasité par les pensées puisque le mental a eu le temps d'intégrer l'apprentissage de la forme, permet d'enchaîner les frappes… de garder l'équilibre… hummmm.
Je ne parle pas des mouvements "uniques", ceux que l'on entraîne plus tard pour "sortir le jing", mais des formes "dansées".

Pour le travail de la circulation du sang, donc de l'énergie, il suffit de se relaxer, et "ça va venir"… Quelle idée de faire des mouvements qui sont sensés "faire circuler l'énergie" ou encore "ouvrir les méridiens" ! Pourtant, il est évident que certains gestes développent et renforcent certaines parties du corps. Ce développement amène une meilleure circulation, donc une circulation accrue de l'énergie. Se pourrait-il que des petits malins aient regroupés ces mouvements pour en extraire des "formes" ? Si ça n'a pas été fait, ça me semble une bonne idée.
Les formes que j'ai pu découvrir dans les arts internes d'influence taoïstes, celles qui ne datent pas d'avant hier, ont cette caractéristique de promouvoir une circulation équitable dans l'ensemble de la structure physique, de "tirer" sur les trajets des méridiens de la médecine chinoise et tout cela dans une dépense minimale de gestes. On peut faire sans, mais comme c'est déjà là….

Pour la pratique spirituelle, qui n'intéresse que peu de monde, je ne dirai rien… mais je n'en pense pas moins.

Les formes ne servent pas pour le combat, mais leur pratique va "détendre" et renforcer les qualités du combattant. Elles occupent une place bizarre, inutiles mais indispensables…
Les formes ne servent à rien, mais sans la pratique de celles-ci, la route semble plus longue.

Un paradoxe !

Je pratique les "routines" depuis toujours, je les crois utiles.
Mais il me semble qu'il y a un paradoxe concernant leur rôle : elles ne servent pas pour les raisons pour lesquelles elles sont pratiquées.

Les sportifs ou les pratiquants des sports de combat ne connaissent pas cette pratique. Ils se concentrent sur les "mouvements uniques", les techniques et leurs applications.

Dans les arts internes, l'entraînement des formes est souvent suivit par l'entraînement des mouvements uniques. Ce sont des gestes souvent extraits des formes, qui se travaillent isolément, pour rentrer dans le "non pensé", et pour apprendre à sortir la force.

Chaque geste sera ensuite travaillé pour devenir plus puissant et plus détendu, le tout intégré ensuite à la forme liée.

Les exercices et les méthodes d'entraînement pourraient suffire, comme dans le yi chuan par exemple, mais pourtant, le goût n'est pas le même.
Il y a quelque chose de "magique" dans les formes, une étincelle du passé, un contact avec autre chose.
Je suis amateur de formes rares ou anciennes, pour le plaisir de l'esprit ou pour apprendre une façon de "sortir" le jing dans un système précis. En même temps, elles me semblent peu utiles, mais toutefois indispensables.

Parmi les professeurs que j'ai rencontrés, pas un seul ne pratiquait encore les formes, ou seulement pour les enseigner. Par contre, ils avaient souvent une pratique libre, nourrie par les formes qu'ils avaient pratiquées auparavant. A un certain niveau de liberté du corps et de l'esprit, la forme ne peut se contenir dans sa structure pré-établie, mais sans forme la liberté est dure à trouver.

Le rôle des "routines" est beaucoup plus fin que ce qu'il y paraît.

Il y a les mouvements de base, qui se travaillent au début.

Les exercices et méthodes d'entraînement des arts internes, les 'nei gong" et "wai gong", vont faire de ces mouvements des gestes qui vont pouvoir acquérir puissance et décontraction.

On apprend ensuite les formes, danses structurées qui incorporent les mouvements de base.

Dans ces "routines", les mouvements de base sont souvent utilisés différemment que dans les exercices de base, on leur donne une liberté et un mouvement supplémentaires. La liaison entre les gestes, la combinaison des mouvements et la continuité de la force au fil de la forme doit faire l'objet d'un travail spécifique.

La gestion de la distance et les concepts de combat vont émerger de la mise en "forme" des gestes de base.

Dans les arts internes, les techniques de base sont souvent plus axées sur le développement du corps et de son mouvement que sur les "frappes" de base. Les frappes sont souvent pratiquées plus tard, dans les exercices de sortie de force des "mouvements uniques".


Pour quelles raisons devrait on pratiquer les formes aujourd'hui ?

Je pense qu'il y a encore trois bonnes raisons de le faire :

- préparer le corps pour les mouvements du style,

- regrouper toutes les techniques qui forment le style,

- concentrer les "utilisations" du style dans une forme.

Dans la forme il sera possible de combiner la façon de bouger, la mécanique du mouvement, les concepts de combat et la gestion de la distance. Aucun de ces principes ne sera véritablement visible, ils peuvent demeurer transparents dans notre pratique si les méthodes d'entraînement ne sont pas connues.

Le problème est que, au fil des siècles, les mouvements ont évolué en tant que mouvements et non en tant que principes. Ce qui fait qu'un geste créé à l'origine pour mener une action précise, souvent ignorée du pratiquant, peut être modifié ensuite sans que le pratiquant n'en comprenne la raison. Il en résultera une forme plus "jolie", plus adaptée au jeune maître, mais plus éloignée de la création originale. Petit à petit, le style perd de son "cœur" et nourrit son "enrobage".

De plus, les techniques qui furent utilisables il y a longtemps, dans une situation précise, sont obsolètes aujourd'hui. Je pense tout particulièrement à des techniques qui viennent des combats en armures, ou destinées à combattre des cavaliers, qui semblent inutiles pour la rue d'aujourd'hui. Même si on peut aussi être gagné de malchance et être attaqué par un cavalier en armure !

Chaque mouvement des formes doit être entraîné pour exprimer de la puissance, de la vitesse tout en restant décontracté. Sans cet entraînement, les formes sont "vides", et même si les gestes sont là, ils manquent de force et de précision, ils ne servent à rien, mais c'est joli.

Pour que l'art soit vivant, il doit évoluer.

Un maître fier d'avoir une forme qui n'a pas changée depuis la création de son style sous tend deux travers : le premier est que si son style est "utilisable", il décrète que les façons de se battre n'ont pas évoluées, le deuxième est que les gens sont devenus idiots ces dernières décennies et donc incapables d'évoluer ou de penser.

Après avoir maîtrisé son art, je redis ça : après avoir maîtrisé son art, il est souhaitable de le faire évoluer si besoin, ou de le laisser comme tel.

Les nouvelles connaissances des gens en anatomie, en entraînement cardio-vasculaire, les techniques d'accroissement de la proprioception, la compréhension de l'augmentation de la force et les exercices d'entraînement de la vitesse… tout cela peut nous amener à une évolution de notre façon de pratiquer. Si on préfère ignorer toutes ces connaissances, et pratiquer comme il y a 300 ans, c'est un choix… qui fait bien souvent perdre son temps, un temps si précieux dans la pratique.

"Il faut trouver en chaque chose le juste milieu", je pense que c'est la solution. Les formes traditionnelles doivent se nourrir de la connaissance d'aujourd'hui, mais il ne faut pas renoncer à la profondeur du savoir des anciens, à la magie de la transmission du savoir.

La spécificité de bon nombre d'arts internes réside dans l'apparente innocence des pratiques.

Pour développer profondément des changements dans le corps et l'esprit de l'adepte, il est important de ne pas lui donner des exercices trop "clairs", sinon il va chercher à y mettre force et vitesse.

Si on peut s'entraîner sans "intention" sur une transformation, tout est plus facile. Reproduire des gestes qui expriment la force à travers un corps non préparé, ou développer de la puissance dans une enveloppe fragile, c'est mettre un canon lourd dans une barque : au premier coup de feu, l'embarcation coule.

Dans les arts internes, on privilégie la préparation de la structure à son utilisation. La forme va permettre de tester la structure, à travers une danse élégante et qui résume les théories du style. Après de nombreuses années de compréhension par la pratique, les exercices et méthodes d'entraînement vont nourrir la forme qui va "enseigner" au pratiquant.

Pour toutes ces raisons, les formes "sont" les arts anciens, "l'âme" des styles et donc elles ne "servent" à rien.